Donne-moi la main pour traverser de Marion Ruggieri, publié chez Grasset, raconte son dernier adieu à son amie, Emmanuelle Bernheim
Voici un nouveau roman qui revient sur la mort, mais surtout sur la vie de l’écrivain Emmanuelle Bernheim.
En janvier, c’est Serge Toubiana qui livrait un témoignage touchant sur la maladie de sa compagne. On y apprenait que la romancière se battait contre un cancer qui devait l’emporter en mai 2017. Dans Les bouées jaunes, Serge Toubiana, décrivait le caractère fantasque et solaire d’Emmanuelle. Il racontait aussi avec beaucoup d’émotion, les derniers jours de cette femme courageuse. Il lui rendait hommage, tout comme il remerciait les nombreux amis – connus ou inconnus – venus l’embrasser une dernière fois sur son lit d’hôpital.
Parmi les personnes à se rendre au chevet d’Emmanuelle Bernheim, il y a aussi Marion Ruggieri. Ou « Ma rion » comme aime à la prénommer Emmanuelle. Un jour, Marion reçoit un sms de son amie. Et la nouvelle fracassante. Il reste peu de temps à Emmanuelle « je n’en ai plus que pour genre une semaine ». Alors elle lui demande de la revoir. Une dernière fois, sûrement. L’émotion gagne le texte dès cet instant. Marion se rappelle, la rencontre avec cette femme si légère et si originale. Elles se croisent, se racontent, se perdent de vue, puis se recroisent, mais la joie d’être ensemble semble contagieuse.
La tension monte en même temps que Marion arrive à l’hôpital. Serge est là, il est toujours là. Il gère et veille à ce qu’Emmanuelle soit bien. Puis vient le tête à tête… maladroit, doux, sincère. Il n’y a certes pas de mode d’emploi afin d’avoir une attitude exemplaire face à un être qui part. Marion le sait et accepte de vivre le moment tel qui est et pour ce qu’il doit être. Les mots sont dits simplement sans chercher à vouloir faire de l’effet avec des métaphores ampoulées. Et on apprécie que la pudeur se cale au bon endroit.
Ce roman comme celui de Serge Toubiana sont des livres qui nous font peur d’entrer dans une intimité qui ne nous concerne pas, mais ils sont aussi une invitation en cela qu’ils évoquent une crainte universelle : la perte d’un être cher. Enfin, ce sont aussi des romans qui nous ouvrent les portes de l’univers romanesque d’Emmanuelle Bernheim, qui, peut-être, sûrement, nous éclairera sur la fascination qu’elle exerçait et suscite encore chez ceux qui l’ont croisée.
Sylvie V.
Photo : Marion Ruggieri © Henry Roy
Donne-moi la main pour traverser, Marion Ruggieri, Editions Grasset, 96 p.