Le sujet est une femme qui n’en n’est pas une puisqu’elle est une création numérique, un objet de synthèse autonome qui se passe du corps réel. L’artiste pousse ici à l’extrême la logique de la retouche numérique.
Puisque c’est grâce à la retouche que l’on produit actuellement des images parfaites et vendeuses, pourquoi ne pas fabriquer une image entièrement trafiquée (a rigged image) ?
D’ailleurs, il est intéressant de rechercher dans les images ultra-léchées de la publicité ce qui fait du modèle un être humain unique. Un petit détail physique : la courbe imparfaite d’une oreille, un grain de beauté, la forme particulière d’un doigt, échappent parfois à la retouche et relèvent ce qui reste de l’individu.
L’esthétique marketing ultime serait la création ex-nihilo d’une femme parfaitement jeune, lisse et belle grâce à l’hyperréalisme offert désormais par les images de synthèse. L’avatar pourrait prendre le pouvoir dans l’espace publicitaire dans une version idéalisée sans accrocs du corps humain.
Vanité
Mais au milieu de cette perfection marketing, l’artiste insère des images de la femme bouche ouverte, les lèvres maintenues écartées par un instrument de dentiste révèlant une mâchoire bardée d’un appareil dentaire.
Dans ce monde où seule la surface est investie de sens, montrer l’intérieur du corps fait de chair et de sang est transgressif. A l’image sublimée du corps qu’on voudrait immortel, Kate Cooper oppose sa réalité physique et finie. A ce corps-enveloppe, vecteur de messages et d’images du bonheur pour la société capitaliste, elle oppose l’envers du décor de la fabrication du
sourire commercial.
« Disappear completely »
Dans le film projeté dans la salle suivante, la femme numérique se lamente. Dans un discours mêlé de concepts publicitaires et d’interrogations sur sa propre existence virtuelle, elle est en quête d’un supplément d’âme impossible.
Avec son œuvre Rigged, Kate Cooper interroge ce monde parallèle des images générées par ordinateur qui occuperont de plus en plus nos représentations.
Un article à retrouver sur Jardins Mentaux.