Révélée il y a un an avec les chansons « Petit corps » et « Rome », acclamées par la critique et les internautes, Solann, 25 ans, sort son premier album, « Si on sombre ce sera beau ». On y trouve plusieurs ballades mélancoliques et envoûtantes (« Mayrig », « Insomnie », « Noctambules », « Appelle-moi sorcière », « Les draps »), qui sont autant de merveilles rehaussées de chœurs délicats et d’effets électroniques sophistiqués, ainsi qu’une poignée de morceaux plus rentre-dedans (« Comme les animaux », surproduit, écrasant, ou le quasi-disco « Tout cramer »). La voix de Solann Lis-Amboyan est douce, attirante, avec une rage rentrée qui affleure, le plus souvent, et parfois explose, par exemple sur « Les ogres », chanson percutante « dénonçant l’avidité dévorante des puissants » et dont le clip tout neuf, signé Farid Malka, passe de l’opulence à la déliquescence. Très impressionnante entrée en matière dans le monde des grandes.
Nommée trois fois aux Victoires de la musique (révélation féminine, révélation scène, chanson de l’année pour « Rome »), l’artiste sera en concert à la Cartoucherie, à Toulouse, le 14 mars.
Comment avez-vous vécu l’annonce de votre sélection pour les Victoires de la musique ?
Tout d’abord, mon équipe m’a fait une mauvaise blague en me disant : « Pas de chance, t’es pas du tout nommée ». Et puis, les trois nominations ont été annoncées, en trois temps. La première, j’étais hyper contente. Ensuite, j’ai trouvé cela incroyable. C’est une chance énorme.
Suivez-vous cette compétition depuis longtemps ?
Non car dans ma famille, on n’avait pas de télé ; je n’ai pas été élevée comme ça. J’ai quand même regardé les deux dernières cérémonies. J’ai aimé le mélange des genres, la variété des performances, le côté découverte.
Comment préparez-vous la soirée du 14 février ?
Je suis un peu terrifiée. Il y a tellement de travail à accomplir pour proposer un truc qui sera bon. Mais je ne peux pas en dire plus pour l’instant.
Vous parliez de votre famille. Dans quel milieu avez-vous grandi ?
Je suis issue d’une famille d’artistes. Mes parents sont un peu barrés, du genre excentrique. Ils sont portés sur l’art, la beauté, les textes… Mon père est comédien de théâtre, ma mère a multiplié les métiers créatifs : styliste, décoratrice, notamment de meubles vintage, comédienne aussi.
Comment voient-ils votre volonté de les suivre dans une carrière artistique ?
Ils sont tout à la fois heureux et inquiets. Ils savent ce que c’est de galérer. Ils ne sont pas les seuls : moi aussi je m’inquiète ! Mais je suis tellement contente quand ma grand-mère me dit : « Le premier jour, je vais acheter le vinyle » alors que je peux lui en donner un.
Le ukulélé est très présent sur plusieurs chansons…
Oui mais j’en ai un peu fait le tour. C’est pour ça que j’ai sollicité Marso pour réaliser l’album. On a travaillé en symbiose, en binôme. On s’est livré à un véritable ping-pong en studio d’enregistrement. On lançait des idées, on cherchait, on recommençait. J’ai adoré ces moments, je n’ai pas vu le temps passer.
« Si on sombre ce sera beau » annonce le titre de votre album. Pas vraiment joyeux comme programme !
Ces mots sont extraits de la chanson « Appelle-moi sorcière ». Je suis une personne relativement cynique, je sais que je ne peux pas empêcher le monde de s’écrouler. Mais si on se pète la gueule, autant faire quelque chose de beau d’ici là.
Votre vision de l’amour est elle aussi assez angoissante…
Je n’ai pas trop réfléchi à la question. J’ai seulement essayé d’être sincère, de ne pas ridiculiser mon propos.
Quelle place occupe l’écriture chez vous ?
Comme la musique, c’est un laboratoire. J’écris des textes depuis l’enfance. J’ai rempli des dizaines de carnets, cela m’a toujours fait du bien. J’ai écrit des pièces de théâtre, des nouvelles. Je me suis même essayée au roman quand j’étais adolescente. Je voyais grand !
Sans surprise votre première passion a été le théâtre…
J’ai toujours aimé la chanson mais on doit vous accepter telle que vous êtes. L’avantage du théâtre est qu’on peut devenir quelqu’un d’autre en endossant un rôle. Un rôle précisément écrit car j’ai besoin d’être encadrée par un texte, par la poésie des mots. Je suis nulle en impro !
Immanquablement, on vous a comparé à plusieurs artistes connues comme Barbara, Pomme ou Zaho de Sagazan, dont vous avez assuré plusieurs premières parties. N’est-ce pas un peu agaçant ?
Ce sont des chanteuses que j’écoute, que j’admire, que j’adore. Mais c’est effectivement énervant d’être mise d’emblée dans une case.
Qu’avez-vous appris aux côtés de Zaho de Sagazan ?
On a pas mal échangé en tournée, mais aujourd’hui c’est compliqué : on n’a plus le temps. Avec Zaho, on est nées à un jour d’écart. Je suis très admirative de son parcours. Mais je ne sais pas si je pourrais tenir le rythme qui a été le sien depuis deux ans. Je suis très casanière, je ne souhaite pas être trop longtemps en tournée. Je suis très vite débordée dans ma tête et dans ma vie. J’ambitionne d’avancer oui, mais assez doucement !
Parmi vos nombreuses casquettes il y a aussi la peinture. Est-elle complémentaire de la chanson et du théâtre ?
Ce n’est pas du tout la même esthétique. Je peins pour me détendre, pour m’amuser. J’ai une prédilection pour l’architecture, les bâtiments que j’esquisse avec des à-plats de couleurs. Ce qui est bien avec la peinture, c’est qu’on peut repasser par-dessus quand on n’est pas satisfait de la première couche…
Album « Si on sombre, ce sera beau » (Cinq 7/Wagram, sortie vendredi 24 janvier).
Solann en concert à Toulouse vendredi 14 mars à 20 heures à la Cabane (halles de la Cartoucherie), Toulouse. Tarif : 33 euros.
La Cabane / Les Halles de la Cartoucherie