Dirigées par Tugan Sokhiev et Bruno Mantovani, des œuvres du XXe siècle sont au programme des prochains concerts de la saison de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse qui invite Gautier et Renaud Capuçon à la Halle aux Grains.
Henri Dutilleux aurait eu 100 ans cette année. Le compositeur français est donc célébré par l’Orchestre national du Capitole de Toulouse à la Halle aux Grains, au Musikverein de Vienne et à l’Académie musicale Franz Liszt de Budapest. La phalange invite en effet Gautier Capuçon (photo) à jouer à Toulouse et en tournée son célèbre concerto « Tout un monde lointain… ». Inspiré de l’œuvre de Baudelaire, il a été écrit à la fin des années soixante, à la demande du violoncelliste Mstislav Rostropovitch. Il est constitué de mouvements distincts dont les titres sont ceux de poèmes des « Fleurs du mal » : « Énigme », « Regard », « Houles », « Miroirs », « Hymne ». Ce concert dirigé par Tugan Sokhiev est conçu comme un hommage à Henri Dutilleux, disparu en mai 2013.
Dédiée aux classiques du XXe siècle, la soirée débutera par « les Offrandes oubliées », d’Olivier Messiaen. Méditation symphonique écrite en 1930, c’est la première œuvre orchestrale du musicien après sa sortie du Conservatoire de Paris avec en poche le Prix de composition. Il est alors âgé de 22 ans. En préambule de ce triptyque placé sous le signe de la spiritualité, Messiaen a placé ces lignes pour annoncer les trois moments de l’œuvre que sont « la Croix », « le Péché », « l’Eucharistie »:
«Les bras étendus, triste jusqu’à la mort,
Sur l’arbre de la Croix, vous répandez votre sang.
Vous nous aimez, doux Jésus, nous l’avions oublié.
Poussés par la folie et le dard du serpent,
Dans une course haletante, effrénée, sans relâche,
Nous descendons dans le péché comme dans un tombeau.
Voici la table pure, la source de charité,
Le bouquet du pauvre, voici la pitié adorable offrant
Le pain de la Vie et de l’Amour.
Vous nous aimez, doux Jésus, nous l’avions oublié.»
On entendra ensuite « la Mer », de Claude Debussy : «La mer a été très bien pour moi, elle m’a montré toutes ses robes», assurait-il dans sa retraite normande, au moment de l’écriture de l’œuvre. Achevées en 1905, les trois esquisses symphoniques qui constituent la pièce sont : « De l’aube à midi sur la mer », « le Jeu des vagues », « le Dialogue du vent et de la mer ». Admirateur de la peinture de Claude Monet et de William Turner, le compositeur invente ici un langage pour restituer des sensations ressenties au contact des éléments, l’Eau et l’Air. «Je me suis fait une religion de la mystérieuse Nature. Devant un ciel mouvant, en contemplant, de longues heures, ses beautés magnifiques, une incomparable émotion m’étreint. Et insensiblement, les mains prennent des poses d’adoration…», écrit Debussy.
Ce concert diffusé en ligne, en direct sur medici.tv, s’achèvera avec l’interprétation de la deuxième suite tirée de « l’Oiseau de feu ». Créé à l’Opéra de Paris en 1910, par le chorégraphe Michel Fokine, le ballet était une commande passée par Serge de Diaghilev pour la deuxième saison de ses Ballets russes. Le succès récolté par ce premier des grands ballets signés par Igor Stravinski – avant « Petrouchka » en 1911, puis « le Sacre du printemps » en 1913 – propulsa le jeune compositeur sur le devant de la scène. L’argument s’appuie sur de célèbres légendes russes ayant pour héros cet oiseau aux plumes magiques et brillantes de mille feux. L’œuvre est empreinte de l’influence de Nikolaï Rimski-Korsakov, mort en 1908, qui fut le professeur de Stravinski. On retrouve d’ailleurs ici le personnage du vieux sorcier Kastcheï, déjà héros de l’opéra en un acte « Kastcheï l’immortel », de Rimski-Korsakov. Le ballet raconte comment, grâce à une plume magique arrachée à l’Oiseau, le prince Ivan Tsarévitch neutralise les pouvoirs d’immortalité de Kastcheï avant de le tuer, libérant ainsi moult chevaliers et treize princesses captives dans son château. Comportant cinq mouvements, la deuxième suite dirigée par Tugan Sokhiev a été élaborée pour le concert en 1919. Elle a été enregistrée à la Halle aux Grains, en 2011, par le chef russe et la phalange toulousaine – leur dernier disque à ce jour.
Un des derniers concerts de la saison de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse invite Renaud Capuçon (photo) pour l’interprétation de « Jeux d’eau », pièce pour violon et orchestre de Bruno Mantovani qui sera dirigée par le compositeur lui-même. Le programme de cette soirée affiche également les Cinq pièces d’Arnold Schoenberg. Cycle de cinq pièces pour orchestre, les Fünf Orchesterstücke ont été composées en 1909, période de crise personnelle et artistique pour le musicien, dont elles semblent refléter les tensions et la violence extrême. On y retrouve par ailleurs des correspondances avec le mouvement expressionniste de cette époque, en particulier dans cet intérêt pour l’inconscient. Créé en 1912, à Londres, l’opus 16 du compositeur est constitué de « Vorgefühle » («Pressentiments»), noté très rapide, puis « Vergangenes » («Le Passé») et « Farben » (« Couleurs »), modéré, « Peripetie » («Péripétie»), très rapide, et « Das obligate » ou « Rezitativ » («Le Récitatif obligé»), émouvant. Centre de gravité de l’œuvre basé sur un accord de cinq sons selon le principe de la mélodie de timbres, « Farben » est également appelé « Sommermorgen an einem See » («Matin d’été au bord d’un lac»).
Ce programme sera enfin l’occasion de retrouver le talentueux Olivier Stankiewicz. Ancien soliste de la phalange toulousaine, il a intégré au début de la saison le prestigieux Orchestre symphonique de Londres. Il livrera sa lecture de « Chemins IV », pièce de Luciano Berio écrite en 1974 pour un hautbois et onze cordes.
Jérôme Gac
« Les Offrandes oubliées » et
« Tout un monde lointain » de Dutilleux par G. Capuçon (violoncelle),
« La Mer » de Debussy », « L’Oiseau de feu » de Stravinski,
par l’ONCT et T. Sokhiev (direction), jeudi 19 mai,
concert diffusé en direct sur medici.tv ;
« Jeux d’eau » de Mantovani par R. Capuçon (violon),
Cinq pièces de Schoenberg, Symphonie n° 5 de Schubert
par l’ONCT et B. Mantovani (direction), vendredi 17 juin.
20h00, à la Halle aux Grains,
place Dupuy, Toulouse. Tél. : 05 61 63 13 13.
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photo: Renaud Capuçon © Mat Hennek
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