Une intime conviction, un film d’Antoine Raimbault
Se lancer dans un docu-fiction sur un sujet encore brûlant comme celui de l’affaire Viguier est un challenge téméraire. Surtout lorsqu’il s’agit d’un premier long. C’est pourtant le pari que tente Antoine Raimbault. Avec l’accord du principal intéressé faut-il préciser.
Rappel sommaire des faits : dans la nuit du 27 février 2000 disparaît Suzy Viguier, épouse et mère des trois enfants de Jacques. Immédiatement, l’enquête se focalise sur le mari. Avant le procès, autant la Juge que le Commissaire en charge de l’enquête ont déjà « condamné » le brillant professeur de droit.
Après plusieurs mois de prison, Jacques Viguier est libéré. Le premier procès l’acquitte en 2009, le second, en appel, un an après, rend le même verdict. Affaire classée si l’on ne tient pas compte des dix années d’enfer et des dégâts irréversibles subis par les deux familles. Il y a déjà là matière à un scénario, d’ailleurs la télévision s’en est largement emparée à plusieurs reprises (fiction et reportage). Antoine Raimbault a souhaité introduire ici un personnage fictionnel, Nora. Mère d’un petit garçon auquel Clémence, la fille aînée de Jacques, donne des cours de soutien, cuisinière de son état, passionnée aussi de procès, Nora est immédiatement convaincue de l’innocence de Jacques. Dans le scénario de ce film, c’est elle qui va décider le ténor des barreaux, Eric Dupont Moretti, à reprendre l’affaire en appel. Tout d’abord réticent, le célèbre avocat va finir par céder et même prendre Nora comme adjointe sur ce dossier. Dans son obsession maladive de recherche de la vérité, Nora va quitter son travail, abandonner quasiment son gamin et se lancer à corps perdu dans l’étude de l’affaire, écoutant et transcrivant des centaines d ‘heures d’écoutes téléphoniques. Le résultat n’est plus un mystère. Après une ultime plaidoirie aux accents philosophiques, Dupont Moretti arrache un nouvel acquittement. Clap de fin pour le passionné de cinéma qu’est Jacques Viguier. D’autant que le Parquet fait savoir qu’il ne se pourvoit pas en cassation.
Plus qu’un film de prétoire, apanage des Américains, ce que nous propose Antoine Raimbault tient plutôt du regard sur la justice de notre pays, et sur cette fameuse intime conviction demandée aux jurés. Or dans cette affaire il n’y a pas de « corps du délit » et c’est alors ce doute salvateur qui doit profiter à l’accusé. Dans le cas contraire, l’erreur judiciaire est à portée de main. L’histoire nous dit qu’elle est fréquente.
Parfaitement documenté auprès des minutes du Tribunal, le scénario conjugue un peu maladroitement, l’un affaiblissant l’autre, l’étude d’un caractère frappé de névrose obsessionnelle, celui de Nora, et le déroulement judiciaire de l’épilogue d’une affaire dont le mot fin ne sera jamais écrit. Et l’on peut regretter le choix d’un fait divers dramatique dont les témoins sont toujours là, pour illustrer l’étude d’une pareille psychose.
Robert Pénavayre
Une intime conviction – Réalisateur : Antoine Raimbault – Avec : Marina Foïs, Olivier Gourmet…
Olivier Gourmet – L’incontournable du film francophone
Ce jeune Wallon n’a que 13 ans, en 1976, lorsqu’il remplace au pied levé un camarade dans une pièce de théâtre. Résultat, celui qui se rêvait en journaliste sportif atterrit au Conservatoire Royal de Liège. Pendant une vingtaine d’années il sera l’interprète de Labiche, Claudel, Beaumarchais, etc. En 1996, premier pas à l’écran avec La Promesse des frères Dardenne. La suite nous est connue, des dizaines de films et un Prix d’interprétation masculine lors du Festival de Cannes 2002 pour Le Fils des frères Dardenne. Un comédien immense, un artiste profond et engagé. Une valeur sûre.