Jacques Roubert est à l’Espace Croix-Baragnon jusqu’au 26 septembre. Le principe de l’expo, faire découvrir l’univers d’un collectionneur, ses coups de cœur et ceux partagés par des amateurs, un principe qui, peut-être, va vous interpeller et vous motiver pour attaquer une collection, ou modifier votre façon de continuer la vôtre.
C’est un des buts de l’expo, un autre étant bien sûr la découverte d’artistes que vous ignoriez à ce jour. Enrique Brickmann, Rossana Zaera, Cyril Grange, Richard Nieto, Frederic Pauthal, (ces trois derniers vivent et travaillent à Toulouse) … les connaissez-vous ?
Jacques Roubert est collectionneur, d’abord et aussi galeriste. Il achète, pour son plaisir d’abord, et il vend. Mais il vend ce qui lui plaît. La démarche est d’une rare complexité. Il y a le collectionneur qui ne se sépare de rien. Il y a celui qui ne vend rien et puis tout, tout d’un coup. Et puis il y a Jacques Roubert et d’autres bien sûr, qui achète, collectionne, veulent à tout prix faire partager leur coup de cœur, mettent en avant les artistes qu’ils aiment, s’occupent de leur parcours, de leurs œuvres, les accrochent, les décrochent, les font circuler. Une façon de se créer un univers, un espace privilégié. Mais attention, le domaine de collection n’est pas facile. On est dans l’art contemporain, on est dans des créations de maintenant. Rien à voir avec la musique classique, dite contemporaine qui reste affublé du qualificatif sur des dizaines d’années. Et puis, il faut choisir car il y a pléthore. Et là, pas de recette, on vibre ou on ne vibre pas. Aucune pharmacopée à disposition. Vous décidez ou non de partir avec votre choix en sachant que vous allez vivre avec, un certain temps.
« L’esthétique est un lieu sans indulgence, sans pardon.
Il faut n’avoir pas peur d’aimer les représentations au point de les défendre.
Si vous commettez une erreur autant que ce soit une faute de goût.
Si elle suscite conjecture et opprobre vous permettez au moins à l’adversaire de s’identifier comme un être debout.
Je ne me suis cependant jamais posé la question de savoir si les œuvres proposées étaient « belles ». Aux détracteurs je répondais : « Trop tard vous l’avez vu ! »
Avant qu’il n’y ait un marché de l’art il y eût un monde.
Je défends cet espace intime où les choses naissent et échappent jusqu’au receveur ; Le collectionneur s’approprie la représentation affective.
Il reconnaît une image qui était déjà la sienne et décide de la protéger.
En échange, cet avatar, proche de son rêve, lui délivrera une force capable d’échapper.
Il m’est arrivé de penser qu’un vrai collectionneur devrait en ce sens ne posséder qu’une œuvre réparatrice et guérisseuse.
Mais je ne voudrais pas qu’on me reproche un monothéisme fétichiste exsangue ou de vouloir défaire le marché.
Non cela touche réellement plus aux soins que procure le contact bienfaisant d’une œuvre. Un être entre dans une galerie, découvre son totem.
Il l’achète.
Il ne reviendra pas car il est guéri.” Jacques Roubert
Au sujet d’un certain collectionneur d’arts primitifs, ou premiers, prénommés Jacques lui aussi ! un de ses proches amis disaient : « L’art était chez Jackie quelque chose qui relevait de l’instinct, de la force de vie qui était en lui, de son appétit extraordinaire de voir, de comprendre, de sentir, de s’approprier toute chose : une œuvre, un objet, un paysage…Au-delà de cette inépuisable « gourmandise optique » se trouvait à mon sens l’idée d’une quête de ce qui se trouve derrière les apparences. Par leur réponse cinglante au formalisme, par leur manière de faire apparaître l’intériorité cachée derrière les formes, comme pour reprendre la phrase de Schoenberg, « la musique se cache derrière les notes », ce sont les arts primitifs qui lui ont apporté la satisfaction qu’il recherchait obscurément.
A l’exact opposé des absurdes accusations d’esthétisme qui ont pu être portées contre lui, Jacques était occupé du fonctionnement même des œuvres. Il avait la conviction que la perfection formelle, c’est la récompense, ce qui vient « par-dessus le marché », mais que ce qui compte, c’est l’intériorité. Son regard entrait à l’intérieur même des sculptures, il les habitait, il fonctionnait avec.
Ce qu’il voyait au fond de ces chefs-d’œuvre, c’est la tentative désespérée de l’immortalité. »
Il me semble que notre ami Jacques Roubert se retrouve très bien derrière ces quelques lignes en tant que collectionneur, non pas d’arts primitifs mais de cette forme d’art dont on a un excellent aperçu avec cette installation à l’Espace qui ne s’était pas retrouvé depuis longtemps aussi occupé, artistiquement parlant.
Les quelques illustrations proposées sont bien à l’Espace. A vous de les retrouver et ainsi de connaître leur auteur, et d’aller plus loin pour en savoir un peu plus sur chacun.
Michel Grialou