C’est un habitué de la Halle qui est de retour ce mercredi 5 juin à 20h pour un récital, dans le cadre du dernier concert du cycle Grands Interprètes pour cette saison. Enfant prodige en son Brésil natal, le pianiste est adulé par les mélomanes du piano, faisant partie des monstres sacrés en exercice. L’homme étant plus que discret, c’est par son piano et lui seul, que « ce magicien à la sonorité ronde et bruissante de mille nuances » est toujours en pleine lumière.
Au sujet de la construction du programme d’un récital, il nous dit : « Je pars du principe qu’un concert doit être préparé comme un bon repas, ce qui m’arrange car je suis très gourmand et gourmet. (…) Concevoir un programme, c’est d’abord basé sur l’inspiration. Ce peut être la recherche d’un équilibre particulier, de contrastes affirmés ou bien pas du tout, d’une complémentarité harmonique entre les œuvres. (…) Il ne faut pas jouer tout le temps les mêmes pièces mais associer la légèreté à la profondeur, faire découvrir des partitions plus rares… ».
Ludwig van Beethoven
Sonate pour piano n°14 en ut dièse mineur, opus 27 n°2 dite “Clair de lune”
Adagio sostenuto
Allegretto
Presto agitato
Johannes Brahms
Trois Intermezzi, opus 117
Andante moderato en mi bémol majeur
Andante non troppo e con molto espressione en si bémol majeur
Andante con moto en ut dièse mineur
Dimitri Chostakovitch
Trois Danses fantastiques, opus 5
Allegretto
Andantino – Allegretto
Allegretto
Ignacy Jan Paderewski
Nocturne en si bémol majeur, extrait des sept pièces de Miscellanea, opus16
Frédéric Chopin
Polonaise, opus 26 n°1
Impromptu, opus 36
Mazurkas, opus 33 n°4 et opus 17 n°4
Ballade n°3, opus 47
Confidence : « Pour moi, l’important est d’être sincère, j’aime moins ce que les gens expriment que la façon dont ils l’expriment. Martha (Argerich) et moi, par exemple, nous avons été hypnotisés par Horowitz, non pour sa vélocité ou la richesse orchestrale du son mais pour cette façon dont le marteau touche les cordes, et qui nous électrise. »
Le récital ouvre avec la Sonate la plus célèbre de toutes les sonates de Beethoven, et dont le titre : “Clair de lune“ qui lui a été donné et qui est universellement en usage, émane bien de l’esprit romantique plaçant la nuit au rang des sources d’inspirations, et pour lequel aussi, le grand amour reste inséparable des paysages nocturnes. Son caractère dramatique ne laisse planer aucun doute sur la nature des amours du compositeur pour Giulietta. Est-ce prémonitoire ou bien la rupture est-elle consommée ou simplement amorcée ? On l’ignore, mais les dernières notes illustrent davantage une chute brutale dans le désespoir. La Sonate en question est douloureuse, à n’en pas douter. On y sent la dévastation d’une passion malheureuse et non les charmes d’un amour partagé.
Sur les Trois Intermezzi, Op. 117, la dominante sombre domine. C’est une musique intense, profonde, demandant une écoute acérée et donc délicate à donner en concert, un vrai test pour le public !! Claude Rostand a écrit : « Trois paysages d’automne qui restent tous dans la demi-teinte, le clair-obscur, chers au Brahms de la vieillesse ». Ils datent de 1892. Ces pages désenchantées, à la poésie prenante et ouatée, débutent par un premier inspiré d’une ballade écossaise dont il inscrit les deux premiers vers en épigraphe : « Dors doucement, mon enfant, dors serein et tranquille, / cela me fait tant de peine de te voir pleurer. » La pièce a un peu le caractère d’une berceuse. La suivante en si bémol mineur est un des “tubes “ du Brahms pianistique. On pourra facilement remarquer les arabesques de triples croches entrelacées, sa première partie paisible contrastant avec la tristesse teintée d’un peu de résignation du bref épisode central. Le dernier Intermezzo présente toute la simplicité et la clarté de la ballade nordique, au caractère sombre. La fin, très ralentie, a un côté plutôt funèbre et même désespérée.
Les Trois Danses fantastiques de Dimitri Chostakovitch sont composées à l’âge de 14-16 ans (1920-1922). Elles figurent parmi les œuvres les plus populaires de leur auteur et ont conservé tout leur charme aphoristique et leur parfum capricieux. D’abord publiées sous le numéro d’opus1, elles sont à des années-lumière de l’expression tragique du symphoniste épique à venir. On remarquera le talent de miniaturiste du compositeur, ses ressources et sa concision à la fois incisives et caustiques, ses ingénieux revirements harmoniques que l’on retrouvera plus tard et son exploitation si caractéristique de la sonorité du piano reconnaissable “entre mille“.
Ignacy Jan Padererewski est un pianiste légendaire polonais, né en 1860, mort en 1941. Ce fut aussi un ardent patriote que la Pologne indépendante se choisit comme Premier Ministre en 1919. Il signa pour son pays le traité de Versailles. Sur le plan artistique, il fut aussi l’artisan principal de la fameuse “édition polonaise“ des œuvres de Chopin. Quand il compose ce recueil de sept pièces il n’a pas la trentaine et abandonnera la composition par la suite, pratiquement.
Enfin, Frédéric Chopin pour clore ce récital et le choix de quatre types d’œuvres pour piano si caractéristiques du compositeur, considéré par Nelson Freire comme par tant d’autres de pianistes, comme le roi du clavier. Dans l’énoncé du catalogue de ses partitions, impossible de ne pas évoquer alors qu’il fut aussi l’homme qui créa une conception spiritualisée de sa Pologne natale, écrivant son histoire tragique et compliquée avec tant d’élégance, de passion, d’éclat et de force que compositeur et pays natal ne firent plus qu’un. Autre caractéristique, aucun autre compositeur ne se consacra aussi pleinement à un seul instrument, et pour répondre à ceux qui pourraient mettre en doute sa grandeur, regrettant l’absence d’opéras et symphonies, on ne peut que citer Goethe : « C’est en travaillant dans certaines limites que se révèlent le talent. »
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Michel Grialou
Billetterie en Ligne des Grands Interprètes
Les Grands Interprètes
Nelson Freire (piano)
mercredi 05 juin 2019 • Halle aux Grains