Julia Kogan la sage fera des folies
Julia Kogan est une soprano de grand talent familière à la scène des rôles de soprano colorature les plus exigeants comme La Reine de la Nuit et ses terribles contre-fa, Blondchen de l’Enlèvement au Sérail de Mozart et Zerbinetta dans l’Ariane à Naxos de Richard Strauss. Son premier enregistrement la produit dans la musique de Vivaldi alors que le chant baroque n’est pas son territoire familier. Nous admettrons donc une certaine retenue comme la marque d’une première rencontre encore timide. Car la voix est intéressante avec un aigu facile, un médium sonore et des graves timbrés. Cette voix sur aigue a donc bien des atouts nécessaires pour rendre grâce aux airs que Prêtre Rosso a offert aux sopranos. Les vocalises, trilles, messa di voce sont bien présents et l’école de chant américaine peut s’enorgueillir de cette élève si douée. La projection du texte est un peu pale mais c’est si souvent le cas avec des voix si aigues que nous ne lui en tiendrons pas rigueur. Par contre la compréhension des humeurs de textes très variés est appréciable. Les airs comportent quelques-uns des plus connus de Vivaldi comme le célèbre Spoza son disprezzata immortalisé par Montserrat Caballe dans une version accompagnée au piano qui ne conserve que la ligne de chant mais oh combien sublime, magnifiée par la Diva Catalane. Certains airs sont connus au disque par d’autres belle voix mais c’est surtout avec une diva germanique au tempérament de feu que l‘élégante Julia peut être comparée et même opposée. En effet Simone Kermes a gravé il y a peu un récital chez DG qui a fait grand bruit en raison d’une audace interprétative hors du commun et proche de la déraison. C’est en pensant à la Cathédrale de Strasbourg que le comparatif prend sens avec les statues des Vierge Sages et celles des Vierges folles. Ici nous opposerons Julia « la Sage » et Simone « la Folle ». Nous avons ainsi deux facettes de l’interprétation vivaldienne qui est riche en possibilités.
Mais c’est peut-être l’orchestre qui fait la différence la plus significative entre les deux Divas. Simone Kermes est dignement stimulée et entourée par un orchestre baroque fait de vif argent alors que Le Chamber Orchestra Kremlin n’a rien de baroque. Limité aux corde et clavecin, il faut reconnaître que l’ennui guette par manque de couleurs, de bois et de cuivres et surtout d’un continuo varié, alors que l’ énergie rythmique est très appréciable. Nul doute que rien n’est définitif pour Julia Kogan qui depuis a eu le temps de s‘approprier le style flamboyant de Vivaldi.
Elle donnera ces mêmes airs avec Jean-Marc Andrieu et son orchestre des Passions. Nul doute que le feu et les larmes, la fureur et la douceur seront présents comme il se doit. D’autant qu’avec le concours de cette voix prestigieuse, l’Orchestre des Passions fête ses 25 ans lors de deux concerts. L’un à Montauban le 19 avril et l’autre à Odyssud le 20 avril. Le lustre de cette voix et la passion de cet orchestre associés offriront certainement des moments riches en émotions aux publics.
Il est à signaler que ce CD est produit par une maison toulousaine qui signe son opus 2. Longue vie à Rideau Rouge Records !
Antonio Vivaldi : Fioritura.
Airs d’opéras et Motet.
JULIA KOGAN, soprano. Chamber Orchestra Kremlin. Direction: Misha Rachlevsky
Un CD Rideau Rouge. RRR02. Durée 60’36’’. Enregistrement de 2009.