En clôture de saison, le Théâtre du Capitole reprend à Toulouse une production de l’opéra de Gounod signée par Nicolas Joel. La direction musicale est assurée par Claus Peter Flor.
Pour clore sa saison, le Théâtre du Capitole a choisi de reprendre la production du « Faust » de Charles Gounod créée par Nicolas Joel en 2009 – avant que celui-ci ne quitte la direction de l’opéra toulousain pour prendre celle de l’Opéra de Paris. Un ouvrage qu’il connaît bien pour l’avoir monté à plusieurs reprises depuis ses débuts de metteur en scène à Toulouse, à la Halle aux Grains en 1983. On retrouvera dans la fosse Claus Peter Flor, très présent à Toulouse ces dernières années, puisqu’il a notamment dirigé ici plusieurs productions de Nicolas Joel : « la Flûte enchantée », « Madame Butterfly », ou encore « Tristan et Isolde » la saison dernière.
Selon le chef allemand, «si l’Orchestre national du Capitole de Toulouse est si éminent, c’est qu’il s’intéresse aux exigences stylistiques d’une pièce et qu’il est capable de toujours y répondre (à n’importe quelle période). J’ai eu le privilège d’en faire directement l’expérience avec des opéras de Mozart, Puccini, Humperdinck ou Wagner – quelle diversité stylistique ! C’est devenu rare à notre époque où les exécutions sont dominées par les enjeux commerciaux. Bref, travailler avec cette phalange en tant que chef est un bonheur. Je me réjouis particulièrement de voir que la volonté manifeste de faire de la musique est partagée par la nouvelle génération de musiciens – je leur tire mon chapeau !».
Dès sa création en 1859, à Paris, « Faust » de Charles Gounod connut un si grand succès qu’il s’est imposé avec « Carmen » comme l’un des opéras français les plus connus. C’est ainsi que George Bernard Shaw finit par constater au début du XXe siècle que sa représentation sur une scène lyrique chaque année était la seule chose dont on pouvait être certain dans ce monde… Il fut en effet durant plusieurs décennies l’ouvrage le plus donné dans le monde. En Allemagne, il fut depuis sa création à Dresde, en 1861, désigné par le titre « Margarete » puisque le livret de Jules Barbier et Michel Carrest, d’après le premier « Faust » de Goethe, est uniquement centré sur l’amour tragique de Faust et de Marguerite. Gounod ayant orienté son opéra sur le personnage de Marguerite au détriment de Faust, la jeune femme possède ici une dimension spirituelle certaine et se révèle touchante dans l’expression d’une sensibilité aiguisée.
De son côté, la personnalité de Faust est réduite à sa plus simple expression, ce dernier apparaissant en vieillard aspirant simplement à retrouver sa jeunesse afin de goûter aux plaisirs, en particulier charnels, mais dépourvu de résonance philosophique. Quant à Méphisto, qui incarne chez Goethe l’intelligence dénuée de toute morale chrétienne et imposant au lecteur une réflexion d’ordre existentielle et métaphysique, il devient dans l’opéra de Gounod le personnage bien campé du parfait entremetteur couplé d’un manipulateur maléfique, tel Scarpia dans « Tosca » ou Iago dans « Otello ». L’ouvrage de Gounod prend ainsi la forme d’une histoire d’amour larmoyante, au tragique tout à fait adapté aux mœurs et fantasmes de la société du Second Empire.
Claus Peter Flor (photo) précise : «Ici, le « Faust » de Goethe inspire un livret d’opéra qui n’arrive pas exactement à sa hauteur. Le livret élaboré par Carré et Barbier est simplement basé sur le « Faust » de Goethe et n’adhère pas strictement aux derniers thèmes principaux (la question métaphysique relative à la connaissance ultime du monde). Selon moi – et je ne suis pas le seul à le penser – l’accent porte plus particulièrement sur Marguerite, sur sa rencontre fatidique avec un homme qui ne recule devant rien pour déterminer son destin et pour s’en saisir – de toutes les manières possibles. À la fin, Faust ne se métamorphose pas simplement en un criminel : il devient un meurtrier.»
Pour le maestro, «la partition de Gounod (qui, après tout, s’enracine dans la musique d’église) comporte, dans nombre de sections mais aussi dans son dessin formel, des réminiscences de Carl Maria von Weber et de Wolfgang Amadeus Mozart, bien plus qu’elle ne peut être rattachée au révolutionnaire Hector Berlioz (qui, d’ailleurs, vénérait Weber). N’oublions pas que le « Faust » de Gounod a été d’abord donné avec des parties intermédiaires parlées, pratique qui ne diffère pas de l’opéra-comique dont il était contemporain (un Singspiel, en somme). Les récitatifs harmonisés ont été ajoutés ultérieurement. Dans une large mesure, l’œuvre de Gounod est issue du développement esthétique et de la mutation formelle de l’opéra français de la première moitié du XIXe siècle.»
Cette reprise sera l’occasion de retrouver en Méphistophélès la célèbre basse italienne Alex Esposito, déjà apprécié à Toulouse dans « Don Giovanni » et « Così fan tutte ». Après ses débuts toulousains dans « la Bohème », en 2010, le ténor roumain Teodor Ilincai interprètera le rôle-titre qu’il vient de chanter au Deutsche Oper de Berlin. Soprano roumaine, Anita Hartig fera ses débuts sur la scène du Capitole, ainsi que dans le rôle de Marguerite qu’elle reprendra la saison prochaine au Staatsoper de Vienne. On retrouvera la mezzo-soprano espagnole Maite Beaumont sous les traits de Siebel, et le rôle de Wagner sera chanté par la basse polonaise Rafał Pawnuk. Appartenant à la troupe de l’Opéra de Munich, ce dernier offrira un récital lors d’un concert de la série des Midi du Capitole.(1)
Jérôme Gac
« Faust » © Patrice Nin
Du 22 juin au 3 juillet,
au Théâtre du Capitole,
place du Capitole, Toulouse.
Tél. : 05 61 63 13 13.
Rencontre, avant la représentation, 19h00.
Conférence, jeudi 16 juin, 18h00,
au Théâtre du Capitole (entrée libre).
(1) Récital :
Rafal Pawnuk (basse) et
Christophe Larrieu (piano),
jeudi 30 juin, 12h30,
au Théâtre du Capitole.
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photo: Claus Peter Flor © Peter Rigaud