Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Riz amer de Giuseppe De Santis
Considéré comme l’une des œuvres phares du néoréalisme, à l’instar du Voleur de bicyclette de Vittorio De Sica et de Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini, Riz amer, sorti en 1949, met en scène un jeune couple, Francesca et Walter, ayant dérobé un collier de grande valeur. La police aux trousses, ils tentent de se dissimuler au sein d’une foule de « mondines » (ouvrières journalières des rizières) s’apprêtant à embarquer dans des trains à destination de la plaine du Pô. Walter doit s’enfuir, mais Francesca, à laquelle il a confié le collier, réussit à monter dans un wagon. Là, elle est prise en charge par la belle Silvana qui va l’aider à obtenir un travail de « mondine clandestine » sans contrat, mais les relations entre les deux jeunes femmes vont s’envenimer…
S’il s’inscrit dans la veine néoréaliste par sa dimension socio-politique et son approche par moments documentaire, le film de Giuseppe De Santis s’affranchit des purs codes néoréalistes notamment par des scènes chantées ou de danse, par un esthétisme affiché ou par l’interprétation flamboyante des comédiens principaux : l’Américaine Doris Dowling, Vittorio Gassman, Raf Vallone (son premier rôle au cinéma) et Silvana Mangano.
Et De Santis créa Silvana Mangano
Par ailleurs, Riz amer mêle habilement destins collectifs et individuels. A l’affrontement initial entre les « mondines » sous contrat et les clandestines succède leur union face aux patrons tandis que se déploie un chassé-croisé amoureux entre les quatre personnages principaux. En outre, l’amitié / rivalité entre Francesca et Silvana accompagne une trajectoire inversée. La première, qui a connu une vie facile de larcins et de luxe, acquiert une conscience sociale auprès de ces ouvrières lui faisant découvrir une existence honnête et simple. La seconde, lasse de son travail épuisant et de la pauvreté, est prête à tout – y compris à trahir ses camarades – pour s’en sortir.
Mais ce n’est pas pour son « message » que Riz amer est entré dans l’histoire du cinéma. Plutôt par la composition époustouflante d’énergie et de sensualité de Silvana Mangano qui va dès lors, avant Sophia Loren ou Gina Lollobrigida, incarner l’archétype de la star italienne aux courbes généreuses. Et De Santis ne se prive pas d’érotiser le corps de l’actrice (ainsi que celui de nombres de « mondines » qui travaillent dans les rizières en petites tenues dévoilant leurs formes), y compris dans une étonnante scène de flagellation. « La Mangano » était née et son surgissement torride n’est pas sans évoquer celui de Brigitte Bardot, un peu plus tard, dans Et Dieu… créa la femme. Au croisement de la peinture sociale, du mélodrame amoureux et du film noir, Riz amer impressionne aussi par sa mise en scène, la composition millimétrée des plans, la superbe photographie d’Otello Martelli. Tout cela n’a pas pris une ride.
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