Richard Brunel présente au Théâtre national de Toulouse sa mise en scène de la pièce de Bernard-Marie Koltès « Roberto Zucco ». Il dirige Pio Marmaï dans le rôle-titre inspiré de la personnalité d’un meurtrier.
Directeur de La Comédie de Valence (Centre dramatique national de la Drôme – Ardèche), Richard Brunel a choisi Pio Marmaï pour interpréter le rôle-titre de « Roberto Zucco ». Éditée en 1988, la dernière pièce de Bernard-Marie Koltès s’inspire des épisodes de la vie d’un tueur en série italien. L’auteur écrivait alors : «C’est une affiche, sur un mur, un avis de recherche pour un assassin ; je l’ai vu dans le métro. Je me suis renseigné sur son histoire, et je l’ai vécue au jour le jour, jusqu’à son suicide. Je trouve que c’est une trajectoire d’un héros antique absolument prodigieuse. Je vais vous raconter l’histoire en quelques mots. C’était un garçon relativement normal, jusqu’à l’âge de quinze ans. À quinze ans, il a tué son père et sa mère, il a été interné. Mais il était tellement normal qu’on l’a libéré, il a même fait des études à l’université. À vingt-six ans, ça a redémarré. Il a tué six personnes, dans l’espace d’un mois, puis deux mois de cavale. Il finit en se suicidant dans l’hôpital psychiatrique, de la même manière qu’il avait tué son père. Cela s’est vraiment passé cette année. Un jour, j’ai ouvert ma télé, et je l’ai vu, il venait d’être arrêté. Il était comme ça, au milieu des gardiens, et puis il y avait un journaliste qui s’est approché de lui et lui a posé des questions idiotes, comme on peut les poser à un criminel. Il répond : “Quand je pense que je pourrais prendre cinq gardiens dans la main et les écraser. Je ne le fais pas, uniquement parce que mon seul rêve, c’est la liberté de courir dans la rue”. Il y a très peu de phrases comme ça de lui, mais je les garde toutes parce qu’elles sont toutes sublimes. Et, une demi-heure après, il avait échappé aux mains de ses gardiens. Sur le toit de la prison, il se déshabillait, et il insultait le monde entier. Cela ne s’invente pas. Imaginez ça au théâtre ? Sur un toit de prison ! Je ne fais pas d’enquête, je ne veux surtout pas en savoir plus. Ce Roberto Succo a le grand avantage qu’il est mythique. C’est Samson, et en plus abattu par une femme, comme Samson. C’est une femme qui l’a dénoncé. Il y a une photo de lui qui a été prise le jour de son arrestation, où il est d’une beauté fabuleuse. Tout ce qu’il a fait est d’une beauté incroyable», assurait Bernard-Marie Koltès.
Pour le metteur en scène Richard Brunel, «en même temps que le temps a disjoint Roberto Zucco du fait divers qui l’a inspiré, il l’a libéré de la problématique morale, de l’oscillation forcément problématique entre sacralisation du meurtrier et dénonciation de la monstruosité. Le personnage éponyme est un rôle par essence énigmatique et sans psychologie. Roberto Zucco n’existe que dans sa rencontre avec les autres. Sans eux, il est invisible. La pièce est d’abord l’histoire d’un couple improbable, la Gamine et Zucco, un couple formé par le hasard et aussitôt perdu. Au lieu du centre annoncé par le titre, deux lignes donc. Deux rencontres, deux points de jonction, en forme de début et de fin, et au milieu, deux trajectoires, deux courses folles, deux évasions, deux fuites éperdues pour perdre l’autre et le retrouver, pour se perdre et se trouver. Un road-movie dans un miroir de poche. Un labyrinthe sans issue. Et autour, la famille, ancrage pathologique dont les deux héros tentent de se libérer. En vain. Et au-delà encore, le quartier, le monde. Bêtise, violence, incompréhension. Le monde est une maison dont on ne peut s’enfuir.»
Jérôme Gac
Du mercredi 13 au samedi 16 janvier, au TNT, 1, rue Pierre-Baudis, Toulouse.
Tél. : 05 34 45 05 05.
«Faits divers et spirale de la violence» :
rencontre avec Richard Brunel et Christophe Bergon (metteurs en scène), et Philippe Gaberan (docteur en sciences de l’éducation), samedi 16 janvier, 16h00, au TNT.
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photo © Jean-Louis Fernandez
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