Le 21 mars dernier, la Halle aux Grains recevait cet inséparable duo de deux musiciens, deux amis fidèles que l’on ne se lasse pas d’admirer, le pianiste toulousain Bertrand Chamayou et la violoncelliste argentine Sol Gabetta, invités de la saison des Grands Interprètes. Ces deux faces de la même pièce ont offert aux Toulousains un programme original associant Mendelssohn et Brahms, mais également quelques pièces brèves très contemporaines en guise d’interludes inattendus.
Ces deux artistes, tous deux né en 1981, sont amis depuis plus de vingt ans. Ils se sont rencontrés lors d’un stage de musique vers l’âge de dix ans. Des années de connivence artistique, des centaines de concerts à deux les ont réunis. Entre la vitalité débordante du violoncelle de Sol Gabetta et le piano magistral de Bertrand Chamayou, c’est l’accord parfait.
Tout au long de cette soirée stimulante, cette complicité musicale se manifeste avec une incroyable évidence. Les deux musiciens jouent, dans tous les sens du terme, chaque pièces du programme avec un investissement total et passionné. Ils respirent ensemble et harmonisent chaque nuance choisie comme si elle était improvisée.
Felix Mendelssohn et Johannes Brahms composent l’essentiel de ce programme. Leurs partitions se complètent et se renforcent mutuellement. Le concert s’ouvre sur les Variations concertantes opus 17 de Mendelssohn. Elles ont pour thème l’une de ces mélodies charmantes, d’une évidente simplicité, typique du style souriant de Mendelssohn. Les huit variations ne cachent pas une certaine influence de Mozart et de Beethoven qui ont excellé dans ce genre musical. Les interprètes y développent une prodigieuse variété de toucher. Les traits virtuoses et poétiques alternent avec finesse, passant ainsi de la frénésie digitale à l’apaisement.
Dans la Sonate n° 2 en fa majeur opus 99 de Brahms, l’emportement passionné, l’héroïque déferlement du violoncelle, comme poussé par le piano, de l’Allegro vivace initial, est suivi des pizzicati charmeurs du violoncelle dans l’Adagio affettuoso, inspiré d’une ancienne berceuse. L’Allegro appassionato déborde d’une fièvre pleine de turbulence, supposée évoquer les nuits d’été au lac de Thoune qui inspira Brahms. Et c’est enfin que rayonne la joie de l’Allegro molto, expression du bonheur terrestre avec ses emprunts à des thèmes folkloriques chers au cœur du compositeur.
La seconde partie redonne la parole à Mendelssohn et à sa Sonate pour violoncelle et piano n° 2 en ré majeur opus 58. Dès l’Allegro assai vivace, les interprètes manifestent une ferveur touchante et parfois même exaltante. L’alternance des touchers staccato et legato anime le jeu de l’Allegretto scherzando, alors que l’Adagio, peut-être inspiré d’un choral de Bach, évoque ici un échange de confidences. Une joie lumineuse anime le final Molto allegro e vivace au cours duquel Sol Gabetta et Bertrand Chamayou semblent échanger quelques clins d’œil complices.
Outre ce beau programme musical annoncé, deux insertions inattendues, présentées par les interprètes viennent épicer la soirée. Entre les Variations concertantes de Mendelssohn et la Sonate n° 2 de Brahms, une courte pièce du jeune compositeur espagnol Francisco Coll intitulée Dialog ohne Worte (Dialogue sans paroles, allusion directe à Mendelssohn) lance une sorte de cri impressionnant.
En ouverture de la Sonate n° 2 de Mendelssohn, une autre pièce intitulée Lied ohne Worte (Mélodie sans parole) et signée du compositeur allemand Wolfgang Rihm installe une atmosphère éthérée, jusqu’aux confins du silence.
Cette soif pour toutes les musiques qui constitue une caractéristique généreuse du duo Sol Gabetta-Bertrand Chamayou se prolonge encore avec la série des bis que le public, enthousiaste, lui réclame avec ferveur. Car leur générosité offre pas moins de quatre pièces supplémentaires !
C’est tout d’abord un retour vers Felix Mendelssohn avec son Lied ohne Worte (Romance sans paroles) pour violoncelle et piano. Puis nous écoutons le Final de la de la belle Sonate pour violoncelle et piano du britannique Benjamin Britten. Nous retrouvons Wolfgang Rihm avec Verschwundene Worte (Mots disparus), puis enfin Manuel de Falla et sa pièce ensoleillées : Chanson Populaire Espagnole N° 7 : Polo.
Cette belle complicité musicale n’a pas manqué d’ensoleiller cette soirée Grands Interprètes.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse