Il s’appelle Yijie Shi. Il est chinois, il est jeune, il est ténor, il ne parle pas le français, mais le mandarin, l’anglais, l’italien. Il apprend les textes français d’après la phonétique, ce qu’ils racontent à partir de leur traduction, et chante dans un français où l’on comprend chaque mot ! Comme quoi on peut être né à Pékin, et chanter l’opéra français mieux que d’autres nés dans le Gers. Il est prévu pour chanter un rôle de comprimario, Don Gaspar, et se retrouve bombardé dans ce rôle écrasant qu’est Fernand dans La Favorite. Un challenge relevé dans un laps de temps relativement court, avec une maestria enthousiasmante qui se remarque dès son premier air, la romance de l’acte I, sans faillir pratiquement jusqu’au bout de l’ouvrage. Vaillance et raffinement, on a les deux. Un haut médium particulièrement robuste et un aigu à toute épreuve, on les a. Redoutable, le « Ange si pur » avec son contre-ut… Une véritable performance que vous vous devez d’aller reconnaître et applaudir. On prie, nous aussi ! pour que le trac soit vaincu.
Il est entouré par un Ludovic Tezier royal, au sommet, dans un rôle qui lui va comme un gant et la tessiture “pile-poil“. Quant à la mezzo-soprano Kate Aldrich, on ne peut que louer le chant et l’investissement scénique qui en fait une grande Léonor, une très grande, faisant facilement oublier les absentes. Ces deux artistes chantant dans un français qui ne fait que renforcer l’ensemble.
Les chœurs très sollicités et mis à rude épreuve par la partition, sont comme à l’habitude, dignes d’éloges, tout comme l’orchestre qui, une fois de plus, ne fait que confirmer ce que j’ai écrit il y a peu. Antonello Allemandi – et non Bruno Campanella – dirige avec brio cette musique hybride d’un Gaetano Donizetti à Paris.
Quant à la production, visuellement, elle ravit l’œil. Ni tank, ni bidet, ni cuvette, ni Kalachnikov, ni treillis, ni liquides organiques divers et variés, ni lit d’hôpital, ni “perf“, ni salle de shoot, ni Startrek, ni choristes trapézistes…mais des paons, oiseau des cours royales, symbole, ici, d’orgueil et… de vanité. Un décor simple, des costumes “Christian Lacroix“ intemporels, aux teintes très fortement contrastées et aux formes particulières, qui avec les lumières tout au long des tableaux font revivre avec un goût parfait un ouvrage pas évident à produire. Les “gosiers“ étant, de plus, finalement au rendez-vous…Après Rienzi, c’est donc encore un pari de gagné, même si les embûches successives n’ont pas été évidentes à surmonter et ont pu donner quelques sueurs à qui de droit.
Les amateurs de chant lyrique savent ce qu’il leur reste à faire.
Ne pas oublier de lire mon texte-annonce.
Michel Grialou
Théâtre du Capitole – La Favorite de Gaetano Donizetti, dirigé par Antonello Allemandi et mis en scène par Vincent Boussard. du jeudi 6 au mercredi 19 février