Ce n’est pas la première fois que Stéphane Batlle, directeur artistique et metteur en scène caractéristique de la compagnie Le Grenier de Toulouse, s’intéresse à l’œuvre d’Oscar Wilde. Mais aujourd’hui, c’est différent. Il se sent prêt à proposer une version audacieuse et aboutie du roman « Le portait de Dorian Gray ». Un texte emblématique du travail de Wilde, qui a su traverser les siècles avec brio. Les premières dates de ce spectacle auront lieu au centre culturel L’Escale, à Tournefeuille. Entretien avec Stéphane Batlle, un inconditionnel de l’auteur irlandais aux multiples succès…
« Tous les 10 ans, je tente de remonter ce véritable chef d’œuvre ! J’ai commencé par l’étudier à travers mon mémoire de maîtrise… Puis à mes 26 ans, pour la première fois, j’ai voulu créer un spectacle autour du texte, mais je manquais d’expérience… Pour mes 36 ans, j’ai réessayé, j’avais compris un peu plus de choses… Mais ce n’était pas encore suffisant. Aujourd’hui, j’ai 46 ans, j’ai mûri et surtout, je pense avoir vraiment compris le message essentiel de l’œuvre ». Une oeuvre qui n’a cessé d’inspirer. Au théâtre, à la télévision, au cinéma, en littérature ou encore dans l’univers spécifique des jeux vidéo, nombreux ont été les téméraires à tenter d’adapter le texte signature de l’auteur irlandais le plus célèbre de sa génération. Alors, quand nous demandons à Stéphane Batlle comment il a abordé ce monument de la littérature du XIX siècle, avant d’en livrer cette adaptation, les mots « terreur » et « admiration » s’entremêlent dans sa bouche : « C’est une œuvre exceptionnelle, fascisante, qui scintille. Un manifeste puissant. C’est une œuvre qui me touche ».
Pour arriver au résultat imaginé dans la tête du metteur en scène, l’ensemble des comédiens, et lui-même, ont travaillé main dans la main, quotidiennement, à la maison du Grenier, à Tournefeuille. Un travail minutieux pour donner toutes les couleurs nécessaires aux personnages de la pièce : « Loic Carcassès est magistral. Il incarne le personnage éponyme avec une violence et une délicatesse exceptionnelle. Et puis, il est très bien entouré… À ses côtés, les deux monstres sacrés : Pierre Matras, qui porte en lui toute cette douleur que nécessite le personnage, et Laurent Collombert, en orateur de génie… Ils servent magnifiquement cette partition de choix. Comme l’ensemble de la distribution du reste. C’est un cocktail extraordinaire ».
« L’expo Oscar Wilde, à Paris a été un déclic. »
Il y a un peu plus d’un an, le Petit Palais, à Paris, organisait une rétrospective majeure sur cet auteur amoureux de la Ville Lumière. Pour Stéphane Batlle cela devient une évidence : « J’ai compris qu’avec Le portait de Dorian Gray, Oscar Wilde livrait en fait une métaphore du comédien. Cet artiste singulier qui, comme Dorian gray, incarne son art. Le peintre couche son savoir faire sur une toile, le musicien sur son instrument, pas le comédien. Il l’incarne. ».
En effet, ce texte propose une véritable réflexion sur l’art. L’art quasiment élevé au rang de religion, dont les artistes seraient les médiateurs, les prêtres. Quant à Dorian Gray, il évolue, dans un sens, comme un certain Narcisse chez Ovide. Mais la pièce va au-delà du destin des protagonistes, elle aborde une dimension psychologique très en avance sur son temps : « Wilde était un précurseur. Il avait tout compris avant tout le monde. Cette œuvre nous reflète, tous. Elle évoque, avant même Freud, le moi et le surmoi… C’est aussi une quête de l’Homme idéal. Celui qui ira au bout de rêves, de ses envies, au bout de sa vie. Celui qui passe au-delà de ses peurs ». Aller au bout de ses rêves et de ses peurs, c’est aussi ce que fera Stéphane Batlle en présentant ce spectacle dans lequel il s’est beaucoup investi. Un moment rare, à découvrir jusqu’au 27 mai au centre culturel L’Escale, à Tournefeuille.
Régis DARO
Le portrait de Dorian Gray
Du 16 au 27 mai 2018 à L’Escale de Tournefeuille