Quelques mois ont passé depuis que Beate Vollack a rejoint la Ville Rose et son poste de Directrice de la Danse au Théâtre National du Capitole. Native de Berlin-Est, elle commence la danse en 1985 à l’Ecole Nationale de Ballet de Berlin avant d’intégrer le Komische Oper toujours à Berlin. En 1994, elle est lauréate du concours international de Jakson aux Etats-Unis. En 1995 , alors soliste au Bayerisches Statsballett de Munich, elle est élue danseuse de l’année pour sa prestation dans le Giselle de Mats Ek’s. En 2000 elle obtient son diplôme de professeur de ballet à Munich. De 2014 à 2019 elle dirige la Tanzkompanie de Saint Gall en Suisse, avant de prendre la direction du Ballet de Graz, en Autriche, deuxième grande compagnie de ballet autrichienne.
Lorsqu’elle grimpe à vive allure les escaliers qui mène au Grand foyer Maddy Mesplé où elle nous reçoit, on perçoit déjà la vivacité et l’énergie qui présidera à cette rencontre. Le regard bleu, couleur de glacier pourrait-être froid, il n’est que pétillement lumineux, que renforce le rire qui éclate bien souvent. Elle met un point d’honneur à parler français, effort qu’elle maintiendra tout au long de l’entretien, ne laissant échapper que quelques mots en anglais, quand le mot français ne vient pas immédiatement.
ClassicToulouse: Comment arrive-t-on de Graz à Toulouse ?
Beate Vollack : Après avoir dansé et été l’interprète de grands ballets du répertoire et de grands chorégraphes plus contemporains comme Mats Ek’s, j’ai éprouvé le besoin de conjuguer à la fois mon expérience classique et mon expérience moderne et contemporaine au service des danseurs. Et je crois avoir trouvé cela avec le Ballet du Capitole, qui outre sa très bonne réputation sur la scène européenne, conjugue avec brio l’interprétation classique et contemporaine. Donc, lorsque j’ai pris connaissance de l’annonce, j’ai postulé très vite. Mais je n’avais pas un espoir démesuré quant à ma nomination, je n’avais pas beaucoup d’atouts : formation à l’école russe et pas à la française, je suis allemande ! Mais je suis restée sereine. Et la merveilleuse nouvelle est arrivée !
CT : Mais le ballet n’a pas eu que des Français à sa tête ! Juan Giulano était argentin et Nanette Glushak, américaine ! Comment se passe votre nouvelle vie dans la Ville Rose ?
B.V : Magnifiquement bien ! Je suis HEUREUSE ! J’aime tout : la ville, le soleil, la gastronomie et le vin ! Ah ! le vin (rires)
CT : Vous êtes passées d’une compagnie de 18 danseurs à une compagnie de 35 danseurs. Après sept mois à la tête du ballet, que pensez-vous des danseurs ? Que souhaitez-vous pour le Ballet ?
B.V. : C’est bien sûr un grand changement, et le nombre des danseurs du Ballet du Capitole permet de faire des grandes œuvres du répertoire et c’est très intéressant, mais il reste à taille humaine, ce qui permet un travail plus individualisé. La Compagnie est très très bonne, et je veux l’amener à l’excellence. Depuis mon arrivée, j’ai voulu être au plus près des danseurs, je les ai rencontrés individuellement, je suis avec eux tous les jours. C’est comme ça que je conçois mon rôle. Je veux être une directrice ouverte, à l’écoute de ses danseurs et leurs problématiques. Je voudrais aussi amener encore plus de toulousains à aimer et soutenir le Ballet du Capitole !
CT : Quels sont les chorégraphes que vous souhaiteriez inviter ?
B.V : Edward Clug ! (rires)
CT : Et cela sera fait la saison prochaine !
B.V. : Oui, et aussi Christian Spuck, Johan Inger, … et des chorégraphes français, qu’il faut que j’apprenne à connaître.
CT : Vous avez annoncé la nouvelle saison, qui apparaît comme très équilibrée, entre classique, néoclassique et contemporain. Comment avez-vous travaillé ?
B.V. : Je voulais une saison qui soit un vrai feu d’artifice, qui comble les danseurs et le public. Je voulais des créations et des reprises. Du classique et du contemporain pour mettre en valeur la grande polyvalence des danseurs du Ballet. C’est ce que l’on pourra voir avec la création, pour l’ouverture de saison, de Sémiramis/Don Juan, en coproduction avec la Fundació del Gran Teatre del Liceu à Barcelone et le Théâtre National de l’Opéra-Comique à Paris. La musique de Gluk chorégraphiée par deux artistes contemporains : Ángel Rodriguez et Edward Clug, justement ! Et avec Jordi Savall et son Concert des Nations pour notre plus grand bonheur et notre plus grande fierté ! Le temps de Noël sera placé sous le signe de la « Magie Balanchine » avec la reprise de 3 œuvres déjà au répertoire : Thème et Variations, Tchaïkowski Pas de Deux et Who cares !, pour finir l’année dans la joie ! Place ensuite aux « Chansons dansées » ave deux reprises le Brel de Ben van Cauwenbergh et la trépidante Cantata de Mauro Bigonzetti, et une création de la chorégraphe anglaise Morgann Rumacre Temple, Barbara. Et pour la fin de saison, un grand ballet du répertoire, Coppélia dans la chorégraphie de Jean Guillaume Bart. Comme vous le voyez, classique et contemporain seront au rendez-vous de ma première saison au Capitole.
CT : Le Capitole a accueilli Le Chant de la Terre de John Neumeier. Vous ne l’avez pas choisi, mais l’auriez-vous fait ?
B.V : Oui, mille fois oui ! John Neumeier est l’un des grands maîtres de la danse actuelle et c’est un honneur pour le Ballet que de danser Le Chant de la Terre, avec le chorégraphe lui-même pour guide. Ce ballet, créé en 2015 n’a été dansé qu’à l’Opéra de Paris et à l’Opéra de Hambourg. C’est la troisième fois que le public pourra le voir, et c’est à Toulouse ! C’est certainement le spectacle le plus important de la saison, car c’est une œuvre complète car John Neumeier a tout créé : la chorégraphie, le décor, les costumes, les lumières, sauf… la musique ! (rires).
CT : Le recrutement de deux danseurs étoiles est à l’ordre du jour du Ballet. Qu’en est-il ?
B.V. : Nous avons reçu une quantité incroyable de candidatures, ce qui indique, malheureusement, qu’il y a un problème de recrutement dans le monde de la danse, à l’échelle internationale. Tous les candidats n’ont pas l’expérience suffisante pour être étoile, mais le choix va être difficile
CT : Y-a-t-il des candidatures en interne ?
B.V. : L’offre est ouverte à tous, donc même en interne. Nous avons trois candidats au sein du ballet qui postulent.
CT : Vous êtes la seule femme à la tête d’une grande compagnie de ballet en France, mises à part les directrices des CND de La Rochelle, Nantes et Orléans. Comment le vivez-vous ?
B.V : Oh la la ! (rires), je me suis retrouvée à une réunion à Biarritz avec tous les directeurs, et j’étais la seule femme de l’assemblée. Mais après tout j’ai été choisie, j’ai gagné ma chaise ! Je suis sereine …
CT : Une dernière question : verra-t-on bientôt une chorégraphie de Beate Vollack au Capitole ,
B.V. : Ce n’est pas du tout d’actualité ! Dans les trois ans qui viennent je suis là pour m’occuper des danseurs, leur proposer des œuvres où ils puissent s’épanouir, progresser encore. C’est le travail que je me suis assignée.
A la fin de l’entretien Beate Vollack repart de son pas vif vers John Neumeier qui l’attend pour parler encore de son Chant de la Terre.
Propos recueillis par Annie Rodriguez
une chronique de ClassicToulouse