En Direct le 18 avril à 20h, c’est depuis le Teatro alla Scala de Milan que l’on retrouve un des plus grands succès parmi les opéras du compositeur italien Gioacchino Rossini et ce, deux cents après sa création triomphale dans ce même Théâtre. Les temps ont changé, fini celui des bougies pour tout éclairage, et des machines infernales pour déplacer les décors souvent gigantesques. C’est une retransmission sur grand écran de cette nouvelle production qui vous attend dans les meilleures conditions de confort et d’écoute qui soient.
Une nouvelle production, due au metteur en scène Gabriele Salvatores, et menée par le chef que l’on ne présente plus, Riccardo Chailly, grand spécialiste reconnu de la direction d’orchestre pour tous ces chefs-d’œuvre d’opéras italiens.
L’ouvrage en lui-même est un opéra en deux actes, le livret d’un dénommé Giovanni Gherardini écrit à partir d’un fait divers tragique et, paraît-il, vrai s’intitulant La jeune Fille de Palaiseau, un mélodrame de boulevard ayant pour auteurs MM. Daubigny et Caigniez : ce serait une pauvre servante qui fut pendue jadis à Palaiseau, en mémoire de quoi, l’on fonda une messe appelée la messe de la pie. « C’est, ce me semble, un triste sujet et bien peu fait pour la musique. » La fin ne pouvait être conservée de la sorte et fut donc proprement rectifiée pour permettre à Rossini d’exercer toute sa verve musicale dans une fin délirante.
En vingt ans à peine, entre 1810 et 1829, Rossini a composé pas moins de trente-neuf opéras. Ceux-ci peuvent être classés selon trois catégories : l’opéra seria – sérieux -, l’opéra semiseria et l’opéra comique. L’opéra semiseria fait alterner les moments graves et les situations comiques. C’est une invention très rossinienne : l’opéra semble « sérieux » mais peut cesser à tout moment de l’être. Cela implique un élément essentiel de l’esthétique du compositeur : l’ironie, qui apparaît souvent sous forme de clins d’œil perceptibles à l’orchestre. La Gazza ladra en est un fort bon exemple avec son ouverture qui n’annonce pas du tout le drame sur lequel repose l’ouvrage dans son entier !
C’est aussitôt après le succès remporté au Teatro Valle de Rome par La Cenerentola, le 25 janvier 1817, que Rossini, à vingt-cinq ans, se rend à Milan pour écrire un opéra commandé par la Scala de Milan. Il aborde ce travail avec une certaine inquiétude car le public milanais n’avait pas jusqu’à présent, accueilli très favorablement ses œuvres antérieures. De plus, le dit public n’appréciait que fort peu, que le compositeur ait eu autant de succès dans d’autres villes comme Rome ou Naples ou Venise. Les petites et grandes jalousies dans le monde du spectacle existent depuis toujours. De plus, chose inhabituelle, Rossini va disposer de presque un mois entier pour écrire un nouvel ouvrage ! En effet il est à Milan en début de mois de mai, et la création doit avoir lieu en stagione primavera, le 31 mai 1817. Notre musicien aurait presque trop de temps pour créer à partir d’un livret délivré par le Théâtre.
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Ce fameux 31 mai, Rossini va remporter un des plus grands triomphes de sa carrière. Un certain Stendhal décrira même la première comme étant l’une des plus éclatantes qu’il ait connues. Bizarrement, et après recoupements, il a été prouvé qu’il ne pouvait y assister mais qu’il avait raconté à partir de comptes-rendus reçus. Et pourtant, le maestro s’attendait davantage à des sifflets, étant fort au courant des dispositions des spectateurs. Pourquoi un tel triomphe ? Peut-être par ce que la partition ménageait tous les goûts attendus, à savoir, un peu de pathos, de la comédie, de la tragédie, et surtout de la gaieté, une folle gaieté. Mais aussi, dit-on, parce que « des trouvailles étaient présentées de façon à ce que chacun puisse suivre et comprendre », des sortes de surtitres avant l’heure !
De plus, l’Ouverture enflamme dès les premières mesures le public. Ce n’est pas pour rien que cette ouverture splendide de vivacité est présente dans n’importe quel enregistrement qui donne les Ouvertures des opéras de Rossini. Aussi célèbre que celle du dernier opéra, Guillaume Tell, elle commence par un roulement de tambour (deux des personnages principaux sont des soldats rentrant de la guerre) et c’est un public survolté qui ne se détachera plus de la musique, un point important car c’est la première fois que dans un opéra, son compositeur met “autant de musique“ en relation avec le livret lui-même.
Cette Ouverture annonce le retour du jeune soldat couvert de gloire, Giannetto dans sa famille champêtre, les Vingradito, son père Fabrizio et sa mère Lucia. Le fils a hâte aussi de retrouver la jeune servante Ninetta dont il est un brin amoureux. Et c’est réciproque. L’accompagne dans son retour le soldat Fernando qui n’est autre que le père de Ninetta. Et puis, il y a Pippo, un jeune paysan au service de la maison, rôle dévolue à une voix de contralto, ici, celle de Séréna Malfi. Le père est une basse bien sûr, Paolo Bordogna, la mère, une mezzosoprano, Teresa Lervolino, le fils, le ténor Edgardo Rocha, et la servante, la soprano Rosa Feola.
Dans le rôle du maire pervers et juge malhonnête à l’esprit vengeur, il faut une figure, et qui mieux que Michele Pertusi peut prêter, et sa voix de basse et son jeu de scène. On a pu en juger dans Ernani dans son rôle époustouflant de Silva. Abondance de biens ne peut nuire car le père de Ninetta, Fernando est un rôle tenu par Alex Esposito que les habitués du Capitole ont pu apprécier dans Cosi et dans Les Noces de Figaro. Ne pas oublier la pie, la pie qui va déclencher l’affaire puisqu’elle est attirée par tout ce qui brille et donc, par une certaine cuillère d’argent qu’elle va “chiper“ déclenchant toute l’affaire, la servante accusée de vol, le jugement, la pression du maire sur cette jeune soubrette, le jugement implacable, le juge étant le maire, éconduit, et enfin le dénouement heureux, la cuillère retrouvée dans le nid, Ninetta innocentée, son père grâcié, le maire écarté, et le fiancé, un temps perplexe, prêt à épouser sa bien-aimée blanchie, la mère approuvant l’union, le père déjà conquis.
Du grand Rossini qui se permet de déguiser l’atrocité d’un tel sujet par une légèreté des cantilènes et autres passages musicaux faisant oublier l’échafaud : on ne plaisantait pas en temps de guerre.
Michel Grialou
All’Opéra
La Gazza ladra (Rossini)
Scala de Milan
mardi 18 avril 2017 à 20h00
Diffusé en direct dans votre cinéma Mega CGR Blagnac