Disons-le tout net : c’est tellement plus facile, du moins pour moi, de faire un compte-rendu de spectacle quand il n’y a que du positif à relater ! le peu de négatif passant alors tout droit à la trappe !
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Pas la peine de rechercher x critiques ou articles sur ce petit “grand“ chef-d’œuvre de l’écriture opératique de Benjamin Britten, ce récit à la fois drôle et grinçant. Rosière, rosier, Maupassant a voulu une fin bien triste. Isidore sera ivrogne. Queen, King of may, Britten a voulu une fin plus sereine, un happy end. Albert devient et revient chez lui en adulte et accède à la liberté du choix. Farce à la fois truculente et cynique, Albert Herring est un opéra rarement donné qui mériterait d’être un peu plus défendu de la part des maisons d’opéras manquant passablement de courage. Certes, le fossé est immense entre cet “opéra de chambre“ et l’opéra traditionnel, même si la durée et le but fixé restent comparables aux œuvres habituelles. La réalisation de cette coproduction reprise ici pour une création sur la scène toulousaine – il n’est jamais trop tard…… – est pourtant largement à la hauteur de ce que le compositeur aurait pu espérer. Louons donc l’audace des instances décisionnaires !!
Tout d’abord, il est rare de remarquer autant l’extrême imbrication entre l’écriture musicale et les intentions du livret. « Britten écrit avec une multitude de détails que l’on doit respecter. Il se méfiait beaucoup de « l’interprétation » et demandait aux artistes professionnels un très haut niveau technique. Il était aussi très exigeant avec les enfants et les amateurs.» Et quand la mise en scène est à l’unisson, c’est pratiquement l’accord parfait. Pas de point de comparaison pour celle-ci, mais elle se révèle d’une intelligence et d’un goût qui semblent répondre à toutes les sollicitations du librettiste et surtout de Benjamin Britten. Richard Brunel et son équipe sont responsables d’un travail qui ne peut qu’attirer des louanges, y compris dans les petits clins d’œil servant à actualiser un brin. Pas une faute de goût.
Il fallait aussi trouver les astuces d’enchaînement d’un tableau à l’autre même si le compositeur a prévu des interludes musicaux qui, de plus, permettent de se rendre compte de la richesse de la partition. Ils ne sont que 14 dans la fosse : violon I, violon II, violoncelle, alto, contrebasse, harpe, flûte, hautbois, clarinette, basson, cor, timbale et percussions, et piano et David Syrus à la direction virtuose, pour nous délivrer une musique étonnamment fraîche, d’une limpidité réjouissante. Les accords obtenus avec une telle diversité instrumentale sont surprenants et captivants. De même que leur reprise par des idées de mise en scène.
Des trouvailles du genre plateau tournant et une direction d’acteurs d’une grande précision permettent de régler avec minutie l’action dont on ne perd pas une miette. Les tableaux se succèdent avec bonheur, le choix des couleurs se rajoutant au plaisir visuel. La laideur n’est point au rendez-vous, Britten ne l’eut pas supportée.
Inutile de détailler le plateau vocal. Il est d’une homogénéité superlative, le choix des différents acteurs-chanteurs pour interpréter ces personnages tous un peu “parano“ se révélant d’une grande perspicacité. Jusqu’aux trois enfants d’une parfaite espièglerie. Britten a déclaré un jour : « La seule chose qui me touche chez un chanteur est la mise en valeur de sa personnalité par la voix. » Ses vœux sont exaucés, le “couple“ Sid-Albert faisant partie des réussites les plus émouvantes. Deux chanteurs mais aussi deux parfaits comédiens. On ne citera aucun nom, tous méritant de l’être.
Il ne vous reste plus qu’à vous plonger dans, programme, Journal du Capitole et bien sûr, les trois représentations à venir, le 29, le 1 février et le 3. Le Capitole a attendu 65 ans, pensez-y !
Michel Grialou
Théâtre du Capitole
jusqu’au dimanche 3 février
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