Véritable révélation, cette exposition est la première en France consacrée aux bijoux de la Renaissance, quarante après celle organisée par le Victoria and Albert Museum à Londres en 1980 sous le titre de « Princely Manificence : Court Jewels of the Renaissance, 1500-1630 ».
Pouvait-elle avoir lieu ailleurs qu’à l’Hôtel d’Assezat, le plus bel édifice lié au pastel, construit à partir de 1555 ? Impossible. La Fondation Bemberg s’est alliée au musée national de la Renaissance – château d’Écouen, lui aussi monument exceptionnel de l’architecture de la Renaissance française. L’exposition se déroule du 4 avril au 27 juillet. Elle est dans la même veine événementielle que fut l’exposition, en 2016 en ces lieux, des Trésors de l’orfèvrerie allemande du XVIe siècle.

Julie Rohou et Ana Debenedetti encadrant ce portrait de jeune femme de Moroni ( vers 1572)
La Fondation Bemberg et sa directrice Ana Debenedetti sont particulièrement reconnaissants au Musée national et à son directeur Thierry Crepin-Leblond ainsi qu’à la conservatrice en charge des collections d’orfèvrerie, Julie Rohou, commissaire scientifique aussi de cette exposition pour le prêt de son fonds de bijoux de la Renaissance, l’un des plus importants en France. Ces pièces ont en moyenne quatre à cinq siècles, et on est “baba“ d’admiration devant chacune. Mais si vous voulez les apprécier encore davantage, il faut vous munir d’entrée du catalogue, remarquable d’ailleurs, dans lequel chaque pièce présentée est expliquée, détaillée jusqu’aux accidents. En effet, on en oublierait presque que ces chefs-d’œuvre d’orfèvrerie présentent une certaine fragilité qui, au cours des siècles, n’a pas facilité le maintien de leur intégrité. Muni de l’ouvrage, vous deviendrez alors incollable sur chaque élément de la Collection présentée. Comme c’est une partie de la collection complète il ne vous restera plus qu’à aller jusqu’au château d’Écouen pour voir le reste. Mais auparavant, vous aurez l’obligation de voir ou revoir chacune de ces merveilles et de profiter de la scénographie qui les met en valeur si intelligemment. En un mot, c’est du cinq étoiles.

Armure “aux Lions“ 1540 de Giovanni Paolo Negroli
On n’oublie pas la fragilité de chacune de ces pièces, les modifications qu’il a pu subir, depuis sa création et durant son chemin parcouru jusqu’à nous. On s’étonnera de pouvoir encore l’admirer. On se doute qu’il a pu servir de parure mais aussi de monnaie d’échange comme un tableau présent le suggère si bien. On resitue en d’autres temps que le bijou n’était pas réservé qu’à la gent féminine et que l’homme portait des bijoux et les montrait que ce soit bagues, colliers et autres. Ainsi, à partir du bijou, on va s’intéresser aux tissus, aux vêtements pour les mettre en valeur, aux nouveaux traitements des matériaux précieux comme à ceux concernant les pierres précieuses et les semi-précieuses. Il faudra s’attarder sur les tableaux présentés, inestimables si l’on pense au temps écoulé. Et si l’on s’attarde sur les biens de consommation d’aujourd’hui, on ne manquera pas de s’étonner que certains soient encore là et puissent faire notre admiration, nous éblouir même.

Orfèvre à la bague – 1617 par Werner van den Valkert
L’exposition débute avec un très beau tableau d’un orfèvre hollandais, qui sait, peut-être Bartholomeus j-Jansz van Assendelft ? l’un parmi ses confrères et compagnons et apprentis, qui a participé au nouvel élan dans la fabrication des bijoux sous toutes leurs formes avec la taille nouvelle du diamant qui, de simple caillou ou presque lui a donné ce nouvel éclat, cette brillance définitive qui a modifié complètement l’ordonnancement des pierres, des gemmes et autres éléments.

Portrait de Sibylle de Clèves – Huile Sur Bois de 1535 Lucas Cranach L’Ancien
Prenons le cas de ce portrait de Sibylle de Clèves qui fait partie de l’exposition et en même temps qui fait partie de la collection de la Fondation depuis 1997. Il est un parfait résumé de tant d’enseignements. Cette huile sur bois est de Lucas Cranach l’Ancien et daté 1535 avec une provenance parfaitement établie, ce qui n’est pas toujours le cas ! Plus de quatre cents ans pour tous ceux exposés…On est fasciné par la parure, portée indifféremment par les hommes comme par les femmes, le pendentif, les perles à foison. On est instruit sur le personnage, sa position sociale, ses usages et ses croyances. Le bijou à la Renaissance est bien une sorte de miroir de son propriétaire. À la ville comme à la cour, chevalières, pendants à initiales ou insignes se rajoutent et reflètent ainsi l’identité.

Détail de ce Portait de gentilhomme de 1575 par un anonyme français
On pourra distinguer les bijoux dits de sentiment amenés lors de mariages ou fiançailles. La fidélité est traduite par des perroquets ou colombes ou les mains jointes dites en foi. Il y a les bijoux de protection et d’usage sans oublier ceux pouvant avoir une fonction d’hygiène comme cure-dents ou cure-oreilles, mais oui ! arborés comme des bijoux par femmes et hommes. Sans oublier les odeurs nécessaires à divers titres et les responsables véhiculés dans pendentifs et boutons. Il faut purifier l’air, éloigner les miasmes. Et le parfum n’est jamais à même la peau.

Détail de La Vierge et l’enfant de le Perugin 1470!!
Les bijoux de dévotion ne sont pas bien vus par l’Église mais sont détournés et portés à la gloire de Dieu qui est en rapport avec l’importance du bijou, la grosseur de telle ou telle pierre précieuse ou perle, ou dimensions de la croix. Mais on n’oublie pas les chapelets, les pendentifs-reliquaires. Protestantisme et catholicisme vont s’affronter à ce niveau-là et Savonarole aura une certaine aura en prêchant la destruction de tout ce qui peut constituer cette magnificence avant de finir lamentablement pendu en haut d’un bûcher.
Les memento mori ont eu aussi leur heure de gloire dans les sociétés de la Renaissance et ont aussi eu droit à une exposition ici même.

Pendant : Le meurtre d’Abel vers 1870
Mais, l’expo serait disons, incomplète si n’était point évoqué l’art du faux ! Il en est ainsi de ce pendant qui longtemps considéré comme l’archétype du bijou de la Renaissance est désormais attribué à Reinhold Vasters, orfèvre, restaurateur et faussaire actif à Aix-la-Chapelle entre 1853 et 1909. Il collaborait avec un dénommé Spitzer, un des plus importants négociants d’art, collectionneur et marchand. Une sorte d’escroc de luxe, mais de grande culture ! capable d’exiger que l’on vieillisse tel ou tel émail, de retailler une pierre pour la vieillir de quelques siècles, etc…Furieusement captivant !! Il faudra aussi vous pencher sur un autre pendant : la nef de l’Amour, ou encore un autre dénommé Saint Georges combattant le dragon, tout cet univers où les faussaires ont autant de talent que l’artiste reconnu d’où toute la connaissance et la perspicacité de celui ou celle qui doit isoler l’un de l’autre. Je vous recommande de vous exercer sur le pendentif en forme de dromadaire ou encore celui du Perroquet dans un cercle.
Le catalogue se révèlera une aide précieuse de grande qualité : c’est indéniable.

Huile sur bois d’un peintre français non identifié 1575
Il est temps de clore ces quelques lignes mais signalons encore ce portrait de gentilhomme, une huile sur bois d’un illustre anonyme français, un travail inouï, le parfait reflet de la splendeur du beau, le travail dans les habits eux-mêmes, dans celui des bijoux, pourpoint, cape chemise, pommeau de l’épée, gants, toque, collier double-rang, médaillon, bagues… la magnificence est totale. (Désolé pour les reflets sur la peinture, ce qui vous motivera encore davantage pour aller voir de plus près !!!).