Le chœur de chambre les éléments, fondé et dirigé par Joël Suhubiette, lance la création d’ateliers d’initiation et d’expression au chant choral et à la voix à la Villa Ancely, de l’hôpital Purpan de Toulouse. Ces ateliers, regroupés sous le beau titre, « Enchantons-nous », s’adressent aux adolescents qui dépendent du service de pédopsychiatrie. Depuis cinq ou six ans, le chœur de chambre a mis en place des ateliers pédagogiques liés à la voix en milieu scolaire : sont concernés des élèves d’écoles primaires, de collèges, de lycées et également des étudiants d’université de la Région Midi-Pyrénées. Toulouse, mais aussi Graulhet, Saint-Antonin-Noble-Val, Tarbes ont été associées. Cette action a pu être menée grâce à l’aide des programmateurs concernés et également de la DRAC qui a soutenu cette action pendant trois ans. Le contenu didactique et artistique de ces ateliers en a assuré le succès auprès des enfants motivés. Le chœur de chambre a alors souhaité prolonger cette action auprès des publics qui n’ont pas habituellement accès à la culture, et notamment dans le milieu médical. La rencontre avec Christine Cuq, responsable du projet culturel de l’hôpital Purpan, a permis la réalisation de ce projet. Un financement sur trois ans (de 2014 à 2016) a été trouvé auprès de la Fondation Daniel et Nina Carasso (Daniel Carasso fut le fondateur du groupe Danone), dont le but est d’aider à la cohésion sociale à travers deux pôles, l’alimentation, d’une part, l’art et la culture, d’autre part. Ces ateliers se déroulent dans la salle des Bateliers du Port-Saint-Sauveur, mise gracieusement à la disposition du projet par la municipalité. C’est à Bertrand Maon, chanteur du chœur et qui possède un « background » important dans le domaine de la santé, de mener cette action auprès du milieu hospitalier. Bertrand Maon a accepté de répondre à quelques questions concernant cette belle action.
Classic Toulouse : Bertrand Maon, comment avez-vous été amené à rejoindre le chœur de chambre les éléments ?
Bertrand Maon : Alors que nous allons évoquer la rencontre entre le monde artistique et celui de la santé, j’ai moi-même été assez vite amené à accomplir à la fois mon métier de chanteur et celui qui me lie au secteur de la santé. Avant d’être chanteur et d’entrer à l’Ecole Nationale d’Art Lyrique du CNIPAL – Centre National des Artistes Lyriques, à Marseille, j’étais lié au Ministère de la Justice, dans le service de protection de la jeunesse. Mon dernier poste était au tribunal pour enfants de Paris. Lorsque j’ai été reçu à l’Ecole Nationale d’Art Lyrique, j’ai dû choisir entre ces deux activités et je me suis investi à 100 % dans mon métier de chanteur. Dans les années qui ont suivi, l’aspect culturel et artistique, d’une part, et l’aspect social, d’autre part, n’ont cessé pour moi de se croiser. Après le CNIPAL de Marseille, j’ai été reçu sur concours à l’Opéra de Nancy où je suis resté trois ans. Déjà à l’époque, je suis intervenu, à la demande de l’hôpital des enfants de Nancy, dans un service de réanimation pour une expérience particulière. Puis, lorsque le directeur de l’opéra, Antoine Bourseiller, est parti, j’ai fait de même, à la recherche d’un peu de soleil. Je suis arrivé à Toulouse au milieu des années quatre-vingt-dix, alors que se créait le chœur professionnel les éléments, à l’initiative de Joël Suhubiette. J’en ai ainsi fait partie dès sa création en 1996.
: Pour aborder le projet « Enchantons-nous » qui nous occupe aujourd’hui, pourriez-vous en définir les motivations ?
B. M. : Déjà, dans les années quatre-vingt, quatre-vingt-dix, des actions ont été développées dans ce domaine et comme toujours les pratiques ont précédé les lois et les conventions qui régissent cette association entre l’art et la santé. Une première convention entre le Ministères de la Culture et le Ministère de la Santé, en 1999, puis une seconde en 2010, sont venues organiser la rencontre entre les artistes, les structures culturelles et le secteur de la santé et du médico-social. Comme j’avais très envie de prolonger ce que j’avais expérimenté à Nancy, je me suis dirigé vers le CHU de Toulouse, qui, à cette époque, soutenait des plans de formation gigantesques entre les artistes et les soignants. Voici donc dix-sept ans maintenant que je possède cette expérience en tant qu’artiste auprès des enfants hospitalisés du secteur de la santé.
Le projet est né à la suite de la rencontre de Laurent Adnet, l’administrateur du chœur, avec la Fondation Carasso. Laurent m’a alors demandé si j’acceptais de travailler avec un service spécifique, le service de pédopsychiatrie de la Villa Ancely, qui était demandeur d’un projet autour de la musique et de la voix. Avec la coordonnatrice de l’hôpital Purpan, Christine Cuq, nous avons monté ce projet qui a démarré en janvier dernier. Ce sont deux mondes très différents qui se rencontrent. Nous nous sommes concertés au cours de nombreuses réunions afin de débattre des attentes et des possibilités, ce qui nous a permis de démarrer sur un terrain commun.
: Comment se déroule pratiquement ce projet ?
B. M. : De janvier à juin, nous allons réaliser treize séances, treize rencontres, d’une heure trente chacune, dans la salle des Bateliers, prêtée par la Mairie de Toulouse. Les adolescents en difficulté, en petit nombre, moins de dix, sont accompagnés de quatre soignants (orthophonistes, éducateurs…). Chaque rencontre commence par un échauffement corporel, sur le mode ludique. Puis nous passons à un échauffement vocal. Ceci n’est pas simple. Puis je leur propose des jeux rythmiques afin de les mettre à l’aise : improvisations rythmiques et vocales. En fin de séance, je leur propose des chansons à une deux ou trois voix maximum, chansons du monde, avec ou sans paroles.
Tout le monde est avide d’apprendre. Il s’agit là de travail mais toujours avec le plaisir en prime.
: Quels sont les bienfaits que l’on peut attendre de ces pratiques, de cette initiation au chant ?
B. M. : Nous ne nous situons pas dans une dynamique de musicothérapie, pratique tout-à-fait respectable néanmoins. Les bienfaits thérapeutiques concernent autant les adolescents que les adultes soignants qui assistent à ces rencontres. La voix est un outil qui permet de s’affirmer. En outre, le fait que l’on soit en groupe entraîne une socialisation. Les treize séances s’adressent aux mêmes adolescents. Des liens se tissent donc entre tous. Mon espoir est, en outre, que ces rencontres leur donne le goût de prolonger ce contact avec le monde de la musique et du chant.
Je voudrais vous citer une anecdote à ce sujet. A l’issue d’un concert deséléments, à Odyssud Blagnac voici quelques années, je vois quelqu’un qui vient vers moi et me salue. Il me dit alors que s’il ne m’avait pas rencontré il n’aurait jamais eu l’idée de venir assister à un tel concert. C’est là la plus belle des récompenses ! Ce projet peut donc inciter les bénéficiaires à participer, non seulement en tant que spectateurs à des concerts, mais aussi en tant qu’acteurs, de découvrir un instrument ou de chanter.
Propos recueillis par Serge Chauzy
Une Chronique de Classic Toulouse
Fondation Daniel & Nina Carasso