Frédéric Chambert, Directeur artistique du lieu l’affirme en introduction de la brochure nous informant sur la nouvelle saison 2015 / 16. Ce qui compte en premier, c’est bien le PUBLIC : « Le Théâtre du Capitole, c’est son public : fidèle, passionné, prompt à réagir comme à reconnaître un nouveau talent, un public exigeant et, sans aucun doute, curieux. » Mais, « le Théâtre du Capitole, c’est l’histoire de la Ville de Toulouse et de ses édiles qui, depuis le temps des Capitouls, ont à résoudre chaque année cette même et délicate équation qui consiste à porter à bout de bras, dans des temps parfois contraints, une institution ambitieuse inscrite dans les gènes de Toulouse. »
Frédéric Chambert
N’oublions pas que c’est Francine, gendre de Lully qui demanda la création d’un opéra à Toulouse. L’académie de musique fut créée en 1687 avec sa salle de représentations munie d’une machinerie qui occupa la Salle du Jeu de paume. Elle correspondait à ce qui, actuellement, est en grande partie la salle Utopia, Rue Montardy. Un des prédécesseurs de Mr Frédéric Chambert était le sieur Viller, directeur de l’Académie Royale de musique d’opéra de Toulouse, qui n’avait pas tout à fait le même genre de souci comme en témoigne sa requête auprès du Parlement qui décréta à sa demande : « Défense à toute personne de siffler, de battre des mains et d’interrompre le silence pendant les représentations sous peine de 50 livres d’amende. »
Avant d’éplucher un peu le calendrier de toutes les manifestations qui nous attendent et donc liées au Théâtre du Capitole, notons qu’il subit, lui aussi, quelques restrictions budgétaires qui se caractérisent par un budget dépenses un peu plus étriqué. Et qui dit dépenses en moins, dit, pour l’instant, spectacles en moins. L’ensemble Opéras & Opérettes ne fait pas en augmentant et ne va pas pouvoir diminuer encore sous peine de mettre en difficultés des structures bien ancrées pourtant. De même pour les Ballets. Un certain nombre de productions, quelles qu’elles soient, sont indispensables pour conserver l’ensemble dans cette Maison qui nous est chère au cœur.
Tugan Sokhiev
Le Théâtre du Capitole, c’est un orchestre magnifique qui, sous l’impulsion de chefs tels que Georges Prêtre, Michel Plasson ou aujourd’hui Tugan Sokhiev, a toujours défendu et continue de défendre avec le même engagement les répertoires, lyrique, symphonique et chorégraphique. Grâce au travail actuel de leur Directeur, et en poursuivant ainsi le travail de ces prédécesseurs, l’orchestre de fosse du Capitole est bien l’un des meilleurs, hors Paris.
Alfonso Caiani
Mais, l’excellence se manifeste aussi côté chœurs. Les anciens sont bien obligés de constater que les interventions des chœurs sur le plateau il y a, disons, quelque temps, ont bien changé. Avec déjà Patrick-Marie Aubert, puis maintenant Alfonso Caiani, les masses chorales sont méconnaissables. Ces Chœurs se complètent d’une Maîtrise toute récente qui prend le même chemin. Il faudra tout faire pour conserver ces unités au Théâtre du Capitole. Son Directeur le dit : « Le Théâtre du Capitole c’est aussi une maîtrise et un chœur exceptionnel, désormais capable, sous la direction rigoureuse d’Alfonso Caiani, d’aborder Monteverdi et Rameau de façon aussi convaincante que Verdi et la création contemporaine. »
Kader Belarbi
Quant à la danse, on dansait partout autrefois et en toute occasion : dans la rue, au cours des fêtes familiales, des mariages, dans les salons, danses variées animées par les ménétriers, on danse dans la haute comme dans la basse société. Des maîtres à danser toulousains bénéficieront de quelque réputation. Et, de façon plus récente, danseurs et danseuses du Capitole n’ont plus rien à voir question performances avec leurs camarades maintenant « quinqua », ou « sexa ». Tout évolue. « Le Théâtre du Capitole, c’est bien sûr un grand ballet classique ouvert aux évolutions de la danse académique, un ballet dont Kader Belarbi, qui ne se pare jamais de son titre d’étoile de l’Opéra de Paris que pour mieux enseigner à ses danseurs l’exigence à laquelle la danse aspire, a su renouveler l’ambition. » Là aussi, il faudra être très vigilant, et surveiller donc le devenir de cette unité que constitue le Ballet du Capitole de Toulouse.
Atelier des perruques au Théâtre du Capitole
On se plaît enfin à relever dans les quelques mots de son Directeur, ceux qui s’adressent à tous les invisibles, si on peut les désigner ainsi, machinistes, ces “princes de la coulisse“ compris. « Derrière le rideau, le Théâtre du Capitole ce sont des équipes artistiques, administratives et techniques sans pareilles qui ont en partage une même et haute idée de la mission tout à la fois humble et démesurée du théâtre : servir au mieux les œuvres pour les offrir au public le plus large. »
La Favorite : saison 2013/14 avec des costumes de Christian Lacroix sortant des ateliers du Théâtre du Capitole
« Chaque opéra, chaque soirée de ballet, chaque concert du chœur porte toute l’ambition du Théâtre, chaque distribution, si patiemment élaborée avec mon complice, Arnold Alons, dit un impossible rêve, celui d’être, tout simplement, juste. » Là aussi, vigilance nécessaire au maximum quant au devenir des différents ateliers qui ont fait la réputation du Théâtre. Celui-ci reste bien l’un des derniers en France faisant travailler ce type de personnel aux compétences reconnues. Mais, on le sait : les saisons actuelles n’auront plus rien à voir avec celles que le Théâtre pouvaient afficher il y a plus d’un demi-siècle. Terminées les saisons comme celle de 48/49 qui, avec une Tétralogie complète, annonçait 40 opéras et 22 opérettes.
Les opérettes, c’est terminé. Même l’habituelle pour les fêtes de fin d’année est passée à la trappe. Le public n’est plus tout à fait là. Les moyens pour se divertir ont beaucoup évolué. Et il n’y a plus de troupe à disposition rattachée au Théâtre.
Georges Prêtre, Michel Plasson ou aujourd’hui Tugan Sokhiev, a toujours défendu et continue de défendre avec le même engagement les répertoires, lyrique, symphonique et chorégraphique. Grâce au travail actuel de leur Directeur, et en poursuivant ainsi le travail de ces prédécesseurs, l’orchestre de fosse du Capitole est bien l’un des meilleurs, hors Paris.
« Dans la forêt touffue des œuvres, chaque saison, cherche à ouvrir des sentiers balisés par des chefs-d’œuvre autant qu’à signaler des chemins de traverse. Et à ce jeu l’on est parfois surpris, car où situer Le Prisonnier de Dallapiccola et Le Château de Barbe-Bleue de Bartok qui ouvrent cette saison ? Il s’agit bel et bien de deux ouvrages majeurs de l’opéra du XXe siècle dont le premier sera, pour la première fois, donné à Toulouse. »
Le Théâtre continue son aventure. Après Medea de Pascal Dusapin et L’Air de dire de Pierre Jodlovski, puis Polieukt de Zygmunt Krauze et Celui qui dit oui et Celui qui dit non de Kurt Weill et Bertolt Brecht suivi de, l’année suivante, Written on skin de George Benjamin puis en 2013/14, Les Pigeons d’argile de Philippe Hurel et enfin Massacre de Wolfgang Mitterer, le Théâtre associe deux œuvres dont l’une que l’on donne autant en concert que sur scène, mais plus souvent en concert, Le Château de Barbe-Bleue (1911), une des œuvres les plus attachantes du compositeur hongrois Béla Bartók, son seul opéra. Elle est à l’affiche avec une œuvre de Luigi Dallapiccola qui fait, elle aussi son entrée sur la scène du Capitole, Il Prigioniero (1949). Ecrite selon le système dodécaphonique, elle n’en comporte pas moins des pages bouleversantes représentant un sommet musical dans la production italienne du XXè siècle. De plus, l’association des deux œuvres choisies est des plus heureuses si l’on se réfère au livret qui sous-tend chacune. Cela risque d’être une très heureuse surprise pour cette nouvelle production du Théâtre. C’est Aurélien Bory qui relève le défi.
Faust
Si les concerts du cycle Présences vocales, pour la septième saison consécutive, revendiquent ainsi l’aventure de la création, nous reprenons contact avec la planète Terre, ou plutôt avec des œuvres plus communes et plus à la portée, disons-le d’un public qui vient aussi pour voir et entendre des “tubes“ : Rigoletto, Les Noces de Figaro, L’Italienne à Alger et Faust sont les bienvenus dans la saison. Les cinq représentations de Rigoletto avec Ludovic Tézier dans le rôle-titre, ça ne se laisse pas sur la touche même pour ceux qui connaissent la mise en scène de Nicolas Joël par cœur. De plus, Daniel Oren dirige.
Les Noces de Figaro devrait attirer les foules férues des opéras mozartiens, l’œuvre étant dirigé par Attilio Cremonesi avec une distribution pleine de promesses. La nouvelle coproduction de L’Italienne à Alger amènera, j’espère, une Isabella de choc pour tenir la dragée haute au Mustapha de Pietro Spagnoli. On a aimé ou pas la mise en scène de Laura Scozzi pour Les Indes Galantes. Peu importe, car les décalages qu’elle a créés dans le Rameau peuvent être, dans leur démesure, du meilleur effet dans le Rossini. Rendez-vous en mai.
La saison se termine par le Faust de Gounod dans la mise en scène connue de Nicolas Joël. Reconnaissons-lui une efficacité certaine. Le plus intéressant sera la direction de Claus Peter Flor qui nous avait agréablement surpris dans le Madame Butterfly à la Halle. Il retrouve son magnifique Pinkerton dans le rôle de Faust, le roumain Teodor Ilincai, le Mefistophélès d’Alex Esposito, la Marguerite d’Anita Hartig sans oublier le Siébel de Maïté Beaumont et le Valentin de John Chest.
Les Fêtes vénitiennes
Les Fêtes vénitiennes de Campra, créées en 1710 et qui n’ont pas quitté l’affiche de l’Académie Royale de Musique pendant des décennies, devrait ravir tous les baroqueux grâce au talent conjugué de William Christie et ses Arts Florissants, pleins d’élégance et de vitalité, et du metteur en scène Robert Carsen qui offre avec ses acolytes un spectacle plein d’esprit.
Tandis que l’œuvre d’Henri Sauguet, Les Caprices de Marianne, tisse une parure musicale pleine de séduction aux vers sublimes de Musset. Le compositeur n’a pas le goût des expressions violentes. Sa musique résolument consonante et le texte spirituellement mis en scène ne devraient pas provoquer quelque bronca digne d’un certain Turandot. Oriol Tomas n’est pas Calixto Bieito, on l’espère et on ne le lui reprochera pas ! Comme dit la formule : un peu de douceur et de délicatesse dans cet océan peuplé de brutes, cela ne peut pas faire de mal.
Les Caprices de Marianne
Côté danse, les restrictions budgétaires sont là, et on ne retrouve que quatre séries de ballets. De plus, il faut que le ballet dit classique reprenne sa place d’où la surprise qui pourrait bien venir d’une nouvelle production de Giselle pour laquelle Kader Belarbi entend restituer dans toute sa rigueur classique la force du plus emblématique des ballets romantiques. Ou surprise encore causée par la lecture que Charles Jude va proposer de Coppélia, présenté au Capitole dans le cadre d’un échange avec l’Opéra national de Bordeaux qui, au même moment, donnera sur sa scène La Reine morte.
Le ballet Paquita avec María Gutiérrez et Kazbek Akhmedyarov
Et si la saison de ballet s’achève avec le flamboyant Oiseau de feu de Maurice Béjart, précédé d’un Paquita Grand pas, elle nous aura invités à traverser une Salle des pas perdus, une entrée au répertoire chorégraphiée et scénographiée par Kader Belarbi investie par les créations d’Angel Rodriguez, Thousand of Thoughts et de Kader Belarbi, Mur-Mur sur une autre partition bouleversante de Luigi Dallapiccola.
« Alors, chemin de traverse ou sentiers de grande randonnée ? » s’interroge notre Directeur.
Précision utile, il faut aussi consulter la brochure pour s’intéresser à toutes les manifestations qui sont en rapport direct avec chaque opéra mis en avant : les Midis du Capitole, les Conférences et Ateliers, Journées d’études, …
Michel Grialou