La trilogie indispensable, musique, théâtre et chant, est toujours parfaitement au rendez-vous. Résultat, avec un nouveau plateau vocal, ces brillantes Nozze di Figaro constitue un spectacle lyrique réjouissant.
On le sait, un opéra, il faut les trois, du moins c’est ce que les amateurs attendent d’une représentation sur scène. Ils fusionnent ici dans une harmonie, disons-le, parfaite. C’est pourquoi, lorsqu’une mise en scène, sans être révolutionnaire, ne vous laisse pas une minute de répit, sans faire aucunement appel à ces provocations à la mode ou à tant de ces transpositions “foireuses“, tout un chacun ne peut être que satisfait.
Voir mon article de présentation : le Nozze di Figaro, ce véritable diamant du répertoire.
Merci à Marco Arturo Marelli qui respecte les illustres compositeur et librettiste et le but fixé, à savoir la liquidation en cours des lois féodales et non uniquement une énumération de séances de cocufiage ancillaire. On est au XVIIIè et Mozart est bien là. Pas besoin de quatre pages au metteur en scène et scénographe pour expliquer ses intentions, ni de trafiquer les récitatifs. On remarque la mise en valeur, finement, de l’ambiguïté des personnages comme La Comtesse par exemple ou Suzanne. Les décors de Marelli, les costumes de Dagmar Niefind et les lumières de Friedrich Eggert donnent aux différents tableaux un certain piquant et favorisent judicieusement le déroulement de l’action. Mais, on n’est pas au début XIXè ou chez Rossini, donc du comique mais sans vulgarité. On en excuse, presque ! les bosquets du dernier tableau qui, peu esthétiques, facilitent grandement la scène bien délicate à monter. Mais qui, vu d’en haut, soit de l’Amphi, se révèle bien plus intéressante qu’à l’Orchestre. En quelques mots, on est dans le haut niveau de la réalisation. Et on loue le travail des membres de la conduite technique.
Très heureuse surprise avec la fosse. Non pas que l’on doute du talent de nos musiciens de l’orchestre – les bois se révèlent superlatifs – mais dès l’ouverture, on se dit que l’on est bien chez le divin Mozart. Est-ce la fosse surélevée ? un peu, mais davantage l’implication du chef Hervé Niquet qui offre un écrin idéal au plateau. La baguette est particulièrement ferme. Une fringante nervosité est tout à fait la bienvenue. Avec quelques excès vite pardonnés ! Aucun instant de théâtre dans le déroulement de cette “folle“ journée ne lui échappe. Tout est parfaitement mené. On remarque la disposition des musiciens dans la fosse voulue par le chef. Fort à l’aise, Bob Gonnella au continuo se retrouve le centre du monde.
Enfin, la distribution vocale. D’une grande cohésion. Plausibilités physique et psychologique sont au rendez-vous : du grand art ! De manière tout à fait personnelle, je suis un brin admiratif devant une telle prouesse, celle d’avoir pu réunir un groupe de chanteurs-acteurs d’un tel niveau. On a l’impression, telles la connivence, la spontanéité, l’aisance sont grandes, d’avoir affaire à une troupe. Debout, assis, couché, ils chantent. Exigence théâtrale au maximum. Les portes s’ouvrent et se ferment et claquent, comme la gifle. Chacun vit son personnage et concourt à l’unité de l’ensemble.
Que dire du couple radieux Figaro-Suzanne ? Les deux chanteurs Julien Véronèse et Anaïs Constans arrivent au sommet en incarnant des premiers rôles, grâce à la vista du responsable soit Christophe Ghristi. Et prise de rôle pour les deux futurs époux. Pour Figaro, la voix est là. L’intelligence du personnage aussi. La pratique le conduira sûrement à un peu plus d’extravagance. Quant à Suzanne, on est séduit. Les qualités demandées pour la voix et la musicalité sont au rendez-vous. Déjà, dans Mimi de La Bohème, nous étions favorablement alertés. Là, dans ce rôle, on est convaincu. Le travail a fait son œuvre. Sa Suzanne est rentré brillamment à son répertoire.
Et le couple Comte-Comtesse ? Un Comte, Michael Nagy, excellent chanteur-acteur, se donnant corps et âme, en conférant jeunesse et spontanéité à un personnage souvent à l’autre bout du spectre et dont le poids vocal lui permet d’être entendu jusqu’au poulailler. Sans oublier un physique qui ne peut que faciliter l’adultère ! La Comtesse Almaviva est disons, impériale ! Rosina est bien loin. Karine Deshayes, pour faire simple, réunit les trois impératifs, voix, musicalité et théâtralité. De plus, un physique. Sans omettre la complicité effective du couple Suzanne-la Comtesse, fort bien suggérée.
Et que dire encore du virevoltant et parfaitement crédible Cherubino de Éléonore Pancrazi, constamment en émoi et vocalement assuré, et si promptement déshabillée, ou rhabillée? Et que dire du papa et de la maman, soit Marcelline-Don Bartholo, soit Ingrid Perruche et Frédéric Caton ? Oserait-on ne pas citer le Don Basilio d’Emiliano Gonzles Toro, un Basilio de luxe, et Pierre-Emmanuel Roubet en Don Curzio, la parfaite Caroline Jestaedt et ses quelques graves, rarement entendus ailleurs, dans Barbarina, et Matteo Peirone dans Don Antonio et son pot de fleurs et son flasque ? Les Chœurs participent au mieux à ce que le compositeur a bien voulu leur écrire. Pas une seule fausse-note.
Tous “se défoncent“ pour conduire à la réussite de cette production, et bien sûr à la réussite des Noces. Au final, un accueil enthousiaste d’un public conquis. Qui va oser formuler un reproche ??!!
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Photos © Mirco Magliocca