Compte-rendu opéra ; Lausanne ; Opéra, le 12 février 2017 ; Ambroise Thomas (1811-1896) : Hamlet. Mise en scène, Vincent Boussard ; Avec : Régis Mengus, Hamlet ; Lisette Oropesa, Ophélie ; Chœur de l’Opéra de Lausanne, dirigé par Jacques Blanc ; Orchestre de Chambre de Lausanne ; Direction, Fabien Gabel.
L’opéra de Lausanne a proposé une très belle coproduction d’Hamlet dans une distribution proche de l’idéal des plus grands au plus petits rôles. La mise en scène de Vincent Boussard est intelligente et demande beaucoup aux chanteurs. Plus d’un a frémi après avoir souri à la vue d’Ophélie debout sur le bord de la baignoire. Les empoignades entre Hamlet et sa mère ont aussi été un moment très fort à la limite du supportable. La beauté des embrassades entre Hamlet et Ophélie sur le chant sublime du saxophone a été un grand moment de poésie. L’apparition du spectre est ingénieuse et spectaculaire par la confusion temporo-spatiale du héros qu’il nous permet de percevoir. Les costumes Katia Duflot, tous très beaux, ont aidé à comprendre la psychologie des personnages. Entre la liberté recherchée d’Ophélie, la beauté étrange d’Hamlet et le conformisme des époux royaux. Le décor habilement renforçait l’impression de huis-clos et d’intimité du conflit de famille. La sévérité avec laquelle est habituellement traitée la musique de Thomas est bien injuste. La vaste partition d’ Hamlet réserve des moments de bravoure digne des plus beaux opéras italiens. La scène de folie d’Ophélie est la plus connue. Mais les airs d’Hamlet, de Gertrude, les duos dramatiques ou lyriques sont de biens beaux moments également.
Hamlet en majesté à Lausanne
Et cette production avance sans temps morts. Régis Mengus est un Hamlet complet, aussi charmant qu’inquiétant. Sa folie est ambiguë à la fois fêlure et défense. Vocalement le jeune baryton est admirable d’élégance et de tenue, même si la voix n’a pas la profondeur attendue par certains, la jeunesse emporte ce personnage complexe. La voix est agréable et sonne facilement. Le jeu de l’acteur est très convainquant. L’Ophélie de Lisette Oropesa est tout aussi aboutie. Belle, délicate et vive elle incarne bien cette jeune fille amoureuse jusqu’à la mort. Vocalement il est rare d’avoir une cantatrice aussi complète dans un rôle « à cocotes ». Car les suraigus, les vocalises, les trilles ont été parfaitement interprétés. Mais c’est surtout la beauté de la voix sur toute la tessiture qui séduit. La richesse des harmoniques dans le medium et le grave pourrait par moments évoquer celle si riche d’Angela Georghiu. Quelle artiste ! Face au couple si assorti et si accompli le reste de la distribution tient parfaitement. Benjamin Bernheim est un Laërte très bien chantant, émouvant et crédible. La voix du jeune ténor est bien projetée, admirable de clarté et de fluidité et la ligne de chant est impeccable. Il ira loin. Le couple royal terrible est incarné par deux artistes expérimentés qui arrivent à tenir leur rang ambigu. La voix puissante de Stelle Grigorian en Gertrude est très inquiétante, même si le jeu est un peu caricatural. Le roi de Philippe Rouillon, plein d’autorité vocale, ne se laisse pas impressionner, sa chute finale n’en est que d’avantage effrayante. Tous les autres rôles plus modestes ont été parfaitement tenus. Avec une mention particulière pour le duo des fossoyeurs, Alexandre Diakoff et Nicolas Wildi, qui dans les loges d’avant scène ont été très spectaculaires tant vocalement que scéniquement. Le chœur de l’opéra de Lausanne a été admirable, tour à tour puissant (dans le grand final du deux) ou délicat (les femmes dans la mort d’Ophélie). L’orchestre de Chambre de Lausanne a été à la hauteur de sa réputation . La direction très exigeante de Fabien Gabel a obtenu satisfaction. Avec une beauté sonore de chaque instant sans rien lâcher de l’implication dramatique qu’il insuffle au drame, toute la fosse a participé à l’action. L’acoustique très porteuse de la salle a permis de déguster la beauté des voix et les nuances de l’orchestre dans un équilibre constant. Un très beau spectacle très abouti et qui défend une partition trop mésestimée.
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Compte-rendu opéra ; Lausanne ; Opéra, le 12 février 2017 ; Ambroise Thomas (1811-1896) : Hamlet, opéra en cinq actes sur un livret de Michel Carré et Jules Barbier, d’après la tragédie de William Shakespeare. Coproduction Opéra National du Rhin et Opéra de Marseille. Mise en scène, Vincent Boussard ; Assistante à la mise en scène, Natascha Ursuliak ; Décors, Vincent Lemaire ; Costumes, Katia Duflot ; Lumières Guido Levi ; Avec : Régis Mengus, Hamlet ; Lisette Oropesa, Ophélie ; Stella Grigorian, Gertrude ; Philippe Rouillon, Claudius ; Benjamin Bernheim, Laërte ; Alexandre Diakoff, Horatio/premier fossoyeur ; Nicolas Wildi, Marcellus/deuxième fossoyeur ; Marcin Habela, Polonius ; Daniel Golossov, le Spectre du Roi ; Chœur de l’Opéra de Lausanne, dirigé par Jacques Blanc ; Orchestre de Chambre de Lausanne ; Fabien Gabel, direction. Illustration : © Ch. Dresse / 2017.