Le 2 octobre, la basilique Saint-Sernin recevait la foule des passionnés d‘orgue à l’occasion du concert d’ouverture de la 29ème édition de son festival toulousain. Deux musiciennes impressionnantes de maîtrise coordonnée activaient les multiples claviers du mythique Cavaillé-Coll du vaisseau roman de la Ville rose.
Ce concert d’ouverture, organisé en partenariat avec Odyssud Blagnac, présenté par Yves Rechsteiner, le Directeur du festival, recevait donc deux organistes associées dans la même ferveur musicale. La Canadienne Isabelle Demers, issue du Conservatoire de Musique de Montréal, mène une double carrière d’interprète et de pédagogues dans de nombreux pays d’Europe, d’Amérique et d’Asie. Elle est aussi membre du jury de plusieurs grands concours internationaux.
Sa collègue de la soirée, Yuan Shen, est professeure d’orgue au Conservatoire Central de Musique de Pékin. Elle est rapidement devenue l’une des organistes et pédagogues les plus en vue d’Asie. Elle a fondé le Festival International d’Orgue de Pékin ainsi que la Société Chinoise d’Orgue.
Ces deux musiciennes ont conçu pour Toulouse les Orgues un programme original et exigeant composé de transcriptions pour leur instrument commun de pièces orchestrales. Elles se sont elles-mêmes chargées de ce travail de transcription avec un talent impressionnant. Un écran géant installé au niveau du chœur permet à toute l’assistance d’observer et d’admirer la coordination qu’exige ce jeu à quatre mains… et quatre pieds.
Deux compositeurs britanniques presque exactement contemporains sont associés dans ce programme. Ralf Vaughan Williams (1872-1958) a écrit sa Fantasia on a theme by Thomas Tallis pour deux orchestres. Sa version pour orgue à quatre mains conserve le caractère modal de l’œuvre originale et l’évolution des affects alternativement paisibles et dynamiques.
La version élaborée et interprétée de la transcription de l’œuvre mythique de Gustav Holst (1863-1934), Les Planètes, occupe néanmoins l’essentiel de la soirée. La version organistique des sept étapes de ce voyage cosmique conserve le même attrait, les mêmes caractéristiques que la version orchestrale originale. On ne peut qu’admirer la finesse, la rigueur, le déploiement des couleurs et des progressions dynamiques obtenus par les interprètes.
Dès les premières mesures de Mars, qui apporte la guerre, l’inquiétant crescendo s’impose jusqu’à sa conclusion étonnante. Le calme lumineux et apaisant de Vénus, qui apporte la paix, ménage un contraste réconfortant. La succession des épisodes semble d’ailleurs reposer essentiellement sur les contrastes d’atmosphère que le jeu des musiciennes souligne avec talent. Le vibrant et léger Mercure, le messager ailé est vite contredit par l’énergie positive et déterminée de Jupiter, qui apporte la gaieté. Dans la séquence des trois dernières planètes, le calme d’une marche lente de Saturne, qui apporte la vieillesse est suivi de l’animation fantasque d’Uranus, le magicien qui se conclut sur le mystère énigmatique de Neptune, la mystique.
L’ensemble de l’œuvre est admirablement structuré dans cette version organistique. Les couleurs de ce magnifique instrument semblent démultipliées par le jeu commun des deux musiciennes. Comme si une seule interprète munie de quatre mains et quatre pieds portait cette partition de la sérénité à l’incandescence.
Le grand succès public de ce premier concert augure bien de la suite de ce 29ème festival de Toulouse les Orgues.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse