En me promenant avec mes petits-enfants au Jardin des Plantes au milieu des bambins courant après les poules et des écureuils tandis que les jardinier.e.s plantaient des chrysanthèmes de toutes les couleurs, je me remémorais un poème de Jean Orizet:
Jamais automne n’eut le vert plus tenace, l’air plus suspendu sur les prés constellés de juvéniles boutons roses.
La sève gagnait du temps; derrière les rideaux d’arbres se répétaient des pièces pour oiseaux seuls, peu pressés d’émigrer vers leurs grands lacs
d’Afrique.
Les moustiques n’avaient pas désarmé, ni les fièvres qui, malgré la chasse, continuaient de visiter des Eldorados de céleri craquant dont les jardiniers dormaient encore sur les plages.
La radio annonçait une belle arrière-saison, et les enfants, partis pour l’école, allaient conquérir des planètes nouvelles en vente dans tous les bons laboratoires
célestes de l’avenir.
J’ai amené mes petits-enfants au Muséum d’Histoire naturelle puisqu’ils voulaient voir une remarquable exposition, peut-être petite par la taille (l’Apatosaurus appelé « Vulcain » mesurant 22 mètres de long, adjugé, samedi 16 novembre 2024, pour plus de 6 millions d’euros, n’y serait pas rentré), mais véhiculant des émotions géantes pour petits et grands de 7 à 99 ans. 45 minutes minimum pour des rêveries sans fin:
Géants : c’est le cas de le dire !
Je me suis senti tout petit face aux squelettes d’animaux préhistoriques; alors j’ai imaginé ce que ressentaient Andrea et Sacha… Mais comme ils ont été fascinés par ces monstres disparus depuis longtemps, ils jouaient avec leur effroi comme avec les figurines minuscules qu’ils collectionnent.
Je leur avais déjà offert le beau livre « Nous Dinosaures » de Zaho Chuang et Yang Yang (Nuinui jeunesse) avec de superbes illustrations: à sept et cinq ans, ils connaissent déjà Tyrannosaurus Rex, Vélociraptor, Triceratops, Ichtyosaure etc.
Mais au Museum ils ont fait la connaissance de Paraceratherium, le plus grand mammifère ayant vécu sur terre, de Smilodon populator, le tigre aux dents de sabre,
de Gigantopithecus blacki, le singe asiatique haut comme trois orangs-outangs, ou encore de Gastornis laurenti, l’oiseau géant incapable de voler, découvert non loin d’ici et exposé pour la première fois au Muséum.
Rien que leurs noms sont oniriques, même on si on connaît pas le latin. Avec eux, ils ont plongé quelques milliers d’années en arrière, et ont pu se mettre dans la peau d’un paléontologue: en effet, ils ont mené leurs propres recherches à travers les dispositifs interactifs proposés.
En circulant parmi ces géants de papier et ces squelettes de spécimens surgis du fond des temps, une proximité et une fascination se créent, invitant à pousser plus loin leur connaissance. Comment des animaux ont-ils pu atteindre de telles proportions ? Pourquoi ces colosses ayant colonisé terres et mers ont-ils finalement disparu ? Leur corpulence et leur force semblaient leur donner un avantage de poids, mais ils se sont avérés extrêmement fragiles. Ils ont fini par céder la place à des proches parents aux tailles et aux besoins souvent plus modestes: éléphants, gorilles, rhinocéros, baleines bleues… Mais même ces géants actuels continuent de subir une forte pression. Combien de temps encore pourront-ils survivre ?
Et les enfants éprouvent comme moi une grande tendresse pour les dernières baleines bleues, que l’on voit sur une belle vidéo. Elles sont encore aujourd’hui traquées par des bateaux-usines monstrueux, au mépris de la convention internationale par 3 pays qui ont refusé de la signer; alors qu’il y a bien longtemps que les peuplades amérindiennes ou basques par exemple n’ont plus besoin de les chasser pour subsister. Et j’ai dû leur apprendre qu’aujourd’hui ce sont leurs défenseurs que l’on criminalise tel le Commandant Paul Watson sur lequel s’acharne une justice aux ordres de quelques nostalgiques de l’âge d’or des massacres de baleines et pour qui seul compte le profit absolu. Mais je ne leur ai pas dit qu’on vient de construire au Japon le plus grand navire-usine baleinier du monde, le Kangei Maru, qui a coûté l’équivalent de 44 millions d’euros, capable de conditionner et stocker des tonnes de viande de baleine à son bord, et espérant capturer et tuer environ 200 de ces mammifères marins par an !
Rêvez encore mes petits-enfants, rêvez le plus longtemps possible: si l’on continue comme cela, bientôt c’est nous les humains qui seront des dinosaures.
Jusqu’au 29/6/2025 de 11h10 à 16h55 tous les jours sauf le mardi.
Crédit image : Fisheye. © Jérome Dunant
Cette exposition est produite par l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique et adaptée par le Museum d’histoire naturelle de Toulouse.
Le concert pour l’Enfance en détresse d’Arménie et de France:
Je vous en ai déjà parlé dans une précédente chronique:
le vendredi 22 novembre à 20h aura lieu à la Halle aux Grains un autre concert d’anthologie: celui du violoniste Jean-Marc Phillips-Varjabedian, un autre musicien de ma Pléiade musicale, avec d’une part le trio Wanderer et d’autre part l’Ensemble Vagabundo.
Le Trio Wanderer: Célébré par la presse pour un jeu d’une extraordinaire sensibilité et d’une virtuosité éblouissante ainsi qu’une complicité presque télépathique, le Trio Wanderer est devenu au fil des ans une formation incontournable de la scène musicale internationale. Ils ont choisi le voyage comme emblème, celui, intérieur, qui les lie étroitement à Schubert et au romantisme allemand. et celui, ouvert et curieux, qui explore le répertoire de Haydn à la musique d’aujourd’hui. Le Trio Wanderer a été distingué par les Victoires de la musique à trois reprises comme meilleur ensemble instrumental de l’année. Il est donc animé par Jean-Marc Phillips-Varjabedian,
qui se produira aussi avec Vagabundo (Tierra Del Sur): Du soleil pour les oreilles ! Les rythmes et mélodies fusent, d’où qu’ils viennent: Argentine, Espagne, Cuba, Balkans, Arménie; du klezmer au Latino-jazz. Quand la rencontre entre un groupe de musiques dites « populaires » et un virtuose de la musique dite « classique » nous montre, instruments en mains, que les deux, loin de s’opposer, se complètent, s’enrichissent, se tutoient, se cousinent, se célèbrent. Les interprètes, portés par l’excellence de leur parcours respectifs, issus du classique, des musiques du monde, du jazz, de l’improvisation, offrent un monde musical basé sur l’écoute, le dialogue, la diversité et la rencontre.
Organisé de plus pour l’Enfance d’Arménie et d’ailleurs, avec fidélité pour la 28° fois, par l’Amicale des Arméniens de Toulouse et de Midi-Pyrénées. Une noble cause.
Un événement à ne pas rater !
Par ailleurs, dans l’excellent (à tous points de vue, acteur, mise en scène, chansons bien sûr) film Monsieur Charles (Aznavour) de Mehdi Idir et Grand Corps Malade, j’ai vu avec plaisir le musicien Dan Gharibian, que l’association Guiank (Amicale des Arméniens de Midi-Pyrénées) nous avait donné à entendre avec le groupe Bratsch en 2015 et en Trio en 2023, jouer dans une fête improvisée chez la famille Aznavourian où passe Missak Manouchian qui sera fusillé peu après au Mont Valérien pour avoir résisté à l’envahisseur nazi, qui a fait partie de cette armée de l’ombre grâce à laquelle nous vivons encore en liberté… pour combien de temps (mais cela je ne l’ai pas encore expliqué à mes petits-enfants; ce sera le plus tard possible). Dans quelques années, je pourrai leur faire écouter une de plus belles chansons que Léo Ferré a créées à partir du poème d’Aragon Strophes pour se souvenir, comme je vous l’ai narré dans une précédente chronique.
« Lee », un film émouvant et édifiant, un superbe portrait d’une grande Dame.
Dans le même registre, autant mémoriel qu’artistique, je vous recommande un film qu je suis allé voir deux fois, et qu’il n’est pas trop tard pour aller voir, car il est encore projeté à Utopia Borderouge et Tournefeuille.
Lee Miller (Lee) est un film britannique réalisé par Ellen Kuras et actuellement sur les écrans. Il devrait être projeté dans les collèges et les lycées pour témoigner de cette période tragique de notre Histoire, mais aussi de l’Histoire des Femmes.
Photographe pour le magazine Vogue, Lee Miller (1907-1977) a débarqué à Omaha Beach (Calvados), le 12 août 1944. Compagne de route des surréalistes, de Picasso, d’Eluard (dont on voit le poème Liberté, j’écris ton nom que je dis sur scène avec la Compagnie du Rêveur depuis plus de 20 ans, parachuté par milliers des avions de la Royal Air Force en avril 1943: un moment qui m’a ému aux larmes, comme d’autres dans ce film), au lieu de continuer à jouir du farniente sur la Côte d’Azur, elle a décidé de s’engager dans la libération de l’Europe; à sa manière, avec son appareil photo.
Aujourd’hui où tout le monde pratiquement a dans la poche un appareil photo intégré à son smartphone (qui ne pèse que 200 grammes maximum), et peut se prendre pour un.e grand.e photographe, il faut s’imaginer au milieu du siècle dernier une belle dame en uniforme se déplaçant avec un gros appareil photographique (qui était une rareté par ailleurs) pesant plus d’un kilogramme en bandoulière, posé sur le ventre, fixant des scènes extraordinaires, et même indescriptibles, dans des zones de guerre et à l’ouverture des camps de concentration nazis .
Au départ, le service d’information de l’armée américaine avait accepté de l’accréditer et de l’escorter jusqu’à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), où elle était censée faire un reportage sur le « jour d’après », les renseignements militaires ayant certifié que le secteur était pacifié; elle s’est trouvée immergée dans une bataille terrible, dans une des dernières poches de lutte des soldats allemands. Mais elle a continué malgré tout dans les bagages des troupes américaines, journaliste embeded, embarqué comme l’on dit maintenant, qui furent nombreux à couvrir le conflit vietnamien.
A l’époque, rappelons-le, il était interdit aux femmes de s’aventurer sur un champ de bataille.
Envers et contre tout, après avoir sauvé de l’oubli les tondues de la libération de Paris, victimes de résistants de la dernière heure, dont seul Brassens a pris la défense dans une chanson inoubliable:
elle a suivi les troupes américaines jusqu’en Allemagne, découvert les camps de concentration, leurs montagnes de cadavres et leurs morts-vivants, et pris un bain dans la baignoire d’Hitler dans un ultime pied-de-nez. Témoignant jusqu’au bout, malgré la censure, avec son appareil photo, le fameux Rolleifleix sur le ventre.
Le rôle va comme un gant à l’actrice britannique Kate Winslet, mondialement connue pour sa beauté épanouie et son rôle dans Titanic (on oublie souvent The Reader, Le liseur, de Stephen Daldry, où elle est exceptionnelle et qui lui a valu un Oscar), mais aussi la liberté avec laquelle elle a mené sa carrière et sa vie, qui a voulu que ce film soit réalisé. Elle y est tout à fait digne de cette héroïne du XXe siècle et mérite largement un nouvel Oscar.
© Roadside Attractions/Courtesy Everett Collection
Je suis reparti très ému et tout songeur dans le tohu-bohu de la ville, et j’étais très heureux en rentrant dans mon home sweet home de faire réciter à mon petit-fils Andrea Matin d’Octobre de François Coppée, extraits de Promenades et Intérieurs:
C’est l’heure exquise et matinale
Que rougit un soleil soudain.
A travers la brume automnale
Tombent les feuilles du jardin.
Leur chute est lente. On peut les suivre
Du regard en reconnaissant
Le chêne à sa feuille de cuivre,
L’érable à sa feuille de sang.
Les dernières, les plus rouillées,
Tombent des branches dépouillées :
Mais ce n’est pas l’hiver encor.
Une blonde lumière arrose
La nature, et, dans l’air tout rose,
On croirait qu’il neige de l’or.
Pour en savoir plus :
1) Museum d’Histoire Naturelle de Toulouse : 35 allées Jules Guesde 31000 Toulouse
Sea Shepherd Conservation Society (SSCS) est une organisation non gouvernementale internationale maritime à but non lucratif, qui a pour but de dépasser la seule protestation et intervenir de manière active et non violente dans les cas d’atteintes illégales; en effet, la pêche industrielle hors-la-loi représente environ 11 à 26 millions de tonnes de la capture annuelle de poisson dans le monde.
Sa devise est: “Il vient une heure où protester ne suffit plus; après la philosophie, il faut l’action.” (Victor Hugo).