Extérieur nuit. Lunettes noires patibulaires, les hommes de main de Malatesta élaborent discrètement leur plan dans la rue mal éclairée.
Plus tard passera à vélo le facteur François, revenant juste de son Jour de fête, pour remettre un billet désespéré.
Intérieur jour. Le vieux Don Pasquale étend ses caleçons dans son salon, sous l’œil attentif de sa mamma en portrait. Le mobilier est vieux, le majordome aussi. Le visiteur doit chausser des patins. À l’étage, des ours en peluche. Mais aussi le jeune neveu, l’ado qui se lève tard, les cheveux en bataille et le marcel avantageux.
Orchestre trop fort ou soliste fatigué ? Le Don Pasquale de Roberto Scandiuzzi est quasiment inaudible pendant tout le premier acte et reste vocalement en retrait jusqu’au dénouement. Le baryton de velours de Dario Solari et son élégant Malatesta lui vole aisément la vedette. Le difficile duo syllabique Quatti quatti est cependant une belle réussite, l’effet rhinocéros sans doute.
Norina, un brin vulgaire, mal fagotée, lit les amours du chevalier Riccardo dans la revue Epoca en vociférant des aigus aussi criards que la décoration de son intérieur. La voix trop puissante de Jennifer Black, qui peut seoir à la harpie, s’adoucit heureusement dans le duo Tornami a dir che m’ami pour un bel équilibre avec celle de son jeune partenaire.
Le coup monté par Malatesta, faux mariage avec fausse sœur, fait du démon de midi de Don Pasquale un enfer kitsch où, Argan coincé dans un siège de plastique suspendu par une chaîne, il subit la torture d’un tas de factures. Est-ce l’Espagne en toi qui pousse un peu sa corne ? Rouge le rhinocéros et jaune le clou démesuré qui descend des cintres, artifices pour lourdement enfoncer le clou de la métamorphose outrancière qui déguise son monde en costumes d’hôpital et perruques bleu pétrole.
Après un précipité où les gars louches passent et repassent à l’avant-scène avec les pièces détachées de la Vespa volée à Ernesto, dans le faisceau de la lampe torche d’un Pasquale aux abois, on s’attend à voir arriver dans le jardin le Chasseur Noir et les cornes de Falstaff près des trois arbustes aux allures de chêne de Herne.
Mais le véritable clou de la soirée est la trompette triste de René-Gilles Rousselot, musicien de rue assis sur l’étui de son instrument, qui dialogue sous un néon blafard avec le Povero Ernesto de Juan Francisco Gatell, dont la voix de soleil, légèrement nasale, a un charme irrésistible.
Théâtre du Capitole, 30 avril 2013
Photos © Patrice Nin
Une chronique de Una Furtiva Lagrima.