Le 13 février dernier, le quatrième concert de la saison des Clefs de Saint-Pierre donnait la parole au pupitre des percussions. Le Trilogie Stick, réunion de trois complices virtuoses, offrait à cette occasion une démonstration impressionnante des pouvoirs musicaux et expressifs d’un pupitre orchestral plein de ressources.
Devant une assistance nombreuse et heureuse d’assister à une telle rencontre, trois « cavernes d’Ali Baba » prônent sur le plateau de l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines. Une incroyable profusion d’objets divers destinés à émettre des sons excitent la curiosité de ce public avide de découverte.
Les trois musiciens qui vont animer cette soirée n’apparaissent qu’au compte-goutte. Christophe Dewarumez, en émissaire, ouvre la soirée avec une série solitaire d’improvisations. Il est bientôt rejoint par son collègue de l’Orchestre national du Capitole, Thibault Buchaillet, puis enfin par José Fillatreau aux talents divers et variés qui prolongent cette introduction improvisée. Ces trois complices forment donc depuis quelques années ce trio baptisé Trilogie Stick, expert en batterie percutante et imaginative.
Ils attaquent enfin ensemble un programme qui réunit des œuvres originales signées des interprètes eux-mêmes. Il s’agit là d’œuvres élaborées, écrites et savamment construites que l’on va découvrir petit à petit. A cet égard comment ne pas être surpris et impressionné de constater qu’aucune partition ne leur vient en aide, bien que l’écriture de ces œuvres soit aussi précise que n’importe quelle pièce classique et peu soumise à improvisation. Comme l’explique Christophe Dewarumez avec un humour sans limite, « Tout est dans la tête… » Chapeau bas messieurs ! Le même évoque sans complexe un futur possible (pourquoi pas trois cents ans !) des œuvres jouées ce soir-là, à l’image de la production mozartienne. D’où le titre de cette chronique…
Pas moins de quatre pièces de Christophe Dewarumez balisent cette soirée. Chaque titre étrange suggère quelque anagramme bien dissimulé. Dès la première intitulée Hermaliènée (on pense à l’anagramme de Marie-Hélène…) le rythme et les couleurs jaillissent des instruments. On admire la science des timbres ainsi que celle des crescendos et decrescendos qui confèrent une vibrante animation musicale à l’ensemble. Plus loin, dans Hatelina (Nathalie ?), le compositeur déclare s’être inspiré des pas d’enfant et notamment de ceux de sa fille, présente ce soir-là. C’est effectivement ce qu’évoque le rythme hésitant, avec néanmoins une atmosphère obsessionnelle et parfois inquiète. Avec Amanglade, et surtout avec la Suite Sandabel, (je donne ma langue au chat quant au possibles anagrammes) Christophe Dewarumez se réfère à la danse. Les six épisodes de cette suite portent d’ailleurs des titres explicites : Ryth’n blues, Valse, Slow, Marche, Tangos et Techno. Les rythmes développés par les instruments permettent d’ailleurs de bien identifier chaque passage caractéristique.
Des effets lumineux et parfois audio viennent accompagner certaines pièces. C’est notamment le cas avec les deux œuvres de José Fillatreau qui s’inscrivent dans ce parcours vivifiant. Dans la très dynamique Three around you, l’auteur déploie une énergie réjouissante. Avec Campana, il nous emmène en Amérique latine. Associés aux effets lumineux, ces rythmes ne sont pas sans évoquer les parcours carnavalesques du Brésil, avec comme un souvenir des fameuses « batucadas » des écoles de samba.
Cette débauche de rythmes et de couleurs reçoit une belle ovation de l’ensemble du public auquel Christophe Dewarumez décide d’offrir un cours de solfège rythmique ! Si le résultat reste modeste, le professeur, magnanime, se déclare satisfait. Les trois compères offrent alors une pièce supplémentaire signée d’un autre percussionniste ayant collaboré avec eux, Anthony Lafargue. Une belle conclusion pour cette soirée animée et originale !
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse