Des histoires qui se croisent et se télescopent, il en est beaucoup question dans le dernier film de David Cronenberg. On y parle également travers de l’industrie cinématographique et rapports, pour le moins particuliers, entre parents et enfants. Jugez plutôt.
Agatha débarque à Los Angeles après ce qui semble être un long trajet en bus. Cette fille étrange, au corps couvert de cicatrices, intrigue beaucoup Jerome, le conducteur de limousine et aspirant scénariste.
Pour Havana, les rôles ne se bousculent plus vraiment au portillon. Écrasée par le poids d’une mère tragiquement disparue alors qu’elle n’était qu’une enfant (et qu’elle rêverait d’interpréter à l’écran), l’actrice navigue entre psychothérapie traumatisante et assistante personnelle cleptomane qu’elle a dû se résoudre à licencier. Heureusement, sa bonne copine Carrie a quelqu’un à lui recommander.
Benjie est devenu très jeune la star de films pour enfants. Aujourd’hui, à peine âgé de 13 ans, il s’est mué en un horrible concentré de mépris. Seuls lui importent les millions de dollars que lui et sa mère seront capables de négocier pour son prochain rôle.
C’est un véritable plaisir de retrouver David Cronenberg au summum de sa forme, loin du langage impénétrable de son dernier long – métrage (l’incompréhensible et ennuyeux Cosmopolis). Il revient accompagné de ses vieux démons et baigne son film d’une atmosphère putride, comme lui seul sait si bien le faire.
Si pendant longtemps, le réalisateur canadien a aimé représenter les tourments intérieurs de ses personnages par de visqueuses et palpitantes masses organiques (Vidéodrome, La mouche, Le festin nu …), les représentations qu’il en fait aujourd’hui en sont plus subtiles mais pas moins efficaces.
En résulte un Map to the stars malsain, plongée au coeur d’un monde factice et clinquant, un royaume peuplé de pervers narcissiques et d’êtres dévorés d’ambition qui ne reculeront devant rien pour arriver à leurs fins. Face à des scènes où la cruauté n’a d’égale que le plus grand des cynismes, des apparitions de défunts viennent rappeler aux vivants tout ce qu’ils voudraient voir enfouis.
Le film est aussi une réflexion sur une industrie qui crée puis broie à volonté ce qu’elle a conçu, une fabrique de monstres déconnectés de la réalité, dont fait partie (d’une certaine façon) le réalisateur, mais sur laquelle il n’arrive pas à poser un regard totalement malveillant.
Dans Map to the stars, David Cronenberg s’interroge également sur les dégâts causés par les secrets familiaux, lent poison qui s’insinue et occasionne des dégâts bien au – delà de la génération concernée.
Pour ce faire, le réalisateur s’est entouré de comédiens auxquels n’aura pas manqué un certain cran (le statut d’acteur étant ici passablement étrillé) : Robert Pattinson (pas encore tiré d’affaire du syndrome twilight, mais les années qui passent sauront lui être bénéfiques), Olivia Williams et John Cusack (terriblement inquiétant en psychothérapeute omniscient), Mia Wasikoswka, Evan Bird (bien jeune mais prometteur) …
Julianne Moore s’y révèle excellente, livrant une grande performance dans le rôle d’une ignoble et pathétique manipulatrice, démontrant, si besoin était, qu’elle pouvait absolument tout jouer.
Je ne sais pas si Map to the Stars vous montrera la voie la plus rapide vers les étoiles d’Hollywood. Une chose est sûre, même sous le plus brillant des soleils californiens, la crasse reste la crasse, à coup sûr.
En vous remerciant.
Pierrette Tchernio