Yves Beaunesne met en scène Anna Caterina Antonacci dans une « Carmen » post-franquiste, dirigée par Philippe Jordan à l’Opéra Bastille, à apprécier dans les salles UGC et sur France Musique.
La mezzo-soprano italienne Anna Caterina Antonacci tiendra le rôle-titre d’une production de « Carmen », de Georges Bizet, dirigée à l’Opéra Bastille par Philippe Jordan, le directeur musical de l’Opéra de Paris. En 2009, elle chantait déjà à Paris le rôle de Carmen à l’Opéra-Comique, où l’ouvrage avait été créé en 1875. La mezzo-soprano affirmait alors : « Carmen est bien plus qu’un symbole de la liberté de la femme. C’est d’abord une bohémienne, pleinement humaine, tellement humaine qu’elle en devient fascinante de complexité. Cela transparaît dans le rôle : son moyen d’expression n’est pas le chant, ou la danse, ou la parole, mais tout cela à la fois. Je n’ai jamais pu distinguer le métier de chanteur et celui d’acteur. À l’opéra, on ne peut être que les deux à la fois. Le plus beau compliment qu’on m’ait fait a été de me dire que je ne chantais pas sur scène, mais que je parlais. « Carmen » est à mon sens l’idéal le plus abouti de ce chant qui parle. Sa tessiture vocale est ainsi très proche de celle de la voix parlée»(1). Pendant les fêtes, Carmen sera chantée par Karine Deshayes(2) qui abordera pour la première ce rôle. À leurs côtés, le ténor autrichien Nikolai Schukoff se glissera dans la tenue de Don José, et le baryton français Ludovic Tézier sera Escamillo.
C’est la version avec dialogues parlés qui a été choisie par le metteur en scène Yves Beaunesne. L’action a été déplacée dans l’Espagne post-franquiste de la movida, ce renouveau artistique qui accompagna le retour de la démocratie après la mort du général Franco, en 1975. Selon Yves Beaunesne, «dialogues parlés, décor, costumes, lumière et mise en scène concourent à défendre un point de vue central. Sans un point de vue un peu osé, sans une espèce de prétention artistique, à quoi bon déranger des milliers de spectateurs qui, en plus, pour bon nombre, connaissent très bien l’opéra qu’ils vont voir ? Ensuite, il y a avec le chef d’orchestre un partage artistique qui rend le résultat comme une sorte de proposition à quatre mains. Philippe Jordan et moi avons beaucoup échangé sur ce qui nous tenait à cœur dans cette « Carmen », aujourd’hui, à Bastille. L’adaptation des dialogues qu’a faite Marion Bernède correspond donc à un souci d’aller à l’essentiel– d’où les coupes –, de se rapprocher d’une Espagne proche de nous, de donner de quoi offrir de l’épaisseur aux rôles – ce qui souvent passe par l’élision – et donc, in fine, de tenter de se rapprocher de la radicalité de ton que propose Mérimée dans sa modernité. Il faut éviter d’être coincé entre le respect béat et la subversion bébête. Il faut décoller de la tradition pour, ensuite, retrouver la narration. Sans oublier que « Carmen » reste une énigme, jamais résolue», assure-t-il dans un entretien publié en ligne par l’Opéra de Paris.
Une représentation de cette production sera retransmise en direct dans dix-huit salles de cinéma en France. La première représentation sera enregistrée par France Musique et diffusée ultérieurement.
Jérôme Gac
Du 4 au 29 décembre, à l’Opéra Bastille, place de la Bastille, Paris. Tél.: 08 92 89 90 90 (0,34 € la minute depuis un poste fixe en France).
Jeudi 13 décembre, 19h15, dans les salles de cinéma UGC.
Samedi 22 décembre, 19h30, sur France Musique.
(1) Figaroscope (10/06/2009)
(2) Du 20 au 29 décembre