La trompette ajuste sa cravate bleue, le lit est bien démonté à l’avant-scène, Attilio Cremonesi a revêtu un sourire éclatant. C’est un heureux mariage qui se prépare.
Dario Solari (Figaro), Anett Fritsch (Susanna)
Figaro ne choit pas alors qu’il mesure son lit avec ses pieds en équilibre sur le bord du sommier. Mais chez le Comte, les cloisons fragiles ont tendance à s’enfuir lorsque claquent les portes. Chute des géants, chute des puissants.
Objets inanimés… C’est à sa psyché que le Comte confie ses doutes, embrassant son double, son âme ; c’est à son alliance que Figaro se plaint des femmes ; c’est sous un jupon que se dissimule le coureur de jupons. Les clés font du bruit dans les serrures. Et il s’en faut de peu que la caisse à outils ne prenne vie et propose enclume, canon ou drone pour défoncer le cabinet.
Marco Arturo Marelli fait crépiter le buffa, anime les entractes, franchit avec humour rideau et quatrième mur. Mais habille les jeunes filles de noir.
Si la fosse, surélevée, couvre quelque peu les voix au 1er acte, l’équilibre revient vite. Le chef articule, respire, ne dissimule pas son plaisir. Au continuo, Robert Gonella et Christopher Waltham soulignent finement le propos. Le plateau, très homogène, s’amuse dans la complicité.
Jeannette Fisher (Marcellina), Dimitry Ivashchenko (Bartolo)
Les dames sont magnifiques : à la pétillante Susanna d’Anett Fritsch répond la jeunesse mélancolique puis pleine d’autorité de la Comtesse de Nadine Koutcher, qui donne son Porgi, amor allongée sur son lit qu’elle ne partage plus qu’avec ses livres. Elisandra Melián (Barbarina) fait l’ingénue sauf par sa voix, tandis que Jeannette Fisher, après avoir taquiné le continuo dans Così, entreprend désormais les spectateurs du parterre, dans une incarnation facétieuse de Marcellina.
Nadine Koutcher (la Comtesse), Lucas Meachem (le Comte)
Chez les messieurs et « messieurs », le Cherubino d’Ingeborg Gillebo est un peu plat vocalement mais, longs cheveux blonds au vent, virevoltant comme il se doit. Dario Solari semble un peu effacé en Figaro en début d’ouvrage mais retrouve rapidement une fougue solaire. Gregory Bonfatti, en Basilio mielleux ayant par ailleurs le privilège d’annoncer le Così fan tutte le belle / non c’è alcuna novità, n’est pas loin d’un de Funès. Bartolo luxueux de Dimitry Ivashchenko. Et avec sa haute stature, le Comte de Lucas Meachem en impose, parfois un peu trop dans le forte, sauf lorsqu’il s’empêtre dans les manches son costume. Les artistes du chœur, en petit effectif, s’en donnent à cœur joie.
La Folle journée s’achève dans un labyrinthe de faux bosquets, dans un jardin très faux, par une nuit très fausse. Un décor pour faux-semblants. Car enfin, si tout se résout et se pardonne ce soir, qu’en sera-t-il demain ? D’où, peut-être, les robes noires des jeunes filles.
Photos © David Herrero
Théâtre du Capitole, 17 avril 2016
Une chronique de Una Furtiva Lagrima.