Maylis de Kerangal publie Jour de ressac aux éditions Gallimard. Un roman énigmatique et une déambulation nostalgique dans les rues du Havre.
La narratrice se raconte à la première personne. La cinquantaine, en couple et mère d’une fille de bientôt 20 ans, elle est doubleuse pour le cinéma. Le quotidien semble bien réglé pour ses trois protagonistes. Jusqu’au jour où elle reçoit un étrange coup de fil d’un commissariat. Elle est convoquée au Havre, lieu de vie de sa jeunesse, afin de répondre à plusieurs interrogations. Perplexe, elle croit à un malentendu. Elle n’a plus remis les pieds dans sa ville natale depuis très longtemps. Que peut bien lui vouloir ce policier pressant ? Déterminée à comprendre ce qui se trame, elle prend seule un train pour le Havre. Elle est loin d’imaginer jusqu’où ce voyage va l’entraîner.
Les rêveries solitaires
Le policier l’installe dans une pièce et la questionne sans préambule. Un homme a été retrouvé mort sur la plage. Il veut savoir ce qu’elle faisait les jours derniers. La narratrice n’en croit pas ses oreilles. Il y a une erreur. Le policier insiste, lui montre des photos quasi insoutenables à regarder. La narratrice insiste, elle ne connait pas cet homme. Alors, ultime question, pourquoi cet homme n’avait aucun papier sur lui sauf un ticket de cinéma et, inscrit dessus, le numéro de la principale suspecte ?
La première partie du roman prend dès lors des allures de polar sous climat tendu et ténébreux. Puis, lorsque le policier doit admettre qu’il n’a rien pour incriminer la narratrice, il la laisse repartir. Retour sur Paris ? Non, la femme décide de rester, de comprendre ce qui vient de lui arriver. D’enquêter peut-être à sa façon. Elle se rend au cinéma, puis sur la plage. Des lieux qui la ramènent à sa jeunesse. Des images qui se superposent sur d’autres. Sur le visage de son amie Vanessa, sur celui de son premier amoureux, parti sans laisser d’explications.
Les scènes deviennent comme des rêveries introspectives, comme des rappels également à l’histoire, celle de la guerre. Les genres se mélangent avec brio et apportent une atmosphère qui fluctue sans cesse. Par ailleurs, c’est aussi une ode à la région du Havre, à son histoire et à ses décors mystiques. Un décor déjà familier à Maylis de Kerangal qui, une fois encore, emporte le lecteur par une écriture maitrisée et envoûtante.
Maylis de Kerangal, Jour de ressac, Gallimard.