Je me demande parfois si en plus de l’hérédité génétique classique, d’autres qualités plus difficiles à quantifier se transmettent dans certaines familles. Dans ce cas – là, il doit y avoir un truc du côté des Coppola.
On ne présente plus Francis Ford, la trilogie du Parrain, Apocalypse Now et Dracula parlent pour lui. Quant à Roman (scénariste pour Wes Anderson, réalisateur à ses heures perdues) et Sofia (Virgin Suicides, Lost in translation, The bling ring …), rejetons de leur célèbre paternel, cela fait belle lurette qu’ils mènent leur petit bonhomme de chemin.
Et bien figurez – vous qu’une quatrième Coppola se lance elle aussi dans la réalisation. D’ores et déjà, il va falloir compter sur Gia, âgée d’à peine 27 ans. Petite – fille et nièce dans la tribu sus mentionnée, la juvénile réalisatrice voit son premier film sortir sur nos écrans. Comme je n’ai rien de mieux à faire dans la vie que de vérifier si le talent se propage bien de génération en génération, je suis allée voir Palo Alto.
Fred et Teddy tuent le temps comme ils le peuvent, en picolant (pas mal), en fumant (beaucoup), en s’ennuyant (ferme), en se posant des questions existentielles ( … si tu pouvais voyager dans le temps ?) au fond d’une voiture, sous le ciel laiteux de la Californie. April fait partie de l’équipe de foot de son lycée, en pince pour Mr B (le coach sexy) mais aspire à une autre vie où elle passerait plus de temps avec Teddy.
Teddy ne dirait pas non, surtout si Fred (et ses délires psychopathes) lui lâchait les basques 5 minutes, surtout s’il trouvait le courage de l’aborder. Dans ce petit monde clos où la jeunesse est désespérément désabusée, dans cette banlieue indifférente où les perspectives semblent promises à d’autres, chacun tente sa chance, avec plus ou moins de bonheur.
Si l’on s’interrogeait sur la filiation de Gia Coppola, tous les doutes sont levés avec Palo Alto. Comme sa tante (dont on la sait très proche, cultivant une grande ressemblance physique avec elle, travaillant même sur l’un de ses films), la jeune réalisatrice développe un penchant similaire pour les tourments de l’adolescence et le spleen.
Mais alors, Gia ne serait qu’une pâle copie de Sofia ? Non, n’exagérons rien. En adaptant les nouvelles du recueil semi – autobiographique de James Franco, Gia Coppola s’appuie fatalement sur une matière développée auprès de son illustre tantine, en lui insufflant toutefois une marque personnelle, ne demandant qu’à se développer davantage.
Sur la forme, les choses sont déjà maîtrisées : soin du cadrage, très jolie photo, bande originale aussi virevoltante que dense … La réalisatrice est bien jeune mais la réalisation est assurée. Pour le reste, ce n’est pas aussi évident …
Bien que Palo Alto dégage une langueur des plus agréables, bien que l’action se déroule loin d’une Californie de carte postale, bien que certains personnages se révèlent réellement attachants au fur et à mesure du récit (Emily prête à tout pour celui qui lui accordera la moindre attention, Teddy le doux rêveur), une distance ténue mais persistante empêche de casser une certaine réserve.
Le long – métrage aborde son sujet certes de façon esthétique mais un peu figée, restant trop à la surface des choses, laissant le spectateur avec la sensation d’être maintenu au dehors de l’histoire.
Gia Coppola pousse le concept des histoires de famille jusque dans le choix de ses comédiens principaux, Emma Roberts (nièce de Julia) et Jack Kilmer (fils de Val, jouant un tout petit rôle ici alors qu’il était le personnage central du dernier long – métrage de Papi Coppola, Twixt) faisant partie du casting. Si la première est charmante mais un peu trop lisse, le deuxième se révèle étonnant.
En plus d’être à l’origine du projet (il est celui qui aurait convaincu Gia Coppola de se lancer dans la réalisation), James » mutlipass » Franco vient jouer le rôle du coach que les attributs de sa jeune baby – sitter ne laissent pas indifférent. Comme le comédien avait encore un peu de temps à tuer, il a également assuré une partie de la production.
S’il est évident que la jeune Gia a bénéficié de l’aura familiale pour mener à bien sa première aventure cinématographique, s’il est certain que son patronyme lui aura fait bénéficier d’une visibilité faisant défaut à bien d’autres jeunes réalisateurs, Palo Alto atteste néanmoins qu’un nom de famille ne fait pas tout. Comme pour tout le monde, certaines valeurs s’affinent avec le temps.
En vous remerciant.
Pierrette Tchernio