Au Théâtre national de Toulouse, « la Mélancolie des barbares », de l’auteur ivoirien Koffi Kwahulé, est porté pour la première fois à la scène par Sébastien Bournac, avec Mireille Herbstmeyer, Philippe Girard et une troupe de jeunes comédiens.
Il est comme le bon vin, Sébastien Bournac, il vieillit bien. Ou plutôt ses mises en scène prenant, avec le temps et l’expérience, de plus en plus de corps. Il faut dire qu’il est servi par Koffi Kwahulé, auteur ivoirien à l’écriture charnelle, à la poésie crue et violente, à qui il a passé commande de « la Mélancolie des barbares ». Une pièce qui rappelle par sa dimension lyrique et tragique l’univers de Koltès. On pense à « Quai Ouest »… Une tragédie des temps modernes qui se passe dans une cité où tout le monde se connaît depuis toujours. Il y a le beau Zac, adulé de tous, qui depuis la mort du père, deale pour faire vivre sa mère et sa sœur et se rêve en « Scarface ». Il y a ce chef de la police, ce «Komissari» prédicateur, à la vision du bien douteuse et à la gâchette facile. Son credo à lui c’est de prendre sous son aile les jeunes gens en déshérence : il cherche à sauver Zac, tout comme il a sauvé Baby Mo, sa jeune épouse, en la voilant… Il y a donc aussi Baby Mo, en quête de père et de repères et d’un standing social autre que celui de ses origines. Enjeu de cette pièce, Baby Mo est tiraillée entre deux hommes, son «doux» mari droit et rassurant à qui elle est soumise et Zac, son amour de lycée pour lequel elle est prête à tout. Il y a aussi Lulu – incroyable Fany Germond – la sœur de Zac, jeune femme à fleur de peau, qui marquée par la mort du père ne désire qu’honorer sa mémoire et vivre dans la dignité. Ce qui signera sa perte. Et puis, il y a la bande de copains, tout aussi paumés et éponges à toutes les dérives barbares.
Sébastien Bournac s’est entouré de jeunes comédiens, issus pour la plupart de l’Atelier Volant du TNT, emmenés par deux locomotives: Philippe Girard – travaillant avec Stéphane Braunschweig – pour le rôle du «Komissari», et Mireille Herbstmeyer – qui a beaucoup collaboré avec Olivier Py – pour le rôle de la mère de Zac et Lulu. « La Mélancolie des barbares » est un spectacle froid et dérangeant. Dans le petit théâtre du TNT, sur un plateau anti-naturaliste quasi-vide, recouvert juste de sable, montrant le vide intérieur et l’enfermement de personnages en perdition, les acteurs distillent une tension qui ne lâche pas le spectateur. Tragédie grecque, polar, drame passionnel, « la Mélancolie des barbares » est tout cela. Mais il est surtout un théâtre politique, dénonçant les individualismes, l’oppression, l’instrumentalisation où la violence est le seul recours à l’émancipation. Noir. Mais salutaire.
Sarah Authesserre
Une chronique de Radio Radio
« La Mélancolie des barbares », jusqu’au samedi 23 novembre, 20h00, au TNT, 1, rue Pierre-Baudis, Toulouse.
Tél. 05 34 45 05 05.
photo © François Passerini