Il est des structures qui ne sont pas simples à gérer quand une succession se présente. Surtout quand elle est sensée diriger plusieurs centaines de personnes qui dépendent de deux pôles, un pôle administratif et un pôle artistique, les deux furieusement indissociables. Coup double au Théâtre du Capitole, Janine Macca part bientôt en vacances prolongées après avoir assuré de mains de maître la direction administrative du Théâtre comme de l’Orchestre. On salue l’arrivée de son successeur, Guillaume Lecoester.
Quant à la direction artistique, nous retrouvons Christophe Ghristi qui n’est pas un inconnu pour beaucoup d’entre nous puisqu’avant son escapade parisienne, il était déjà dans nos murs, responsable de toute la dramaturgie du Théâtre sous le “règne“ de Nicolas Joël. Je, nous ? ne cacherons pas notre satisfaction de le voir prendre possession des locaux, cette fois-ci, tout en haut de l’échelle.
Succession artistique délicate car nous savons que les saisons ne se construisent pas d’une année sur l’autre. Ainsi, la saison passée et tout autant celle qui nous attend porte la marque encore de Frédéric Chambert, même si le Directeur artistique Jean-Jacques Groleau, nommé en intérim, a pu la remanier, la compléter au mieux des péripéties qui ont pu se présenter au fil des mois. C’est ainsi que la saison qui débute, 2017-18, est redevable de nos directeurs passés, et que, véritablement, la première saison à 100% de son nouveau directeur ne sera que pour 2019-20. Toutefois, il l’espère et fait tout pour que sa marque imprègne à 100% le Théâtre dès 2018-19. On sait le lien profond qu’il entretient avec de nombreux opéras, et plus particulièrement Eugène Onéguine ! A ce sujet, nous réserve-t-il une surprise de choc ?? On sait aussi son amour pour le chant, d’abord, mais aussi et bien sûr pour la musique et le théâtre, trilogie indispensable dans l’opéra, avec une idée forte qu’il exprime sans détours à savoir, que le théâtre ne doit pas détruire ni la musique et surtout le chant.
Dans cette présentation, on passe rapidement sur toutes les exigences d’une programmation qui vont de celles du public aux contingences financières et à celles du Théâtre lui-même avec tous ces Ateliers qui doivent continuer à faire sa réputation, de même que son corps de Ballet dirigé par Kader Belarbi, son Chœur et maintenant sa Maîtrise entre les mains d’Alfonso Caiani, sans oublier la fosse avec les musiciens de l’Orchestre du Capitole, fosse reconnue comme une des meilleures fosses françaises. Vous l’avez compris, une saison ne se bâtit pas sur un coin de table et trois coups de fil.
Quelques mots donc sur cette nouvelle saison lyrique qui comporte six opéras mis en scène et un ouvrage en version de concert. Terminé pour les opérettes. Le public n’est plus le même. Ses goûts et exigences ont beaucoup évolué. La rencontre ne semble plus possible. Mais le Théâtre se doit d’être prudent sur ses offres pour ne pas mettre en péril tous les secteurs qui participent à son entité. L’étiage basses eaux semblent atteint avec cette nouvelle saison.
Frédéric Chambert a toujours aimé nous surprendre, en ouverture de saison, ou en clôture. Là, avec Tiefland, opéra expressionniste d’un certain Eugen d’Albert, un des principaux représentants du vérisme germanique, c’est un pari à 5000 contre 1. La découverte sera totale pour 99,99% des spectateurs. C’est une nouvelle production que le Théâtre du Capitole assume seul, et qui pourrait bien créer une agréable surprise. Souhaitons le. Claus Peter Flor relève le défi et assure la direction musicale de cet opéra créé en 1903 en terre allemande et dont le livret situe l’histoire en nos Pyrénées catalanes. Tel une éponge, son compositeur nous livre une écriture musicale dans laquelle on cherchera toutes les références à des musiques d’auteurs comme Puccini, Mascagni, Verdi et autres. Walter Sutcliffe met en scène en toute quiétude n’ayant pas le souci d’une quelconque comparaison. Ceux qui ont assisté aux deux Britten donnés dans la même soirée connaissent son travail (Le Tour d’écrou et Owen Wingrave).
Mois de mai, un Verdi est bien là avec la coproduction de Macbeth dans une mise en scène choc de Jean-Louis Martinoty qui ne se dérobe pas. Le plus sombre des ouvrages de Verdi ne comporte aucune histoire d’amour émouvante. Pas de transposition, ce sinistre épisode de portée universelle, tiré du premier opus shakespearien, ne le nécessitant pas. Le couple Macbeth n’est pas tendre, et il ne le sera pas. Daniel Oren à la direction musicale ne le sera pas non plus. Pour les deux protagonistes principaux, on retrouve Tamara Wilson qui a vraiment tout réussi jusqu’à présent sur la scène de notre Théâtre, de même que, on peut le dire, Vitaliy Bilyy, son cher époux à la scène. Un spectacle qui devrait marquer les esprits !!
Pour les autres affiches, c’est tout d’abord, le retour en novembre de La Rondine de Puccini, production présentée au Capitole en 2005, couronnée de succès dont ces quelques lignes publiées lors de son passage sur écran en 2009 filmée au Met sont bien la preuve : « C’est le symbole de la réussite mondiale d’une production montée à Toulouse. Cette « Rondine » a été créée à Londres. Elle a aussi été présentée à Paris, à Monte-Carlo, à San Francisco. Les décors d’Ezio Frigerio, construits dans les ateliers du chemin Amouroux (où ils reviendront après avoir été remis en état) sont maintenant au Met de New York. Ils sont de surcroît visibles en mondiovision. Voilà la preuve que le Capitole est une scène internationale. », souligne-t-il.
« C’est une œuvre que j’aime beaucoup. C’est ma deuxième production de l’ouvrage. J’ai monté la première à la Scala de Milan. J’espère que celle-ci continuera sa carrière et que l’ouvrage sera ainsi replacé au cœur du répertoire. Angela Gheorghiu est merveilleuse dans le rôle de Magda », ajoute Nicolas Joël.
Février verra le grand retour, à 18h pour les soirées, de La Walkyrie dans la production de Nicolas Joël qui accuse déjà presque ses vingt ans. Le temps défile. La réussite alors du trio Frigerio-Squarciapino-Cheli dans les décors, costumes et lumières nous rassure, éléments déterminants de la mise en scène de Nicolas Joël. La distribution devrait lever, si nécessaire, les quelques appréhensions bien naturelles car on remarque Anna Smirnova dans le rôle écrasant de Brünnhilde, chanteuse fort remarquée dans Jeanne, la Pucelle d’Orleans, ce 15 mars dernier. Elle fut acclamée à la Halle. Quant à Wotan, c’est Tomacz Konieczny. A son sujet, on a pu lire que dans le rôle de Telramund d’un Lohengrin, il y a peu : « son timbre est particulièrement sonore, clair, la voix est puissante et le sens du texte particulièrement expert. On sent qu’il y a derrière une expérience de Wotan et Alberich, qui sont des rôles dans lesquels le baryton basse polonais excelle. Ainsi d’un deuxième acte impressionnant de puissance et de présence qui montre que Konieczny est un artiste notable de la scène wagnérienne d’aujourd’hui. » Tout est dit et donc, nous voilà rassuré par avance sur l’affiche pour un artiste encore jamais entendu ici.
Dans Sieglinde, c’est une voix que nous connaissons bien puisqu’entendue dans l’Adriano de Rienzi, celle de Daniela Sindram. Il fut écrit : « Tel n’est fort heureusement pas le cas d’Adriano, brûlé de l’intérieur et chanté avec une belle passion par le beau mezzo de Daniela Sindram. Chacune de ses interventions est investie et elle chante à la perfection, écarts compris, son « Gerechter Gott ». » Fort bon accueil aussi pour sa Brangaëne dans la reprise de Tristan et Isolde. Dans Hunding, on retrouve la belle basse de Dimitry Ivashchenko découverte tout récemment dans Zacharie du Prophète. Sans oublier à la baguette, Claus Peter Flor, un habitué de la fosse qui permit de faire découvrir en ce mois de juin dernier de la meilleure des façons, à tous ou presque, Le Prophète de Meyerbeer. Si l’on repense aussi à sa direction d’un certain Vaisseau fantôme, tout doit aller pour le mieux. Dans Sigmund, nous avons Michael König. Juste avant, il aura chanté Max dans Le Freischütz à La Scala, donc…. Dans Fricka, c’est Elena Zhidkova. Elle vient de chanter Eboli de Don Carlo à l’Opéra de Vienne !! Cela devrait aller.
Avril, c’est pour Carmen. C’est une nouvelle coproduction avec l’Opéra de Monte-Carlo dans une mise en scène de Jean-Louis Grinda sous la direction musicale d’Antonio Molina avec une Carmen, Clémentine Margaine qui a chanté le rôle sur la scène parisienne, et qui va retrouver son amoureux meurtrier Charles Castronovo, applaudi ici-même dans Manon avec Natalie Dessay, l’Escamillo de Dimitry Ivashchenko et la toute douce Micaëla d’Anaïs Constans qui tient là son premier grand rôle sur la scène “capitoline“. Il faudra bien 7 représentations pour satisfaire la demande pour cet opéra toujours aussi couru du public.
La saison se termine avec une reprise de l’opéra seria ultime de Mozart, La Clemence de Titus, dans une mise en scène scrupuleusement classique de David Mc Vicar et des décors simples mais beaux et d’élégants costumes. La distribution est totalement renouvelée dans laquelle on retrouve les noms de Keri Alkema, Sabina Puertolas, délicieuse Fiorilla dans un tout récent Turc en Italie, ici même, Julie Boulianne applaudie dans Béatrice et Bénédict, Aimery Lefèvre, habitué de notre scène avec Castor et Pollux, Les Pigeons d’argile, et enfin la direction musicale confiée à Attilio Cremonesi, auteur d’une très belle prestation dans ce fameux Turc de novembre dernier.
Orphée et Eurydice de Christoph Willibald Gluck sera présenté sur la scène du Théâtre en version de concert. La version choisie est celle de Paris 1774, en français, avec un ténor en Orphée. On peut regretter que la saison se déroule avec une production complète de moins mais, quand on a assisté à une représentation de cet opéra avec une mise en scène aussi indigente que celle d’un certain 29 février 1988 au TCE, même avec Marilyn Horne en Orphée, hélas, on se dit qu’il vaut sûrement mieux avoir Christophe Rousset qui saura galvaniser ses Talens Lyriques, le Chœur du Capitole, Frédéric Antoun en Orphée et Judith van Wanroij en Eurydice et bien sûr l’Amour de Jodie Devos : ce sera un excellent moment de musique et de chant, avec la harpe dans la fosse et sans l’accessoire indispensable, la fameuse lyre en plastique sur scène pour un playback approximatif. Simplement trois représentations.
Toujours sous la direction de Kader Belarbi, “le Kirikou du classique“ comme il se nomme, le corps de ballet du Théâtre continue à gravir les marches d’un succès grandissant. Rappelons que la troupe et son “patron“ ont franchi pour la première fois, les portes du TCE, Avenue Montaigne, Paris et ce, depuis la création officielle du corps en 1949. Un corps de 35 interprètes pour 14 nationalités. C’est le retour de Giselle dans sa propre chorégraphie qui obtint un très grand succès en 2015. Toujours en puisant dans le répertoire, et en continuant à se battre pour la tradition de la danse française, il signe une nouvelle version de Casse-Noisette, « friandise de Noël sucée et resucée par nombre de chorégraphes, dont il va tenter d’extraire une saveur inédite entre enfermement au pensionnat et envol au pays de la magie. » Il en signe la chorégraphie et la mise en scène.
Parallèlement à ses créations, c’est aussi la reprise de deux spectacles déjà au répertoire des Ballets du Capitole et traités par deux grands chorégraphes contemporains. Les Liaisons dangereuses sur une chorégraphie de Davide Bombana. C’est bien l’ouvrage de Pierre Choderlos de Laclos qu’il transpose après avoir traité des sujets aussi conséquents que Woyseck, Lolita, Faust ou Médée. Un spectacle suivi de Cantata de Mauro Bigonzetti, véritable hommage à la culture italienne méridionale et à sa tradition musicale.
Kader Belarbi a décidé de clore la saison sur Toulouse en rendant hommage à un chorégraphe majeur du XXe siècle, Roland Petit. Ce sera à l’aide de trois spectacles dont un, Les forains est entré au répertoire du ballet du Capitole en 2014. Sur une musique d’Henri Sauguet et un livret de Boris Kochno, voilà une suite de passages emplis de poésie. Deux entrées au répertoire avec L’Arlésienne et Carmen, bien sûr sur une musique de Georges Bizet avec l’Orchestre du Capitole dans la fosse du Théâtre dirigé par le chef Enrique Carreon-Robledo. Les deux trames tragiques, la première d’Alphonse Daudet est confiée pour les décors à René Allio. La deuxième de Prosper Mérimée, évolue dans des décors et costumes d’Antoni Clavé. Remarquons que, si la saison finit en mars, le calendrier de la troupe montre qu’en avril, son directeur et les 35 danseurs vont faire vibrer en avril le public brésilien et, un peu plus tard, le public chinois dans une tournée en mai.
Depuis plusieurs années, le Théâtre du Capitole est davantage qu’une saison d’opéras et une de ballets. On peut rajouter les rendez-vous comme les Midis du Capitole au nombre de 4 mais encore le Chœur du Capitole sur deux concerts, un Magnificat de Bach suivi de Chants traditionnels de Noël et fin juin, de grands chœurs d’opéras. Une touche contemporaine est confiée à Joël Suhubiette et ses Chœurs de chambre Les Eléments ainsi qu’à Ars Nova dirigé par Jean-Michaël Lavoie dans un concert consacré à des œuvres du compositeur Luciano Berio.
Pas d’impasse non plus sur les diverses actions culturelles et éducatives avec, des rencontres-débats, conférences opéra, conférences ballet, Parlons-en, Un Thé à l’opéra, Journées d’étude, des ateliers participatifs et créatifs, des visites avec les ficelles du spectacle, visites des coulisses…7 pages dans la brochure du Théâtre.
Michel Grialou
Crédits photos
Théâtre du Capitole / Alfonso Caiani / La Clémence de Titus / Kader Belarbi / @ Patrice Nin
Christophe Ghristi © Pierre Beteille
Claus Peter Flor © Peter Rigaud
Macbeth © F.Desmesure
Nicolas Joël © Elisa Haberer
La Walkyrie © Patrick Riou
Charles Castronovo © Pia Clodi
Christophe Rousset © Ignacio Barrios
Les Forains © Francette Levieux
Tomasz Konieczny © Claudia Taday
Michael Konig © Hacine Brahim
.