Emmanuel Gaillard le directeur de la salle d’Odyssud peut être fier de son idée. Confiée à À Bout De Souffle et son chef Stephane Delincack l’ouverture de la saison avec deux petits opéras baroques français n’allait pas de soi.
Nous savons combien les grandes tragédies lyriques de Lully ont marqué de manière écrasante toute la production d’opéra en France sous Louis XIV. Les tragédies lyriques de Lully ont été redonné récemment après la miraculeuse résurrection d’Atys. Mais il faut reconnaître qu’il faut des moyens hors du commun pour brider l’ennui qui se dégage de l’écoute de ses œuvres monumentales et que tout cela finit par s’essouffler. Le format opéra de chambre ou opéra de chasse est finalement l’idéal qui convient au spectateur moderne. En effet, avec ses deux ouvrages d’un acte chacun, et faisant à peu près une heure, nous tenons un double spectacle à la durée idéale de deux heures.
Pleine de vie, la production d’À Bout De Souffle ouvre la nouvelle saison à Odyssud
Donner la partition de Rameau avant celle de Charpentier était une très bonne idée dans le sens où la musique brillante de Rameau est là, le style également est magnifique partout, avec un très beau sommeil en particulier, mais c’est bien la profondeur de la musique de Charpentier qui gagne le cœur des spectateurs.
Anacréon veut tout à la fois servir la déesse de l’amour et le dieu de l’ébriété, sans concession. De justesse après avoir été menacé par le courroux des dieux et des déesses, un compromis est enfin trouvé dans la joie. Actéon est plus tragique : le héros sera puni d’avoir osé moquer ceux qui tombent amoureux. Changé en cerf, il est dévoré par ses propres chiens. Finalement, c’est l’amour qui domine les deux ouvrages dans des visions très complémentaires.
La mise en scène de Patrick Abéjean est remarquable de sobriété et d’inventivité. Tout fonctionne parfaitement et avec des moyens très modestes mais efficaces et beaux. Décor et costumes sont plein de poésie avec en particulier de très beaux masques de cerfs. Les chanteurs sont tous très convaincants, que ce soit Laurent Labarbe en Anacréon, jouisseur et bon enfant ; Aurelie Fargues en voix de dessus, agile et bien projetée ; Hélène Delalande qui a une très belle voix de bas-dessus, bien timbrée et charnue avec un abattage incroyable. Paul Cremazy a une voix de ténor agréable et un physique élancé, son Actéon est absolument charmant et sa mort très émouvante. Mais cette équipe de chanteur soliste est entourée par un chœur dont la sûreté porte tout le spectacle.
Le chœur À bout de souffle comporte une cinquantaine de choristes-acteurs-danseurs. Amateurs de niveaux diverses parfois très bons musiciens, ils ont en commun une envie de partager leur passion pour le spectacle vivant, la musique, la chorégraphie et le théâtre. Il n’y a pas de limite d’âges ce qui donne un panel très proche de la vie quotidienne. Très bien préparés depuis plus d’un an au niveau musical et théâtral, il n’y a pas de doute qu’ils ont cette année avec cette magnifique production, encore gagné en qualité. La vie qui se dégage de leur interprétation, la beauté de leurs gestes et de leur danse, la qualité de leur diction et leurs qualités vocales, le tout fait véritablement merveille. La mise en scène et la direction d’acteurs de Patrick Abéjean est pleine de malice et toujours de bon goût. L’émotion au moment de la mort d’Actéon est poignante. La direction musicale de Stephane Delincack permet à la musique de se déployer élégamment ; les récitatifs y sont souples et les danses endiablées.
L’orchestre est composé de musiciens professionnels baroques qui sous la baguette de Stéphane Delincack jouent avec beaucoup de liberté et d’expression. Les chorégraphes Benjamin Fargues et Charlie-Anastasia Merlet (Cie Les Gens Charles) on fait un travail remarquable. Les choristes qui se sont engagés dans des pas de danse l’ont fait avec beaucoup de conviction obtenant un effet inénarrable. Charlie Anastasia Merlet s’est chargé du rôle soliste de la belle maîtresse d’Anacréon : Lycoris. Le charme qui se dégage de sa prestation fait honneur à la description enflammée que fait Anacréon de son bel amour. Le public a fait un triomphe à cette production de début de saison d’Odyssud. Bravo à tous ces artistes unanimement engagés et de grand talent.
Compte rendu opéra . Blagnac. Odyssud, le 23 septembre 2017. Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Anacréon, Opéra-ballet en un acte ; Marc Antoine Charpentier (1643-1704) : Actéon, Opéra de Chasse en six scènes ; Mise en scène : Patrick Abéjean; Assistante à la mise en scène : Hélène Lafont; Chorégraphie : Benjamin Fargues et Charlie-Anastasia Merlet (Cie Les Gens Charles) ; Conception, réalisation vidéo : Greg Lamazères ; Lumières : Marion Jouhanneau ; Chœur À bout de souffle ; Orchestre baroque À bout de souffle ; Stéphane Delincack, direction
Pour retrouver ce jeune chef son autre choeur : Toulouse-Garonne il y deux concerts en octobre. A Tourtouse et à Venerque.
Tourtouse à 21h le 14 octobre 2017
Venerque le 20 octobre à 20h30
photo © Fabrice-Roque
Publié par Hubert Stoecklin sur classiquenews.com