Le 19 décembre à la Halle aux Grains de Toulouse, l’Orchestre National du Capitole s’investit dans un programme musical original composé d’œuvres très diverses mais toutes écrites et créées au cours des 20ème et 21ème siècles. D’Anton Webern (Passacaglia en ré mineur, op. 1) à James MacMillan (Concerto pour percussions et orchestre n°2) en passant par Serge Prokofiev (Symphonie n° 7), le panorama des musiques récentes se révèle d’une grande richesse. La participation du percussionniste Colin Currie confère un attrait supplémentaire à ce programme.
La Passacaglia pour orchestre, qui ouvrira le concert, représente la première œuvre admise au catalogue du compositeur autrichien Anton Webern. Cette dernière partition des années d’apprentissage auprès de Schoenberg témoigne d’un postromantisme influencé par la musique de Brahms. Elle est néanmoins étroitement liée à l’esthétique expressionniste. La Passacaglia appartient à la période dite de la « tonalité élargie » de Webern. Tonalité élargie par l’importance du silence ou l’articulation des variations. Créée en 1908 à Vienne sous la direction de Webern lui-même, elle est également, l’une des plus longues que Webern ai écrites, alors que sa durée dépasse à peine les dix minutes !
Source d’inspiration pour de nombreux compositeurs contemporains majeurs, le prodigieux percussionniste britannique Colin Currie collaborait pour la première fois avec l’Orchestre National du Capitole en 2000, avec le concerto pour percussions Veni, Veni, Emmanuel de James MacMillan. Sous la baguette de Tugan Sokhiev, il retrouve le compositeur écossais pour la création française de son Deuxième Concerto pour percussions, co-commande de l’Orchestre National du Capitole et de six autres orchestres internationaux. Créé le 7 novembre 2014 au TivoliVredenburg à Utrecht aux Pays-Bas par l’Orchestre Philharmonique de la Radio Néerlandaise et Colin Currie, ce concerto connaît ici sa création française. L’œuvre de MacMillan se déploie dans deux directions : le timbre orchestral et l’engagement religieux. Particulièrement investi dans la recherche de nouveaux timbres, le compositeur n’a eu de cesse de mettre sur le devant de la scène la famille des percussions. Il confie ici douze instruments différents au soliste, rendant ainsi hommage à l’éclectisme qui caractérise cette famille. En outre, James MacMillan rattache l’essentiel de son œuvre aux textes de la Bible et de la tradition chrétienne. Quoique dénué de titre, le Concerto n°2 ne peut être détaché de cette source inépuisable de l’engagement spirituel.
Fervent promoteur de la musique contemporaine au plus haut niveau, le soliste et musicien de chambre Colin Currie joue aux côtés des plus grands orchestres et chefs d’orchestre. Il crée les œuvres d’Elliott Carter, Einojuhani Rautavaara, Jennifer Higdon, Kalevi Aho, Kurt Schwertsik, Simon Holt… Récemment, il a créé le Double concerto d’Elliott Carter au Festival d’Aldeburgh avec l’Orchestre Philharmonique de Radio France et Pierre-Laurent Aimard. Parmi ses prochaines créations figurent notamment de nouvelles œuvres de Steve Reich, Andrew Norman et Anna Clyne. Colin Currie est artiste en résidence au Southbank Centre de Londres où il tisse des liens avec des artistes et des ensembles représentant diverses formes d’art.
Tugan Sokhiev dirigera enfin la dernière symphonie de Serge Prokofiev, la septième en ut dièse mineur. Lorsqu’il entreprend la composition de cette partition, le contexte est difficile. En 1948, Andrei Jdanov, chargé par Staline des questions culturelles, s’en prend publiquement à lui ainsi qu’à Chostakovitch, les accusant d’exercer une « influence pernicieuse » sur les jeunes générations. Pour Serge Prokofiev, retourné volontairement en U.R.S.S. en 1936 après des années d’exil en Europe, le choc est terrible. Diminué et isolé des milieux artistiques, il délaisse Moscou et se réfugie à la campagne où il entame la genèse de cette Symphonie n°7. Dédiée à la jeunesse, l’œuvre tend à reconquérir les faveurs du pouvoir. Elle oscille entre un lyrisme émouvant et une vivacité enthousiaste qui déclinent les deux qualités prêtées par le compositeur à la jeunesse soviétique : intériorité et élan vital. Le classicisme orchestral, la beauté plastique des thèmes, l’émotion palpable qui s’en dégage constituent la réponse en musique de Prokofiev aux critiques de Jdanov.
Notez que ce concert sera également donné le 20 décembre au Parvis de Tarbes.
Serge Chauzy
Une Chronique de Classic Toulouse
Renseignements, détail complet de la saison et réservations :
Programme du concert donné le 19 décembre 2014 à 20 h à la Halle aux Grains de Toulouse
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