Les murs de Saint-Pierre résonnaient encore des miracles qu’accomplit Saint-Nicolas, mais il n’y a pas de Saint-Nicolas pour les Timothée, Marc, Jean et tous les autres enfants dont les lymphocytes s’orchestrent mal. Juste l’abnégation des bénévoles de l’association IRIS et la générosité de son parrain.
Les grands maux qui bouleversent des vies et les petits aléas, dérisoires, du quotidien. Un jeune chanteur ne s’est pas présenté à la masterclass ; Yasuko Bouvard remplace au pied levé le doigt blessé par la chute de vélo de Samuel Crowther ; et il fait très frais ce soir aux cuisines de Saint-Pierre.
Le violon virtuose et joueur de Gilles Colliard dialogue avec le continuo et l’écharpe blanche attentive de Yasuko Bouvard, dans les sonates du 4e livre de Jean-Marie Leclair. Les trois jeunes élèves du maître de l’après-midi se succèdent pour Haendel, les pleurs timides de l’Almirena et le Sesto en furore de Cécile Piovan, l’Angelica encore scolaire de Clémence Braux, et les vocalises aguicheuses de la Cléopâtre tempétueuse de Clémence Garcia. Quittant écharpe et Cristalline, Philippe Jaroussky se lève du premier rang et vient sur le plateau, jeune musicien parmi les jeunes musiciens, pour l’Alto Giove de Porpora, douceur et grande émotion.
Les Clémence de Philippe : le duo Scherzano sul tuo volto le gracie vezzosette d’Amirena et Rinaldo est donné par Philippe Jaroussky et ses deux jeunes partenaires (Clémence Braux et Clémence Garcia) en forme de trio de la jalousie plein d’humour, la rouge et la noire se disputant les faveurs du maître.
Enfin Philippe Jaroussky offre l’émotion poignante de Ombra mai fu aux enfants qui ne sont plus là. Les notes aériennes de Serse s’envolent, au-delà des platanes et des voûtes de Saint-Pierre, Tuoni, lampi, e procelle / non v’oltraggino mai la cara pace,/ né giunga a profanarvi austro rapace. L’artiste est grand, l’homme simple et généreux.
Saint-Pierre-des-Cuisines, 11 décembre 2013
Photos © Catherine Tessier
Une chronique de Una Furtiva Lagrima.