THE WHO au Zénith le 14 juin !
Voir le film du festival Woodstock à seize ans est une expérience explosive qui change la vie plus sûrement que l’absorption de quatre canettes de Red Bull, et devrait figurer dans toute bonne éducation, voire thérapeutique, à destination des adolescents aliénés, encore aujourd’hui.
Dans Woodstock, toutes les cinq minutes, un artiste démontre que, sans fièvre, sans folie, sans engagement autre que vouloir devenir célèbre pour une quelconque capacité à striduler à la télé, il ne sert à rien, sinon à occuper du temps d’antenne et quelques instants de vide mort dans le flux incessant que l’industrie bombarde entre nos oreilles dans les moindres recoins de la planète.
A un moment, quelque part dans les trois heures et quelques du film, entre Richie Havens, Santana, Country Joe & the Fish, Crosby, Stills, Nash et Jimi Hendrix, quatre Anglais survoltés apparaissent sur l’écran : The Who. Et nous avons les poils dressés sur la nuque. Pete Townshend mouline diablement et rudoie sa Gibson, John Entwistle reste impérial derrière sa basse, Keith Moon assume sa réputation de fou des fûts, en combinaison blanche, et Roger Daltrey, parfaitement christique dans son costume de daim à franges, hurle « See me, feel me, touch me, heal me » dans un halo, secoue ses boucles et asperge la scène de sa sueur, les bras en croix.
C’était en 1969, quatre ans après leur premier assaut (My Generation), l’année même de l’opéra-rock Tommy. Allaient suivre le monstrueux Live at Leeds, le chef-d’oeuvre Who’s Next dans lequel Townshend expérimente les synthétiseurs et des boucles qui sont peut-être les premières de l’histoire du rock (On y trouve aussi l’inaltérable ballade qui tourne à l’aigre : Behind Blue Eyes, et il y a cette photo de pochette où les quatre rockers viennent d’arroser un monolithe), Quadrophenia, hymne aux mods, et The Who By Numbers. En 1978, dernier grand disque, mais ce n’est pas sûr pour tout le monde, chargé de tubes vaguement disco mais qui passent remarquablement bien l’épreuve du temps : Who Are You.
Dans le Live à Hyde Park (26 juin 2015) qui est sorti il y a peu chez Eagle Rock (2 CD et un DVD), les deux survivants des Who, Dartrey et Townshend, tout deux très en forme malgré leur âge et les accès de surdité qui ont affligé le guitariste (50 ans de rock et d’imprudence, ce qui va ensemble), les classiques de toutes les époques sont enchaînés sans répit, dans une nouvelle énergie tout à fait réjouissante que les mauvaises langues diront justifiée par des gains aptes à renflouer les caisses de milliardaires vieillissants : « My Generation, Pinball Wizard, Baba O Riley, Pictures Of Lily, I Can t Explain, You Better You Bet, Who Are You, Won t Get Fooled Again, Join Together, The Kids Are Alright, I Can See For Miles and many more! ».
Depuis longtemps, le fils du Beatle Ringo Starr, Zak Starkey, conduit les chansons des Who de façon spectaculaire, derrière ses tambours et des parois de plexiglass, en remplacement du clown génial Moon, disparu dans les excès en 1978. Simon Townshend, « arme secrète des Who », assiste son frangin Pete à la guitare, mais aussi à la mandoline, et il chante les harmonies. Pino Palladino, qui a cachetonné avec tout le monde sauf les mauvais (Clapton, John Mayer, Paul Young) et dont la basse peut être entendue dans nombre de disques sérieux, tient le poste du regretté Entwistle. Il y aussi trois claviéristes qui épaississent le son du groupe et jouent des parties délicates et indispensables, même si le noeud de l’affaire reste une science du riff et de la mélodie qui envoie le cerveau de l’auditeur dans les airs, et les voix des deux vieux, en alternance, l’une soul, puissante, de bronze, malgré quelques aigus en moins, couplée parfois à un harmonica rageur, et l’autre nasale, fragile, bigrement émouvante.
A l’annonce par surprise et presque au dernier moment de la venue des Who à Toulouse le 14 juin, plus de 40 ans après la dévastation de ce que les archives nomment « la Foire de Toulouse » (Parc des expos, 17 février 1974), la destruction de leurs amplis et leurs guitares (un ami vient de me le raconter, en témoin et peut-être fantaisiste de l’époque), les fans de rock, d’un rock intemporel, ceux qui savent bien que c’est une musique qu’on peut jouer jusqu’à la dernière limite (pourvu qu’on reste vrai), et les nostalgiques de leur jeunesse éblouie par une révolution sonore accompagnée d’une émancipation salvatrice, sont restés interdits un instant, décrochant même de la terrible série Vinyl, qui est une bible et un alcool. Mais les voici déjà en route vers le zénith, une veste militaire sur le dos, en scooter ou sur un déambulateur, au milieu des jeunes à qui on a appris que c’est dans les vieux pots… « You better you bet! »
Greg Lamazères
Réservations : Box Office – Tel. : 05 34 31 10 00