CRITIQUE, concert, TOULOUSE. Halle-aux-grains, le 31 janvier 2025. K. WEILL. Lambert Wilson. Bruno Fontaine. ONCT. Alexandra Cravero.
LES TROIS VIES DE KURT WEILL.
Lambert Wilson et l’Orchestre national du Capitole de Toulouse ont programmé deux concerts pour rendre hommage à Kurt Weill. Ce spectacle mêlant théâtre, chant et musique symphonique est très original. Lambert Wilson joue plusieurs personnages dont Kurt Weill. Il se change et se maquille à vue. Très peu d’accessoires lui permettent de donner vie à ses personnages. Sa diction parlée comme chantée est impeccable dans toutes les langues. De manière chronologique le public est amené à suivre les voyages de Kurt Weill. Bien sure au début en Allemagne son association avec Berthold Brecht est fructueuse. L’opéra de quatre sous, grandeur et décadence de la ville de Mahagonny et de nombreuses chansons en témoignent ce soir avec de larges extraits. Ce début assez sombre ne cachant pas les affres de la misère de la fin des années 20.
Fuyant en 1933 les persécutions nazies Kurt Weill se réfugie à Paris. Le Grand Lustucru, je ne t’aime pas et Youkali illustrent cette période heureuse. Sa musique change et devient plus lumineuse. L’humour y est moins grinçant.
En 1935 Weill part aux USA. Il conquiert rapidement Broadway avec des œuvres brillantes et heureuses. Sa musique permet de comprendre combien il se sent bien dans ce pays. Les extraits choisis sont plein d’esprit, de fantaisie et de joie de vivre ; ils sont un vrai bonheur. Lambert Wilson esquisse des pas de danses, l’orchestre se pare de mille couleurs.
L’évolution stylistique de Kurt Weill est assez spectaculaire. C’est un peu un grand écart entre sa période allemande et américaine. Les musiciens de l’Orchestre du Capitole semblent se régaler. Chaque pupitre à son moment de gloire. Cuivres et percussions en particulier. Au centre de l’orchestre juste devant la cheffe le piano de Bruno Fontaine est roi.
Le jeu subtil et incroyablement varié du pianiste est ensorcelant. La direction d’Alexandra Cravero, parfois avec les poings, choisit la précision et la rigueur. La manque de souplesse se ressent dans la musique écrite en France et surtout celle pour Broadway. Le chanteur et le pianiste épousent parfaitement les changements stylistiques. Les extraits des comédies musicales ont toutes les saveurs attendues. Ce spectacle est sonorisé subtilement. Les jeux de lumière discrets sont très suggestifs et proposent des ambiances diverses.
Kurt Weill est bien un musicien inclassable tant il excelle dans tous les genres. Ce spectacle très original avec des artistes de haut vol en fait une démonstration magnifique.
Photos: Romain Alcaraz
Orchestre national du Capitole