Bien délicat de relater certains évènements musicaux, et ce concert en fait partie. On va donc botter en touche ou presque, et pour cela jouer les profanes complets.
Une affiche avec l’ONCT dirigé par Joseph Swensen, à la Halle ? Pourquoi pas. Au programme, un concerto pour flûte de Carl Nielsen, que je ne connais pas du tout, et une symphonie, la n°8 d’Anton Bruckner dont je n’ai aperçu qu’un portrait. Pas très gai le bonhomme. Mais allons-y et soyons un brin téméraire.
Première surprise avec le concerto bien loin des pièces plus rabâchées de compositeurs du XVIIIè, et vingt minutes excellemment passées à l’écoute du soliste Emmanuel Pahud dont l’aisance m’impressionne beaucoup dans cette œuvre dite enjouée et lyrique. Une très bonne entrée en matière pour la soirée. A l’entracte, c’est le grand bouleversement avec des pupitres partout, et trois harpes qui viennent trôner au milieu des cordes à venir. Il faut se préparer, dit le programme, à quatre-vingts minutes. C’est très long pour une symphonie, me semble-t-il ! Les musiciens entrent, et j’aperçois des cors partout, des bois de même, enfin, le plateau est plein. Silence total et, petit à petit, la musique enfle, enfle, et ne vous quittera plus, aussi bien dans ses fortissimos que dans ses silences. On est subjugué par, ses thèmes multiples et contrastés, une écriture bien complexe et si riche, ses variétés de timbres, et surtout les fluctuations extrêmes de ses intensités.
Ce sera non pas quatre-vingt, mais quatre-vingt dix minutes de communion car, le chef a toujours les yeux fermés ou presque, les mains réunis comme s’il implorait, les musiciens peut-être ? qui jouent, eux, comme s’ils avaient décidé de tout donner ce soir là à leur “patron“. On reste pantois devant le résultat. Les cors fascinent, trompettes et trombones et tuba itou, même si nos oreilles ont trouvé les premières un peu trop…viriles. Les cordes, surtout les plus basses se sont, on ne peut mieux, livrées à la tâche et avec quelle ardeur. Les harpes ont impressionné par leur flegme car on aurait bien aimé les entendre sollicitées un peu plus, mais si Bruckner en a décidé ainsi.
La cathédrale sonore a été bâtie avec succès. Je viens de monter au Ciel. Ovation pour tous. Le chef est plébiscité par ses troupes à deux reprises, ce qui ne peut étonner, même le profane, quand un tel résultat est atteint. Par la suite, vous remettez un peu la machine en route, et vous apprenez que la version donnée est celle de « Robert Haas », la plus longue pour cette symphonie monumentale que Bruckner a tant remanié. Mais pour toutes celles composées, de la n°0 à la n°9, il est dit de chacune d’entre elles qu’elle est une offrande à Dieu, et reflète l’image du combat qui se livre en tout homme entre les deux tendances, matérielle et spirituelle. Mais, n’est-il pas préférable d’abandonner toute tentative arbitraire d’interprétation philosophique ou poétique, et de ne voir dans la symphonie d’Anton Bruckner qu’un édifice musical tenant debout d’après sa seule charpente sonore, et quelle charpente, et sa seule logique spécifique.
Ainsi, oublions vinyls, galettes et autres supports. Une seule référence, celle d’un chef, Joseph Swensen qui a mené au bout, ici, à la Halle, et de quelle manière, un orchestre, l’ONCT, lui-même transcendé dans l’exécution d’une œuvre que rares sont les orchestres français capables d’un tel événement.
Michel Grialou
crédit photo : Crédit Eric Richmond