Reconnu pour ses représentations circassiennes, l’établissement de La Grainerie est devenu un incontournable culturel en Occitanie. Mais au-delà des spectacles, ce sont aussi des démarches d’accompagnements et de rayonnements qui animent le lieu. Afin de mieux comprendre les coulisses du fascinant chapiteau, à l’occasion de sa nouvelle saison, entretien avec son directeur : Serge Borras.
Comme d’autres lieux culturels, la Grainerie a dû faire face à la pandémie. Programmer une nouvelle saison en sortie de crise, dans un calendrier probablement dense, ce n’est pas trop complexe ? Comment avez-vous procédé ?
À partir de janvier 2021, la communauté artistique et plus particulièrement circassienne, a fait face. Par sa forme, ses fonctionnements, ses partenariats, notre secteur a su faire preuve d’une formidable souplesse durant cette crise. Je reconnais avoir sans doute subi moins de contraintes que d’autres domaines culturels.
Cette saison 2022-2023, en quelques mots, quelle est-elle ?
Cette saison va se fabriquer deux temps. Une année entre créations et représentations, une identité fidèle à la Grainerie. Sans surprise, beaucoup de spectacles 2023 aborderont le vivant, les limites et les sociétés. Le monde circassien est loin d’être naïf dans ses œuvres, il est un beau miroir à contempler. La pandémie a profondément stimulé les artistes, des surprises sont à prévoir…
Avez-vous un coup de cœur ?
À ce sujet, il me vient tout de suite à l’esprit la performance “À l’Est de Nod” d’Andréane Leclerc | Nadère Arts Vivants (les 7 8 et 9 octobre). Une représentation entre contorsion et philosophie. Une proposition épique de quatre heures où trois univers liés à l’exploitation du corps et des territoires se dévoilent. On touche à la beauté, aux limites, à la plastique… Un spectacle fascinant que nous sommes très heureux de proposer.
Je pense également à “Psirc / després de tot La pellicula”. C’est l’histoire d’une communauté qui décide de s’installer dans un marécage, motivée par l’utopie de créer un mode de vie alternatif… C’est documenté, malicieux, et teinté de réflexions. Sur scène, on retrouve un îlot. Autour, le monde est devenu inquiétant. Un cirque dénonciateur et plus que jamais conscient (le 15 octobre).
Dans votre programmation, on retrouve plusieurs spectacles de cirque en plein air, c’est une dimension importante dans votre programmation ? Quels sont les enjeux de ces spectacles ?
Le cirque en lui-même, qu’il soit moderne ou contemporain, conserve une dimension pop et urbaine très importante. Il garde le goût de l’espace public, de la confrontation au peuple. Ces derniers temps l’ont prouvé, il a tout à fait sa place dans la rue. Le cirque n’a pas oublié un élément clef de ses origines et de son histoire : la confrontation directe. Dans notre région, nous sommes une région du cirque. Elle se diffuse à l’Europe et même à l’international. Alors plus qu’une simple zone de représentations, oui, parfois, on quitte le chapiteau pour rencontrer les publics, générer des liens, une économie…
Il y a également un espace important dédié aux compagnies en création, c’est un peu l’ADN de la Grainerie. Comment est-ce qu’on aide un artiste, un groupe, en émergence ? Un établissement culturel de spectacles a-t-il aussi ce rôle d’accompagnement selon vous ?
La Grainerie est un espace de jeunes créations. Par la forme et les responsabilités de notre structure, nous avons le devoir et le plaisir de l’accompagnement. Récemment, nous avons même renommé cette politique. Elle ne se concentre plus sur une création unique, mais aborde une période complète désormais. On passe par toutes les étapes, on développe un projet, un univers pro, des équipes, de la mise en réseaux… Qu’il soit artistique, social ou professionnel, notre accompagnement tente d’emmener toutes les créations vers le concret.
Le cirque est de nouveau de plus en plus placé en lumière. Vous participez indéniablement à l’entretien de cette importance. Quel visage prend le monde du cirque aujourd’hui ? Êtes-vous confiant pour son avenir ? Réussit-t-il à se réinventer, maintenir auprès de ses publics ?
Personnellement, je suis assez désespéré par la politique des fausses solutions qui nous entoure. On possède une communauté agile, européenne, internationale, qui mène des travaux importants pour l’imaginaire et la culture. Il y a des jeunes qui veulent faire bouger les choses, on voit ici en spectacles des regards sur le monde qui sont uniques. Pourtant, le cirque en France manque encore cruellement d’aides et de considération pour exploiter pleinement son potentiel. C’est un outil unique en Europe, mais on communique vingt à trente fois moins dessus. Il faut encore l’accompagner.
Enfin, dernière question, si vous deviez donner l’envie à quelqu’un d’arpenter et de découvrir la Grainerie, que lui diriez-vous ?
Il y a une liberté folle, venez. Venez curieux, venez expérimenter le nouveau, le regard de la jeunesse, de l’expérimentation. En bref, venez profiter de la richesse de nos partenariats et de leurs univers. Entre les artistes, les entreprises, le public de passage ou les habitués, dans le pire des cas, vous risquez juste de belles rencontres ! Un microcosme unique qui fait du bien.