« Partir un jour », d’Amélie Bonnin, a fait l’ouverture du 78e Festival de Cannes mercredi 13 mai. Une romance sympathique, certes, mais loin d’être à la hauteur du « plus grand festival de cinéma du monde ».

Photo : Topshot Films – Les Films du Worso – Pathé Films – France 3 Cinéma
Lancer le Festival de Cannes a tout du casse-tête. Il faut un film plutôt grand public (il sort le même jour dans toute la France) donnant la tonalité du cinéma actuel. En 2022, Michel Hazanavicius nous avait estomaqués avec sa comédie d’horreur « Coupez ! », hommage gourmand à un genre sanguinolent. L’année suivante, les déboires conjugaux de Johnny Depp avaient pris le pas sur « Jeanne du Barry », le film soporifique de Maïwenn. En 2024, rebelote avec une comédie et nouvelle réussite de Quentin Dupieux : son « Deuxième acte » sur les coulisses d’un tournage était réjouissant. Mercredi, « Partir un jour » affrontait le public et la critique avec plusieurs handicaps, étant l’adaptation d’un court-métrage, rallongé pour l’occasion, et saupoudrant son histoire de chansons, exercice extrêmement difficile (« Don Juan », de Serge Bozon, en avait fait les frais à Cannes en 2022).
Dire que la réalisatrice Amélie Bonnin a surmonté tous les écueils serait très exagéré. Son premier long-métrage est certes une sympathique comédie sentimentale, où le duo Juliette Armanet-Bastien Bouillon fait merveille. Mais le projet ne va guère au-delà. La chanteuse incarne une gagnante de « Top chef », prénommée Cécile – cela a son importance – contrainte de renouer avec sa famille quand son père, tenancier d’un Routier (le toujours formidable François Rollin) subit un troisième infarctus. Le retour au pays tombe mal : elle s’apprête à monter son restaurant gastronomique avec son compagnon. Il ravive cependant un amour ancien pour Julien, beau gosse devenu garagiste et père de famille (Bastien Bouillon s’y révèle d’un charme ravageur). Et sinon ? Pas grand-chose. Les deux enjeux dramatiques du film se résument à cette possibilité d’une passion renouvelée et aux questionnements de Cécile sur une grossesse non désirée. Les sélectionneurs du Festival de Cannes y ont aussi sans doute vu une étude sociologique sur les transfuges de classe, l’héroïne de « Partir un jour » étant l’Annie Ernaux des fourneaux. Le film souffre donc d’un scénario assez léger, jamais transfiguré par une mise en scène très plate, manquant terriblement de rythme (n’est pas Jacques Audiard qui veut). Quant à l’aspect musical, il pose la question de sa pertinence. Quel intérêt de faire chanter – voire massacrer – des tubes comme « Paroles » (Dalida), « Donne-moi ton corps baby » (K.Maro), « Le Loir-et-Cher » (Delpech) ou « Pour que tu m’aimes encore » (Céline Dion), si ce n’est pour servir de béquilles émotionnelles voire faire du remplissage. Reste deux moments prenants quand François Rollin reprend, tout de maladresse touchante, « Cécile, ma fille », de Nougaro, et Juliette Armanet « Partir un jour », chansonnette des 2Be3 qu’elle transforme, de sa voix superbe, en final bouleversant. Il était temps…
« Partir un jour », d’Amélie Bonnin, actuellement au cinéma.