Le public ne s’y est pas trompé, venu nombreux pour découvrir en ce lieu mythique et dans le cadre de ce Festival prestigieux, une nouvelle musicienne du piano surfant déjà sur les cimes, du haut de ses à peine 21 ans.
Née à Dusseldorf en 2001, elle joue depuis l’âge de 4 ans. Elle gagne plusieurs Prix dans de nombreux concours et surtout le Premier Prix du fameux Concours Clara Haskil 2021. C’est un début de carrière fulgurant et les présents ce soir d’ouverture peuvent en témoigner.
Bien malin celui qui pourrait deviner une telle énergie derrière cette apparente fragilité physique. L’artiste prend possession de son instrument dès les premières notes de l’Impromptu n°1 du Deuxième opus d’Impromptus de Franz Schubert et ce sera alors une vision pour les quatre qui ne laissera pas le choix à l’auditeur. C’est un chant emporté et maîtrisé, profondément romantique, une musique émouvante qui semble naître sous les doigts de la musicienne et ce, sans humeurs, ni affèteries, ni recherches vaines. Trente-cinq minutes de justesse de ton qui nous ravissent.
Une pause bien mérité et la reprise se fera avec la Sonate op.1 d’Alban Berg. La partition est abordée sans complexes. Œuvre du fin fond du romantisme, entretenant des accointances avec Schumann et Brahms, elle est en un mouvement et fait l’effet d’une grande respiration, développant pas moins de beaux motifs mélodiques, de la passion, de la séduction. Elle nécessite donc là encore une énergie parfaitement maîtrisée tout au long de la dizaine de minutes, énergie nécessaire pour vaincre toutes les symétries, essentielles à la perfection musicale selon le compositeur. Une prouesse encore de Yumeka Nakagawa dans ce mouvement de sonate, tendu de bout en bout, avec cette montée par vagues vers un climax central, et la descente vers la sérénité. Nous sommes toujours sur un petit nuage.
La Sonate en si mineur de Franz Liszt va finir d’annihiler toute résistance. Elle durera plus de trente minutes d’une musique à la fois poétique et absolue et nous paraîtra bien plus courte tellement nous voilà pris au piège du jeu de la pianiste empoignant la partition avec une véhémence et une hauteur de vue disons, renversantes. On se dispensera de parler d’architecture, de plénitude de sonorité car tout est là. On insistera sur la chatoyante netteté des couleurs, les silences, mais oui, la fougue de la musicienne et son élan irrépressible. Yumeka Nakagawa ne nous laisse pas indifférents une seconde dans cette œuvre magistrale, créant une sorte d’unité dans ce qu’elle pourrait avoir de composite.
Un bien beau concert. Une Grande était au rendez-vous.
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