Période faste en effet si l’on considère d’abord de quelle fort belle manière, janvier a débuté avec Tugan Sokhiev et Elizabeth Leonskaja dans le concerto n°4 de Beethoven suivi d’une grande “la grande“ de Schubert puis, lors d’une autre date, ce jeune prodige du violon dans le n°1 de Bruch, j’ai nommé Daniel Lozakovich, suivi d’une magnifique Symphonie n°4 de Chostakovitch, compositeur dans lequel le tandem ONCT – Sokhiev excelle, à n’en pas douter.
De même, ce n’est pas le mauvais temps qui a empêché un public fervent de se rendre à l’Happy Hour à la Halle, ce samedi 3 février, pour découvrir, peut-être plus qu’un autre compositeur, un certain Jean Sibelius. Et là, ils ont bien fait car, sur l’estrade, c’est un tout jeune chef finlandais, Klaus Mäkelä qui officie et qui a, en trois mouvements, et du haut de ses 22 ans, capté l’attention de tous. Finlandia d’abord, et pour suivre la Symphonie n°2, ne sont pas des œuvres faciles, surtout l’orchestration de la symphonie avec ses saillies orchestrales comme des blocs de glace qui se détachent de la banquise, ses oppositions multiples,…. Mais, le dicton “la valeur n’attend pas le nombre d’années“ s’est vérifié une fois de plus. Tous les pupitres ont réagi à toutes ses injonctions sans l’ombre d’une quelconque hésitation, des cordes aux cuivres si sollicités en passant par les vents. Avec une gestuelle du meilleur effet, si on peut le dire ainsi.
Public enthousiaste et orchestre de même puisque les musiciens n’ont pas hésité et ont accepté de bisser le poème Finlandia, un point pas si fréquent, prouvant bien que ce jeune chef a toute leur confiance et qu’ils souhaitent sûrement le voir revenir. Un très très beau concert.
La Walkyrie : Générale et représentations des 30 janvier, 2 et 6 février.
Pendant ce temps, ils sont près de quarante cordes et au total près de soixante-dix musiciens à essayer de se caser tant bien que mal dans la fosse du Théâtre pour nous délivrer un égal bonheur de plus de deux cents minutes de musique de Richard Wagner. Des représentations de presque six heures, avec deux entractes, et cinq à l’agenda, plus la générale. A la tête de la production, Claus Peter Flor, maître orfèvre de cette réussite, qui le nez dans la partition mais, bien davantage, les yeux sur le plateau ne laissant rien en suspens, qui chante avec chacun, grimace, indique, accompagne toute mesure, soutient, absolument incontournable. Réussite car, pour les musiciens, la moindre de leur intervention se remarque, violoncelles, clarinettes, cors, harpes, violons et altos, contrebasses, il faut les citer tous.
Il a décidé de laisser respirer au maximum dans l’acte I, et graduer par la suite pour l’apothéose de l’acte III, se démarquant d’un Steinberg qui en 1999 dirigeait un peu “à la schlag“, bien trop vigoureux alors. Si l’on adhère au rythme proposé, avec la qualité des voix de la Sieglinde de Daniela Sindram, du Siegmund de Michael Köning, de l’Hunding de Dimitry Ivashchenko, loin de la bête féroce souvent caricaturée, c’est un acte I dont la partition est comme une vaste coulée de lave fluide et nourrissante à la fois. Il en sera ainsi jusqu’aux dernières notes avec les épisodes plus fracassants, comme la fameuse Chevauchée, tandis que les multiples leit-motive assurent vie organique et cohésion.
Après l’affrontement vengeur du couple Wotan-Fricka qui voit la victoire des idées de l’épouse, rôle interprété par « une actrice capable de chanter » dixit Richard Wagner,, Elena Zhidkova, Claus Peter Flor tient fort les rênes jusqu’aux adieux déchirants de Wotan à sa fille préférée, les 2, au soir du 6, emportés dans une scène soulevant l’enthousiasme dès le rideau tombé, Anna Smirnova ayant décoché ses derniers aigus avec une assurance, une puissance déconcertante pendant que le Wotan de Tomasz Konieczny, acteur et chanteur, retrouvait dans son timbre un médium et un grave conséquents dont il avait pu manquer lors des premières. Mais, par dessus tout, toujours avec son aigu souple et facile de baryton, sans lequel l’aspect désespérément humain, vulnérable du dieu ne peut être totalement restitué.
La production qui nous revient et qui, pour les décors et costumes fonctionne sans problèmes, met en valeur encore bien plus qu’en 1999 le drame qui se noue et annonce Siegfried. En effet, la voix peu sûre et irritante de la Brünnhilde d’alors Karen Huffstodt s’ajoutant à celle aux magnifiques graves et legato mais aux aigus difficiles du Wotan de James Morris ne facilitant guère l’adhésion, et encore moins l’enthousiasme.
Michel Grialou
Théâtre du Capitole
La Walkyrie (Richard Wagner)
Claus Peter Flo (direction musicale)
Nicolas Joel (mise en scène)
Orchestre National du Capitole
du 30 janvier au 11 février 2018