Née en 1996, Mélanie Laurent a grandi dans une famille de musiciens professionnels dans laquelle amour, musique et partage ne font qu’un. Elle a appris la harpe au Conservatoire de Toulouse avec sa marraine Dominique Piussan, et la musique de chambre à la maison, de façon informelle, pour le plaisir de jouer ensemble. Après un diplôme d’études musicales brillamment obtenu, c’est à l’âge de 17 ans que Mélanie Laurent s’est envolée pour Paris, où elle s’est perfectionnée d’abord auprès de Ghislaine Petit au Conservatoire Régional, puis au Conservatoire National Supérieur, dans la classe de son mentor, Isabelle Moretti. Elle y a décroché sa licence avec la mention Très bien en 2018 et y continue actuellement son master.
Mélanie Laurent a remporté le Premier Prix du Concours International Léopold Bellan 2017. Elle vient d’obtenir en 2019 le prestigieux Premier Prix de l’USA International Harp Competition. Elle est soutenue par la fondation Meyer et les Fonds de Tarrazi.
Classictoulouse : Le milieu musical dans lequel vous baignez depuis votre naissance a-t-il été déterminant pour votre investissement professionnel ?
Je pense que n’importe qui peut réussir une carrière de musicien à force de volonté, de travail et de persévérance, qu’on soit issu d’une famille de ce milieu ou non. Mais il est vrai que j’ai la chance d’avoir des parents qui m’ont toujours encouragée à réaliser mes rêves, sans jamais les juger irréalisables. C’est aussi grâce à eux et à leur amour pour la musique que j’ai toujours perçu cet art comme un langage capable d’exprimer des émotions transcendant les mots. Ils m’ont donc transmis le désir d’aller toujours plus loin dans l’interprétation de nouvelles pièces.
Comment s’est opéré le choix de la harpe comme instrument de prédilection ? La complémentarité avec la flûte que vos parents pratiquent au plus haut niveau a-t-elle joué un rôle ?
Mélanie Laurent : D’aussi loin que je me souvienne, du haut de mes six ans, j’avais décrété que je jouerais de la harpe et qu’il n’y aurait pas de négociation possible ! A cet âge-là, j’avais des difficultés à m’endormir, et c’est au son du poème symphonique Shéhérazade de Rimski-Korsakov que j’arrivais à trouver le sommeil tous les soirs. Ce sont les arpèges de harpe qui ponctuent chaque intervention du violon solo qui m’ont conquise, et encore aujourd’hui je suis touchée par cette œuvre qui résonne profondément en moi et me remémore la rencontre avec mon instrument. Je n’avais pas encore vraiment conscience que ce choix me donnerait l’opportunité de jouer avec mes parents, et avec ma sœur altiste, mais dès que l’occasion s’est présentée, j’en ai été ravie. Il n’est d’ailleurs pas si rare que les enfants de flûtistes choisissent la harpe, et vice versa !
Quelles étapes de votre formation ont-elles été déterminantes ?
M. L. : Les premières années dans l’apprentissage de la harpe sont cruciales, peut-être même plus que chez les autres instruments, car le geste technique pour pincer la corde et projeter le son est loin d’être intuitif. J’ai pu bénéficier d’un enseignement de très grande qualité auprès de ma marraine Dominique Piussan au CRR de Toulouse, qui a su dès le départ me donner des bases si solides qu’elles sont aujourd’hui inchangées. L’étape suivante a été de travailler deux ans avec celle qui est pour moi le professeur incontournable en France, Ghislaine Petit. Son travail, aussi minutieux que celui d’un orfèvre, m’a sculptée alors que je n’étais encore qu’à l’état brut et m’a permis de définir quelle harpiste je voulais être.
Enfin, bien sûr, les quatre dernières années passées auprès de l’admirable Isabelle Moretti au CNSM de Paris m’ont encore davantage dévoilée à moi-même, et permis de repousser mes limites bien plus que je ne l’aurais imaginé.
Quel rôle ont joué les récompenses que vous avez obtenues ?
M. L. : Le concours Bellan, puis l’USA International Harp Competition à plus grande échelle, ont beaucoup contribué à me donner confiance en moi et, car je n’attendais rien en me présentant, le sentiment d’accomplissement et de bien être qui en a découlé n’en a été que plus beau. Bien sûr, je souhaitais au plus profond de moi gagner, mais je n’avais pas eu l’audace d’imaginer que ce soit possible. Après tant d’années de don de soi, ces récompenses et la reconnaissance qui les accompagnent m’ont prouvé que le travail paie, et m’ont encouragée à continuer les sacrifices et les efforts que j’ai dédiés à ma harpe. Par ailleurs, beaucoup de portes se sont ouvertes après cela, notamment des invitations à jouer un peu partout dans le monde !
Parlez-nous en particulier de ce récent Premier Prix de l’USA International Harp Competition ?
M. L. : Ce fut une expérience absolument inoubliable, tant pendant la préparation que pendant les épreuves ! J’ai commencé à travailler le programme dès le jour où il a été annoncé et ce fut le début d’un marathon de deux ans et demi où ma priorité absolue était d’être prête à temps et de traverser l’océan sûre de moi. Pour cela, j’ai dû refuser des concerts attrayants, faire de grosses économies et avoir une hygiène de vie irréprochable. Parfois je me suis demandée si le jeu en valait la chandelle et si je ne ferais pas mieux de renoncer. Il semblerait finalement que cet investissement à long terme ait porté ses fruits… Avant même d’arriver à l’échéance, les progrès fulgurants que j’avais faits étaient déjà une belle récompense.
Après avoir rôdé mon programme devant des publics très divers une bonne quinzaine de fois, je suis arrivée à Bloomington bien consciente de vivre un épisode important de mon destin. J’ai été agréablement surprise de l’ambiance chaleureuse qui régnait là-bas, y compris entre les participants, et je n’aurais pas pu rêver d’une famille d’accueil plus prévenante que celle qui m’a hébergée et entourée. Je me suis sentie portée, de tour en tour jusqu’à la finale, comme dans une bulle en dehors de la réalité. Quelle chance incroyable de jouer enfin le Concerto d’Aranjuez en finale, accompagnée d’un orchestre, après l’avoir tant de fois répété seule dans les studios ternes du Conservatoire ! Enfin, c’est entre le rire et les larmes que j’ai eu l’immense bonheur de recevoir mon prix, ma médaille d’or, ainsi que ma toute nouvelle harpe dorée.
Comment envisagez-vous votre avenir ?
M. L. : Dans l’avion ! Je souhaite bien sûr honorer au mieux toutes les propositions de concerts qui m’ont été faites, et en accepter de nouvelles. Obtenir un poste d’orchestre permanent me rendrait aussi très heureuse. Pour finir, un enregistrement de CD dans les années à venir serait une belle concrétisation de mes projets.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
Mélanie Laurent © Yoann L’Hostellier