Il fallait bien frapper un grand coup et marquer dignement cet anniversaire. Cycle toulousain faisant partie intégrante des grands rendez-vous musicaux à la Halle, c’est le moment de retrouver dans une même saison les plus grands noms actuels, déjà venus ou accueillis pour la première fois, les plus grands noms reconnus comme tels et ceux en passe de devenir aussi incontournables que leurs compères. Mais, il faut faire un choix car il y a des limites à tout, même au meilleur. Tous ne pourront être là. Et il faut aussi un peu de chance car les agendas de certains sont vite pleins et rendent les disponibilités délicates.
La lecture de la brochure va vous embarrasser un peu : que choisir ? Tout ? C’est faisable. Le staff a essayé de résoudre ce problème du choix au mieux entre les abonnements et les nombreuses formules de Pass. Vous êtes obligés de trouver une solution. Tous, à vos agendas !
On retrouve les deux plus grands pianistes, non, les quatre plus grands ou parmi les plus grands, mais comment le dire ? Martha Argerich, Grigory Sokolov, Lang-Lang, Leif Ove Andsnes, ici présents.
De Lang-Lang, on ne vous dira rien de plus car tout est dit dans ma rubrique précédente qui lui fut consacré lors de son premier récital ici même. Si, une remarque : le programme est bien plus alléchant pour ce mardi 10 novembre. Et une autre qui s’adresse à quelques “péquins“, ceux qui lui reprochent une gestuelle disons un peu trop exubérante : « Je ne peux pas changer ma manière de jouer. J’ai besoin de transmettre physiquement mes sensations. Croire que la musique n’est qu’un effort purement intellectuel est une vue de l’esprit. Quand je joue, mes gestes accompagnent mon émotion. Il n’y a rien d’intentionnel dans cette expression. »
De Grigory Sokolov, c’est un habitué, très chéri du public de la Halle et qui nous revient avec sa Carte Blanche car, comme il le dit si bien : « J’ai besoin de ressentir un profond désir de donner précisément telle œuvre telle saison. On comprendra donc que je trouve détestable de devoir donner un programme détaillé deux ou trois ans à l’avance. Cela crée évidemment d’énormes difficultés dans l’organisation des concerts. Mais les organisateurs n’ont pas le choix car je ne joue jamais sur commande.» L’explication ne souffre aucune contradiction !
Notre pianiste Leif Ove Andsnes venu de Norvège est au rendez-vous pour les trente ans. Quel amateur de piano va faire la moue. Là encore, il suffit de reprendre les rubriques données lors de ses passages précédents. Mais, n’oublions pas que le musicien a aussi à cœur de donner une image plus moderne de la musique classique et d’aller à la rencontre du public. Ainsi, déclare-t-il : « Nous ne sommes pas un petit club privé jouant notre musique en frac et essayant de paraître cultivés. L’important pour la société d’aujourd’hui est la vraie passion. »
Quant à Martha Argerich, le Kremerata Baltica ne m’en voudra pas si j’écris que le public sera d’abord présent pour elle, et qu’elle nous manquait presque. Mais sans eux elle ne serait pas venue puisqu’elle ne joue pratiquement plus en solo. « Jouer solo ne me dérange pas si c’est dans un concert varié, mais monter tout un programme me fatigue. Même en auditeur, je trouve ça ennuyeux d’assister au récital d’une seule personne. » Donc, merci au groupe formé en son temps par Gidon Kremer et que vous avez applaudi il y a peu, d’accompagner notre “lionne“.
Une trentième sans La Bartoli paraissait impensable. Ca tombe bien, il y a opportunité avec ces airs italiens arrivés jusqu’à la cour de Russie. 2001 fut son premier récital dans le cadre de Grands Interprètes. Concert doublé vu la demande. Puis, ce sera 2003 puis 2006 et 2008 et 2010 en début et un second en fin d’année, deux récitals, deux programmes différents. La diva qui n’a pas besoin d’être une diva commençait à nous manquer. Celle qui peut s’offrir le luxe d’être naturelle, fougueuse, instinctive, disponible, curieuse, généreuse, est capable, c’est la seule, de monter un récital en s’appuyant presque exclusivement sur des airs inconnus de son public. Ce sera encore le cas, assisté de Diego Fasolis, nouvelle recrue de haut vol parmi les chefs baroques et de son ensemble, I Barocchisti, ensemble de réputation internationale dans le répertoire baroque sur instruments anciens. Des talents qui ne pouvaient échapper à l’oreille infaillible de notre Cecilia. On dit qu’elle a quelque chose en plus. A la question innocente, c’est quoi ? Elle vous répond : « C’est l’âme qui est dedans, dans le corps. Ma voix, c’est dedans, c’est moi. C’est de l’air, ce n’est rien, et c’est tout. »
Le 8 janvier 2016, on se demande bien ce qui fera déplacer la foule vers la Halle. Sera-ce la nouvelle “coqueluche“ des estrades et ce, depuis plusieurs années maintenant, le dénommé Gustavo Dudamel ? C’est avec la Fuga con Pajarillo (1990) d’Aldemaro Romero que Dudamel scelle son destin en remportant le premier Concours de direction Gustav Mahler de l’Orchestre Symphonique de Bamberg en 2004. Ou bien est-ce son orchestre attitré, le Simon Bolivar de Venezuela ? ou bien, l’œuvre au programme, la terrifiante mais ô combien recherchée Turangalîla-Symphonie d’Olivier Messiaen ? ou bien, celle qui va enflammer le clavier, la pianiste Yuja Wang ? ou Cynthia Millar, dont le nom est inséparable de l’instrument très spécial dit les Ondes Martenot ? En tous les cas, c’est un concert qui fera date.
Raphaël Pichon ne nous quitte plus. Avec son Ensemble Pygmalion, grand voyageur entre les siècles, il est bien là pour les trente ans. Une valeur nouvelle qui fait donc partie, déjà, des incontournables. Après une Messe en si de Bach, une Grande Messe pimentée de quelques motets, ce sera Mozart et Gluck, mais surtout on note la présence à l’affiche d’une jeune soprano française faisant l’unanimité en concert comme sur scène, une vraie révélation du chant lyrique, j’ai nommé Sabine Devieilhe. On attend avec grande impatience, son interprétation des airs périlleux tirés du Lucio Silla de Mozart et des airs extraits de La Rencontre imprévue de Gluck.
Encore deux pianistes pour achever le tour d’horizon de cette nouvelle saison : Bertrand Chamayou qui connaît la Halle par cœur tout comme la Salle Capitulaire du Couvent des Jacobins et que le public toulousain apprécie autant en concertiste qu’en récitaliste. Il nous interprète le Concerto n°5 dit L’Empereur accompagné par l’Orquestra de Cadaquès dirigé par son chef fondateur, Gianandrea Noseda, chef très apprécié aussi à Toulouse, ayant dirigé à plusieurs reprises l’ONCT avec beaucoup de réussite.
Le second, c’est David Fray auquel est attaché le compositeur Mozart dont il va interpréter justement le n°24, concerto qui va précéder l’exécution de la Symphonie n°7 de Chostakovitch dite Leningrad, la plus célèbre des symphonies du compositeur, la plus enregistrée, celle qui nécessite les plus grandes contraintes dans son interprétation. Pour gérer au mieux les forces immenses nécessaires, trouver le ton juste, jusque dans les paradoxes de la partition, il faut un chef, et un orchestre. Ce sera le Dallas Symphony Orchestra dirigé par Jaap Van Zweden. Ce chef connaît bien la Halle et doit même se souvenir de ce fameux concert du 15 mai, interrompu par la grêle et les grêlons qui traversaient la verrière, ceci pour l’anecdote !! Quant à l’orchestre américain, il ne faudra pas le rater car ils ne sont pas nombreux à franchir l’Atlantique pour rejoindre une salle européenne.
La saison débute avec un concert en lien direct avec le Sistema du Venezuela puisque, clin d’œil à la jeunesse, c’est l’Orquesta Sinfonica Juvenil de Caracas qui va envahir la Halle, dirigé par Dietrich Paredes, jeune violoniste issu d’El Sistema, et ayant démontré quelques aptitudes à la direction d’orchestre d’où sa nouvelle orientation. L’enthousiasme dépourvu de tout complexes devrait fort bien convenir à l’Oiseau de feu et à la Symphonie n°3 avec orgue de Saint-Saëns, et encore davantage à l’œuvre proposée en ouverture de concert, la fameuse danse populaire Margariteña d’Inocente Carreño, une de ses pièces les plus directement inspirées des mélodies populaires vénézuéliennes traditionnelles. Si vous remarquez beaucoup de passages pour cor, normal, le compositeur était au départ corniste !! Ils seront nombreux sur scène, très nombreux, et ne cherchez pas trop les cheveux gris ou blancs, il n’y en aura pas !
Le lundi 8 février, l’exercice sera difficile, mais qui ne tente rien, n’a rien. Un opéra baroque en version concert, ce n’est pas une mince affaire, qui plus est, Alcina de Haendel, opéra tiré de l’Orlando furioso de l’Arioste. Mais quand on vous offre, dans les deux rôles principaux, Sonya Yoncheva dans Alcina et Philippe Jaroussky dans Ruggiero, on se dit que, peut-être avec les coupures adéquates dans la partition fleuve, cela peut faire une heureuse surprise du même niveau que cette année avec l’opéra de Steffani, Niobe, Regina di Tebe. Il fut un véritable événement pour tous. Alors, banco pour Alcina surtout qu’à la direction de l’ensemble, on remarque Ottavio Dantone à la tête de son Accademia Bisantina. Et si l’on ne présente plus Philippe Jaroussky, on dira quelques mots sur la jeune soprano bulgare qui brûle les étapes, douée d’une fougue et d’un enthousiasme sans limites, et d’une ferveur dans l’interprétation qui se traduit même en concert ! Pour le rôle d’Alcina, c’est parfait. Sonya Yoncheva vous dira : « Si nous ne sommes pas authentiques sur scène, comment le public pourra-t-il croire au drame que nous vivons devant lui ? J’ai toujours aspiré à trouver cette vérité théâtrale avec mes partenaires, et ils sont suffisamment intelligents pour s’y plier ? » Même en version concert ! Attention Ruggiero ! Dans le grand air de “femme trahie, abandonnée“, « Ah, mio cor, schernito sei », elle devrait y être époustouflante !
Marc Minkowski a décidé de réviser la version de Robbins Landon concernant le Requiem en ré mineur du divin Mozart. C’est cette version qu’il nous offre avec son ensemble Les Musiciens du Louvre qu’il fonda à l’âge de dix-neuf ans. Le chef comme son Ensemble ne sont plus à présenter parmi les valeurs sûres du monde des interprétations sur instruments d’époque, une façon de faire revivre les répertoires baroque, classique et romantique. Quant au chef, son répertoire évolue de plus en plus vers le XIXe et même XXe mais ce n’est pas pour autant qu’il abandonne les œuvres majeures, la preuve. On est impatient d’écouter sa révision d’un requiem tant et tant entendu et pour nombre d’entre nous chanté. Sera de la fête, un chœur peu rencontré encore à Toulouse, le Cor de Cambra del Palau de la Musica Catalana de Barcelone dont le répertoire s’étale de la Renaissance au XXIe siècle et qui a déjà travaillé depuis sa création il y a vingt-cinq ans avec les plus grands chefs.
Vladimir Jurowski fait partie de ses chefs de la nouvelle génération que tous les orchestres s’arrachent pour, ne serait-ce que diriger un seul concert, à défaut de prendre en charge la formation en tant que directeur musical. Il est partout, et à nouveau à Toulouse avec le Chamber Orchestra of Europe qu’il dirigeait déjà en janvier 2009 à la Halle. Au programme, une symphonie peu commune, la n°10 de Weinberg, compositeur que nous avons découvert grâce à Gidon Kremer cette année avec le fameux Concerto pour violon. Puis, plus facile, une symphonie de Beethoven, la n°7 qui devrait nous faire danser…sur le fauteuil. Auparavant, nouvelle venue dans le petit monde des nouvelles stars de l’archet de violon, Patricia Kopatchinskaja nous interprètera sur son Pressenda de 1834, le Concerto pour violon n°2 de Serge Prokofiev. Une très belle affiche encore.
La saison s’achèvera avec la venue exceptionnelle à Toulouse, d’un orchestre exceptionnel, l’Orchestre de l’Opéra National de Paris qui joue donc dans la fosse de la salle Garnier et dans celle de l’Opéra Bastille. Un orchestre dirigé actuellement par un chef qualifié, d’exceptionnel, Philippe Jordan. Tout est donc exceptionnel !!! et donc logique qu’ils arrivent jusqu’à la Halle aux Grains dans une Chevauchée digne de celle des Walkyries qu’ils interprèteront puisque le programme est entièrement tourné vers Richard…Wagner, musique pour laquelle le chef semble avoir quelques penchants tout à fait favorables. Attention pas de voix, mais uniquement des extraits symphoniques du Ring, plus précisément.
Voilà, c’était un tour d’horizon de la programmation de Grands Interprètes pour sa saison anniversaire. Avouez qu’il y a du beau monde et de la diversité, et donc pour tous les goûts. Et tant pis si pour certains, l’éclectisme de leur goût risque de les conduire à des dépenses folles.
Michel Grialou
Mécénat / Partenariats
Nathalie Coffignal
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