Dans le cadre du Festival Passe ton Bach (1), un remarquable concert fut celui du Grand Orphéon (2) en la Chapelle de l’Hôtel-Dieu, sous l’oeil attendri de Saint Vincent de Paul, le dimanche 3 juin, avec Cécile Grabias à la flûte, Jean Luc Amestoy à l’accordéon, Laurent Guitton au tuba et Nicolas Calvet, contre-ténor vocaliste, intitulée Suite basquaise.
Quel titre étrange pour du Bach, direz-vous ! Mais Jean-Luc Amestoy dit en confidence:
Bach, dans ses années de formation, a beaucoup marché. Il traversait une partie de l’Allemagne pour aller écouter Buxtehude ; j’ai alors imaginé que ses pas l’avaient amené jusqu’au village d’Hasparren. Et j’ai imaginé qu’à l’écoute du tambourin basque s’opérait une petite révolution dans son cerveau. Désormais il allait intégrer un nouvelle découpe rythmique à ses compositions, celle du « zortziko » : 5 temps au lieu de 4, comme dans notre premier morceau. Un nouveau Bach apparaît, et c’est un Bach basque (rires).
Ça n’a l’air de rien, mais l’histoire entière de la musique en aurait sans doute été changée…
Au programme : Fifrelins (Jean-Luc Amestoy), Contrapunctus n°1 (JS Bach ), Gavotte Solo Partita No.3 in E Major (JS Bach arrangement Jean-Luc Amestoy), Partita Solo No.3 in E Major (JS Bach arrangement Jean-Luc Amestoy), Erbarme dich extrait de la Passion selon saint Matthieu (JS Bach arrangement Jean-Luc Amestoy), Gigue Fugue G-Major BWV 577 (JS Bach arrangement Jean-Luc Amestoy) et Fandango (Jean-Luc Amestoy).
Si certains s’étonnent d’entendre interpréter Bach dans cette étrange formation, en particulier avec un accordéon, il faut leur rappeler que Richard Galliano joue depuis longtemps le Menuet & la Badinerie de la Suite orchestrale no. 2 in B minor BWV 1067 sur un accordina (4), sans que personne ne s’en offusque.
Et que Jean-Luc Amestoy est aussi un remarquable pianiste, qui a accompagné entre autres Eric Lareine et Vicente Pradal, totalement à l’aise dans le répertoire « bachien », auquel il apporte des rayons de fantaisie fort bienvenus, en plus d’une connaissance fort pointue de la Musique.
Et si la voix de Nicolas Calvet n’a rien à envier à celle de Gérard Lesne ou d’Alfred Deller, grands hautes-contres (3) qui ont marqué leur époque, elle fait penser par moment à la guitare blues de Pat Métheny. C’est un spectacle étonnant que de le voir en plus jouer avec la main droite toutes les notes qu’il chante, mais cela s’explique quand on sait qu’il a commencé comme tubiste.
Laurent Guitton, maestro es tuba, est un interprète éclectique qui multiplie les incursions dans tous les styles, de la musique classique au jazz, en passant par la musique improvisée et la musique populaire, toujours en bonne compagnie ; avec virtuosité et humour.
Quant à Cécile Grabias, si elle maitrise toute la famille des flûtes traversières (piccolo, flûte en ut, flûte alto, flûte basse), elle apporte à tous les répertoires une fraicheur et une élégance bienvenue.
La création du projet a eu lieu le 30 Janvier 2015 au Centre Culturel de Ramonville (31).
« Dans un recueil de contes du Pays Basque, j’ai lu que Jésus et Pierre son disciple avaient longé l’Adour, à une époque indéfinie ; et j’ai rêvé, rivé sur mes partitions de BACH, que le cinquième évangéliste lui-même, marcheur redoutable puisqu’il pouvait traverser l’Allemagne pour écouter l’orgue de Buxtehude, s’était trouvé un jour dans les parages d’Hasparren. En revenant (…) il écrira une Suite basquaise. À la suite d’un étonnant concours de circonstances, et disons-le, d’un coup de chance, cette suite a été retrouvée à Toulouse la semaine dernière ; la voilà dans la fragilité d’un premier déchiffrage ! » (Jean-Luc Amestoy).
La musique du « Grand Orphéon » est axée essentiellement sur quatre thématiques : la musique classique, le jazz, les musiques dites populaires, les compositions originales.
Le répertoire nous offre un voyage musical dans un univers coloré déjouant barrières et clivages stylistiques. Ce quatuor à l’instrumentation atypique crée une pâte sonore inédite donnant ainsi un éclairage nouveau à la musique interprétée. Tout au long de leurs concert, on découvre les influences et les apports réciproques entre ces musiques qui au final ne font qu’une.
Tant qu’on ne les a pas entendus, on pense aux Orphéons créés sous la Monarchie de Juillet, ces sociétés de chant choral destinées à assurer l’éducation musicale des élèves des classes primaires, à ces fanfares composées de musiciens et de chanteurs amateurs issus de milieux sociaux modestes.
Mais quand on entend chanter Nicolas Calvet sur le tapis volant sonore que tissent ses trois compagnons musiciens virtuoses, rien d’étonnant à ce que le groupe ait pris ce nom qui vient d’Orphée, héros de la mythologie grecque dont les chants passaient pour être particulièrement beaux et charmer jusqu’aux animaux.
Et je me rappelle ce vers de Raymond Radiguet :
Ô mes cousines, plus légères que l’onde, pourquoi l’orphéon océanique vous fait-il frissonner ?
Le mercredi 6 juin, à l’Entrepotes (5), le café musical de Gratentour, et dans le cadre de la Pause Musicale en Métropole (6), c’est avec un grand plaisir, non dissimulé, que l’on retrouvait Les Femmouzes T (6), dans une ambiance bon enfant de bistrot de province, chaises, croques-monsieurs (de circonstance, vu l’une des chansons du duo) et boissons à la bonne franquette.
Pour un peu, je me croirais revenu au bistrot d’Alexandrine, dans le village de ma grand-mère, quand j’étais adolescent au début des années 60 et que j’invitais Géraldine, ma jolie cousine, à boire une grenadine avant d’aller cueillir des cerises pour regarder sous sa jupe et grappiller sur ses lèvres quelques baisers comme des papillons.
C’est la Saison 2 de ces filles formidables, si naturelles, comme Olympe de Montauban qu’elle ont fait revivre ! Et Rita Macêdo, voix et accordéon, Françoise Chapuis, voix et pandeiro, nous ont présenté de nouvelles chansons joyeuses, poétiques et engagées, plus quelques bons anciens morceaux qui ont fait leurs preuves.
Même si le public est conquis d’avance, leur belle énergie se conjugue avec leur grand talent, et leur joie de jouer fait plaisir à voir.
Elles évoquent la poésie du quotidien, la condition féminine, les luttes toujours d’actualité (pour les femmes comme pour les hommes: faut payer toute l’année) et les petits bonheurs simples ; sur un rythme de samba, de valse ou de tango. Elles nous rappellent que la parité, c’est pas gagné (il y a tellement de faux-culs qui se gargarisent avec ce mot, jusqu’au plus hauts sommets de l’état, et continuent à se la jouer macho comme si de rien n’était), mais que, malgré tout, l’amour peut rimer avec toujours, et qu’il se cache là où on ne l’attend pas, comme pour Mado à 80 ans.
Ce duo de musique populaire est inspiré par la musique du Nordeste brésilien et par la chanson française. Leur compagnonnage artistique se perpétue dans un constant esprit de création. Rita Macêdo, brésilienne et fille du musicien de Bahia Osmar Macêdo, est installée depuis 30 ans à Toulouse. Avec Françoise Chapuis, elles distillent une musique métissée, chantée en français, portugais et parfois occitan. Après une pause de 10 ans, les Femmouzes T composent et écrivent à nouveau depuis 2017.
On se souvient avec émotion d’Olympe de Gouzes et de la Femme du soldat inconnu, car si « ce n’est pas marqué « engagées » au néon sur leur front, (…) quand elles disent musiciennes on entend citoyennes à tue-tête ». (D.Langlois-Mallet – Politis).
Comme l’écrivait le regretté Bernard Lescure dans La Dépêche du Midi : « Une véritable bombe d’allégresse, à faire danser la planète entière ». Et elles ont fait le tour du monde avec le Maestro Serge Faubert à la guitare et Eraldo Gomès aux percussions.
Elles ont fait du chemin depuis la place du Capitole (on y court, on y vole) et le marché aux puces de Saint Sernin où elles allaient chanter leurs refrains le dimanche matin, croisant Nougaro entre deux chansons et deux amours, le fantôme de Carlos Gardel (cet enfant né sous X à la Maternité de La Grave avant que sa mère ne revienne le chercher pour l’emmener en Argentine où il devint mondialement célèbre), elles se sont produites au Festival des Troubadours de Fortaleza au Brésil, elles ont été compagnes de route de Bernard Lavilliers et des Têtes raides…
Mais elles n’ont pas la grosse tête et on leur sait gré de venir nous enchanter, en bonnes Trobairitz, Femmes Troubadours, jusqu’à Gratentour.
On se quitte un peu à regret, je ressors de ma bibliothèque sonore leurs albums : Femmouzes T (Willing Production, Mosaïc Music1996), 2 (Créon/ Virgin, 2000) et Tripopular (Shaoline Music/Mosaïc Music, 2005).
Et j’attend avec impatience leur 4ème !
En attendant, elles seront en concert : Samedi 14 juillet Toulouse (31) – Conseil Départemental (APRES MIDI), Vendredi 27 juillet Saint-Antonin Noble Val (82) – Samba al Païs, Dimanche 12 Août Sauveterre de Rouergue (12), Samedi 17 aout – Festival d’Uzeste (33), Vendredi 31 août Léguillac de Cercles (24) Café associatif, Samedi 1er septembre Concores (46) Festi’ValCéou, Samedi 8 septembre Festival Sous les pavés les Femmes- Auch (32), Samedi 29 septembre Montech (82), Dimanche 30 septembre Toulouse (31) Festival Folles Saisons…
Du Grand Orphéon aux Femmouzes T, c’était une belle semaine pour l’oreille :
De la musique avant toute chose
Et pour cela préfère l’Impair
Plus vague et plus soluble dans l’air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose…
De la musique encore et toujours !
Que ta voix soit la chose envolée
Qu’on sent qui fuit d’une âme en allée
Vers d’autres cieux à d’autres amours.
Voyager dans la musique, c’est fantastique !
E.Fabre-Maigné
20-VI-2018
1) https://www.baroquetoulouse.com/passe-ton-bach/10eme-anniversaire
2) https://guittongrabias.wixsite.com/grandorpheon
3) En musique vocale, la haute-contre est la voix masculine dont la tessiture est plus aiguë que celle de ténor. Il ne s’agit en aucun cas d’une voix de castrat, ni d’une voix de fausset. Il arrive souvent que la voix de femme appelée contralto chante la partie de haute-contre. Jean-Jacques Rousseau dans son Dictionnaire de musique estime que la « haute-contre en voix d’homme n’est point naturelle » et qu’« il faut la forcer pour la porter à ce diapason », que, « quoi qu’on fasse, elle a toujours de l’aigreur, et rarement de la justesse ». Une telle opinion est assurément exagérée. Après avoir disparu au XIXe siècle, cette voix retrouva sa place grâce à Alfred Deller (1912-1979) et à son Deller Consort, puis à ses émules (son fils Mark Deller, René Jacobs, Gérard Lesne…). Au XXème siècle, de nombreux compositeurs écrivirent pour elle, au premier rang desquels Benjamin Britten. On emploie aussi pour désigner cette voix le vocable anglais countertenor (contre-ténor), qui dérive du latin contratenor altus. Aux XVIème et XVIIème siècles, cette tessiture eut beaucoup de succès en Angleterre et elle est la principale voix d’homme dans l’opéra français de Lully à Rameau. (Encyclopaedia universalis)
4) l’accordina est un superbe instrument à vent et à anches libres doté d’un clavier-boutons, comme l’accordéon auquel il emprunte éon son clavier main droite, le souffle de l’accordiniste remplaçant le soufflet. Il permet de jouer des mélodies et des accords; peu encombrant, portatif, sonore et expressif, avec un timbre chaleureux et flute. Daniel Mille et Richard Galliano lui ont ouvert les portes du jazz, mais tous les styles de musiques peuvent être abordés avec l’accordina.
5) L’Entrepotes, qui porte bien son nom, c’est le café 100% Municipal (et Musical) de Gratentour, sympathique commune de 3500 habitants au Nord de Toulouse. Bernadette vous y attend et vous accueillera avec plaisir, seul ou entre amis, à l’intérieur ou sur la terrasse de cette nouvelle structure qui se veut être pôle de rencontre et de lien social de ce joli bourg. Ouverture : mercredi jeudi de 8h à 20h, vendredi de 8h à 23h, samedi de 14h à 21h. 09 63 55 83 08
6) La Pause Musicale : https://lecatalogue.jimdo.com/
Attention, à ne pas rater, le 22 septembre à 18h 30 et le 23 septembre à 16h, la Pause Musicale fêtera ses 10 ans à Saint Pierre des Cuisines :
le 22 septembre:
https://apoirc.festik.net/les-10-ans-de-la-pause-musicale/1
ou le 23 septembre:
https://apoirc.festik.net/les-10-ans-de-la-pause-musicale/2
7) https://fr-fr.facebook.com/Femmouzes-T-1547632691915717/
Photo Femmouzes T @ Patricia Huchot-Boissier
Grand Orphéon @ jeanfranc