On le savait, l’Ariane de Paul Dukas est un rôle parmi les plus exigeants du répertoire féminin des scènes lyriques. Composant une Ariane souvent fascinante, Sophie Koch a relevé le gant et, centre d’une magnifique production, permis à cet opéra de connaître à nouveau la Lumière et la Vérité du Beau, dans tous les domaines, du chant, de la musique et du théâtre.
Revoir mon article-annonce et présentation de l’ouvrage de Paul Dukas, un parmi simplement les sept principaux qu’il a bien voulu sauver de sa production.
Ce qu’il y a de bien avec ce type d’ouvrage réputé difficile, c’est que sa rareté sur scène empêche toute comparaison hasardeuse et tous commentaires superfétatoires. Autant on peut se répandre sur une énième Carmen, autant, ici, il faut faire avec ce que les artistes nous livrent sans comparaison possible. Ce qui permet d’abord de s’enthousiasmer pour la musique de Paul Dukas, mais aussi de louer l’entente qui saute aux yeux et aux oreilles entre un metteur en scène responsable de tout sur le plateau, mise en scène, décors, costumes et lumières, Stefano Poda et un chef responsable de la fosse et tout ce qui se passe sur le plateau, Pascal Rophé. On ne peut alors, que se réjouir de l’exemplarité du travail d’ensemble. Musiciens et choristes (ceux-ci rejetés hors scène : effet saisissant,) de nos équipes “capitolines“ ont encore donné la preuve de leurs qualités, la fosse donnant constamment le ton, car ici, la musique est tout, c’est en elle que le drame s’accomplit. Après Verdi, Korngold, Donizetti, Richard Strauss, Dukas, ce sont des mets de premier choix.
C’est le Château de Barbe-Bleue, une sorte de collectionneur de femmes, épuisé, interprété par Vincent le Texier qui suit à la lettre, au millimètre les indications du metteur en scène. Ariane est sa sixième épouse qu’il aime réellement, mais qui, contrairement aux cinq précédentes, n’a pas l’intention de croupir dans une pièce du château. On loue le respect par le metteur en scène de l’idée capitale de Paul Dukas, à savoir : « …ce n’est pas en vertu d’une conviction féministe qu’elle agit, mais par l’expansion d’une nature supérieure, surnaturellement bonne et active, et parce qu’elle croit les autres semblables à elle-même. Elle ne hait point Barbe-Bleue ; elle l’aime au contraire comme elle aime toute puissance naturelle. Mais elle impose à cette puissance sa limite, qui est la liberté, également naturelle, de celles qu’il veut asservir, et dès les premiers mots, elle le domine. Ce rapport entre tous deux est primordial et doit être indiqué avec beaucoup de délicatesse si l’on veut suivre la pièce et comprendre le dénouement. »
Un château concrétisé par une sculpture, dessinée par Poda, qui occupe tout le fond de scène et dont la réalisation a occupé les ateliers pendant des mois. Les portes sont bien là et certains détails du livret aussi, mais pas tout, et peu importe car l’ensemble fonctionne, et pour faire avancer l’histoire et, sur le plan visuel car la gestion des lumières, de Poda, est remarquable. C’est la lumière qui fait théâtre et qui rejoint en cela le livret. Là, reconnaissons que les paroles de Maeterlinck n’ont pas toujours une consistance facilitant la réponse théâtrale. Sans oublier les costumes, de Poda, ceux des épouses et ceux de leurs “doubles“, nues, vêtus d’un simple robe de gaze fine, et le travail des perruques. De même que tous les costumes de tous les autres protagonistes. Le décor qui fait penser à l’enfermement de la vaste salle souterraine et qui descend des cintres est aussi une belle trouvaille, et une réussite. Le résultat n’est qu’une succession de très beaux plans de scène.
Aidée par sa Nourrice, Janina Bachle, belle voix de mezzo, parfaite dans les scènes des pierreries, c’est Ariane qui, par son geste profanateur d’ouvrir une porte close, va entraîner les cinq épouses vers la liberté, jusqu’à la dernière, Alladine, rôle muet interprété avec toute la tendresse requise par Dominique Sanda. Une liberté qu’elles vont refuser, une à une, incapables de quitter un tyran bien fatigué pourtant. Selysette, Ygraine, Bellangère et Mélisande sont idéales dans leur intervention respective, soit, Eva Zaïcik, Marie-Laure Garnier, Erminie Blondel, Andreea Soare.
Dans son refus des chaînes même les plus séduisantes, l’Ariane de Sophie Koch, parfait mélange de révolte, de force et de conviction, préfère sa magnifique solitude dans la Liberté et sera la seule à quitter la demeure au retour de leur seigneur et maître, déjouant même la pensée des paysans livrant leur maître blessé et qui pensaient les femmes séquestrées ou même mortes. Elle se délivre, comme les clairs diamants, emblèmes de « cette passion de la clarté qui n’a plus rien à vaincre qu’elle-même. » Dans son interprétation, Sophie Koch, présente sans discontinuer ou presque, est tout à fait royale, d’une prestance absolument idoine pour le personnage, avec un port de tête qui me renvoie quelques années en arrière dans sa définitive arrivée sur le plateau pour sa Présentation de la rose dans Le Chevalier, image impérissable !! Vocalement, on ne peut aussi que louer la performance…qui va oser me contredire ??
Il vous reste trois représentations pour découvrir cette production incontournable pour votre culture musicale sur le plan lyrique !!
Billetterie en Ligne du Théâtre du Capitole
Théâtre du Capitole
Ariane et Barbe-Bleue • Paul Dukas
du 04 au 14 avril 2019