Festen est joué au ThéâtredelaCité jusqu’au 24 novembre. Une famille très aisée, l’anniversaire des 60 ans du père, une fille décédée un an plus tôt, de lourds non-dits et d’aussi pesantes révélations. Un film de Thomas Vinterberg qu’a adapté au théâtre Bo Hr. Hansen et que met en scène Cyril Teste. Des caméras entrent au théâtre.
La grande salle est comble. Le balcon est occupé par des élèves, les strapontins sont réquisitionnés pour des spectateurs de dernière minute, les différents rangs sont remplis. Le ThéâtredelaCité est plein comme un oeuf pour cette première représentation, ici, de Festen, mis en scène par Cyril Teste. Une certaine excitation circule dans l’air. Quelques avions en papier fusent depuis les sièges des lycéens et les murmures peinent à se taire lorsque les lumières s’éteignent. Le lever de rideau est lent, presque majestueux. Il dévoile prudemment le décor, l’intérieur du manoir d’Helge Klingenfeldt, et les quelques comédiens qui s’y trouvent déjà. Un rythme cinématographique.
C’est du fait de filmer dont il s’agit, c’est de cinéma dont il est question. Sur le plateau, aux côtés des comédiens-personnages, deux hommes habillés en noir pointent leur caméra sur ce qu’il se joue. Un petit engin de transmission, accroché à leur pantalon, clignote. Au-dessus, au centre, un grand écran diffuse des images montrant des actions commisent par les personnages, en même temps que ce qu’il se passe sur les planches. Cette mise en place rappelle Les Idoles, de Christophe Honoré, qui a été montré dans ce même lieu, quelques semaines avant. Le spectateur assiste au cinéma qui se fait, qui semble se faire, il est séduit par les cadreurs qui l’amènent là où il ne voit pas, il est irrité par le décalage son-image, il se laisse tromper (par ces caméras qui ne filment peut-être pas) et ne sait pas où regarder. Les caméras attrapent un ébat sexuel, les caméras font qu’une chambre en contient trois, les caméras qui rebondissent contre les miroirs multiplient les personnages par quatre.
Le spectateur est captif de cet écran, en surplomb, écrasant. Son visage est éclairé de bleu-blanc, il est brimé d’une blue face. Peut-il regarder ailleurs ? Les comédiens agissent, en-dessous de l’écran. Sont-ils regardés ? Ils s’adressent aux cadreurs. Ces derniers prennent la place des spectateurs, ils en sont les porte-regards. Le spectateur disparaît, il n’apparaît jamais à l’écran, il ne se rend parfois pas compte que la scène est vide de comédiens et que tout se joue ailleurs, derrière les cloisons du décor. Les images montrées à l’écran prennent la place du physique, des corps. Le spectateur, hébété, a des noeuds plein la tête.
Ce qu’il se joue, c’est la place de l’image diffusée sur un écran. Au tout début de la représentation, des doigts tapotaient encore sur la surface d’un téléphone tactile. Des vibrations légères se font entendre alors que les comédiens jouent. Dès qu’ils viennent saluer, faisant un rang impressionnant de dix-neuf personnes, ces légères lumières bleues sont déjà revenues. Quelle place occupent les écrans dans un théâtre ? Quelle place occupent-ils en-dehors de celui-ci ? (ose demander celui qui écrit ces phrases à l’aide d’un ordinateur) L’écran montre-t-il le physique et la nature ou bien leur fait-il écran ? Les questions sont nombreuses, les créations artistiques les nourrissent et les nourriront. Festen, quel que soit le goût qu’il laisse dans la bouche du spectateur (la pièce repose sur des « illustrations olfactives » et sur des « conseils culinaires« ) s’inscrit dans cette direction. Le théâtre n’est pas un temple.
Billetterie en ligne du ThéâtredelaCité
ThéâtredelaCité
Festen • Cyril Teste / Collectif MxM
du 20 au 24 novembre 2018