Les grands affreux, les méchants charismatiques, les leaders ambivalents ont toujours suscité la fascination du commun des mortels.
Le metteur en scène étant l’un d’entre eux, il ne déroge pas à la règle.
Pour son premier film derrière la caméra, l’acteur – réalisateur Andrea Di Stéfano s’attaque à un gros morceau, en la personne de Pablo Escobar.
Même si vous n’avez jamais frayé avec un des cartels de Medellin, même si votre addiction la plus importante se cantonne à la dégustation d’un tilleul – verveine avant de vous mettre au paddock, vous avez forcément entendu parler de lui. Ce Colombien, qui bâtit sa fortune sur le commerce international de la cocaïne, connut un vrai succès politique (avec un soutien populaire considérable) avant de périr, abattu comme un chien, à l’aube des années 90.
Un vrai sujet en or.
Mais dans Paradise Lost, tout commence par l’arrivée de Nick et son frère Dylan, gentils canadiens, fans de surf et de nature préservée, qui débarquent en Amérique du Sud pour réaliser le rêve de l’aîné.
Les 2 frangins vont s’exercer à débroussailler un bout de rivage, sans vraiment s’enquérir d’à qui appartient la zone, mais on ne va pas se piétiner l’aorte pour autant, des arrangements sont sûrement possible avec les gentils locaux.
Pendant que Nick fait connaissance d’une ravissante autochtone, Dylan voit débarquer au saut du hamac, une bande de gaillards armés de coupe – coupe (un matériel trompeur, on découvrira rapidement que les lascars ont peu l’intention de dispenser des conseils de jardinage).
Pour mieux différencier le Gringo – à – bandana du méchant Colombien, ce dernier a opté pour une coupe » bien dégagé derrière les oreilles « , on s’y retrouve mieux, c’est sympa.
En faisant profil bas, les frérots pensent s’en tirer à bon compte (une sacrée bonne tactique, un général romain n’aurait pas fait mieux). Nick continue donc de compter fleurette à sa belle, laquelle décide de le présenter à sa famille, qui n’est rien moins (mais mon petit doigt me dit que vous êtes déjà sur une piste) que celle de Pablo Escobar.
El gran Pablo va prendre en amitié le jeune blanc bec, régler ses différents d’avec la mafia locale à grand renfort de jerrycan d’essence et étendre sur lui son emprise malfaisante.
Bien, bien, bien …
À ce stade du billet, vous en aurez déjà déduit que l’intérêt pour Paradise Lost est malheureusement limité.
Car il s’agit d’un film assez maladroit, écrit en à peine 3 semaines par Andrea Di Stéfano lui – même (avec certes des notes accumulées pendant plusieurs années), un premier film qui veut (comme beaucoup de premières œuvres) en dire beaucoup mais qui se dilue en cours de route.
Paradise Lost enfonce des portes ouvertes, ses clichés scénaristiques donnent d’ailleurs envie de refermer violemment lesdites portes sur des doigts innocents, notamment quand le réalisateur prend le mauvais parti d’axer son intrigue sur les états d’âme de l’insignifiant Nick (personnage totalement fictif de surcroît), oubliant au passage que merde, dis donc, c’était pas pour causer de Pablo Escobar qu’on était venu ?
Tu l’as dit Kiki …
Et pendant que tout ce petit monde s’agite, le spectateur lambda restera un peu circonspect, se disant que décidément, réalisateur et scénariste sont deux métiers bien distincts.
Doté d’une réalisation classique mais décente, Paradise Lost concentre ses efforts sur la reconstitution et une conséquente documentation préalable (comme en témoigne l’épisode sur la voiture de Bonnie and Clyde, anecdote véridique de la vie d’Escobar).
Reste également la performance de Benicio del Toro, toujours impeccable (parlerais – je de celle de Josh Hutcherson / Nick ? Rhô bah non allez, ce n’est pas la peine), un Del Toro appréciant décidément l’interprétation de personnages historiques, il avait déjà été un très grand Che dans les films de Soderbergh.
Un cocorico un peu enroué enfin pour Ana Girardot et son premier rôle dans un film international, la jeunette restant (quasiment) réduite à la fonction de copine – inquiète – muette.
Ne sachant réellement comment conclure, je vous laisserais avec cet arrière – goût d’inachevé que m’a laissé la séance de Paradise Lost.
En vous remerciant.
Pierrette Tchernio