Le récent concert d’Idir au Phare – Bajo el Mar à Tournefeuille nous donne l’occasion de vérifier par l’expérience ce qu’on peut désigner, hors la facilité de l’étiquette ou du concept de l’érudit, comme l’essence de la musique populaire: une musique appropriée par tous, mais surtout partagée et célébrée au-delà d’une communauté.
Ils ne manquent pourtant pas, les concerts réussis, où les fans font la fête à leurs idoles, lesquels le leur rendent bien en énergie et en spectacle soigné. Pas question de juger laquelle est la plus légitime, la plus authentique: la fête, c’est la fête non?!
Pour le public du Phare, il est évident qu’Idir a partagé ce soir-là bien plus que des chansons cultes. Au vu de sa récente actualité discographique, on pouvait s’attendre à ce que ce modeste Grand Monsieur de la chanson en France transpose en live les jalons de son compagnonnage avec quelques ténors hexagonaux du répertoire (Aznavour, Leforestier, Cabrel, Lavilliers et consorts – voir son dernier album Ici et Ailleurs).
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Cependant, lorsque Idir entre en scène après une intro qui agit déjà comme un signal de ralliement, il lui suffit de pointer deux index vers le public pour que celui-ci entonne en chœur – et mot-à-mot ! – la chanson iconique qui s’annonce. Dès la deuxième, vingt personnes, puis cinquante dansent au pied de la scène avec une générosité contagieuse: sur leur chaise, d’autres générations se trémoussent à l’envi. Entre les chansons, les petites parlottes d’Idir ont tôt fait de tisser un dialogue aussi naturel que ceux que l’on connaît dans toutes les fêtes de famille: évocation du pays, tendresses vers les enfants (la fille d’Idir assure les chœurs sur scène et se fendra d’un a cappella d’une pureté à tomber!!), commentaires sur la marche du monde et autres paroles d’espoir.
La tendresse et la solidarité, ce sont aussi celles qui, portées par ces évocations chantées, ont permis de traverser des pages d’Histoire commune, vécues en France dans la recherche d’un mieux-vivre pas gagné d’avance, qu’on soit migrant ou autochtone balayé par les crises. Dans la salle du Phare, tous étaient présents, tous étaient concernés, n’en déplaisent aux quelques activistes qui ont cherché dans cette célébration culturelle un haut-parleur à des revendications identitaires. Légitime sans doute mais hors sujet messieurs, ce soir on partage.
Pas surprenant finalement – mais très touchant – qu’une simple musique rassemble autant. Il y a quelque chose de fort dans ces mélodies kabyles,quelque chose d’irrésistiblement apaisant qui installe dans un état de sympathie souvent éprouvé entre proches à certaines occasions et qui parvient à tout remettre à plat, à tout pardonner, à rendre la foi dans un avenir possible.
C’est la force et le message haut-niveau d’Idir, c’est ce qu’on retiendra de la fête réussie au Phare de Tournefeuille.
Pierre David